Reportage - Les quatre jours électriques de Monaco
Du 5 au 8 mai, la principauté s'est convertie au silence automobile, ou presque. Au salon Ever, qui accueillait les derniers modèles de voitures électriques sur une trentaine de stands, a succédé la 7e manche du championnat de Formule électrique, sur le traditionnel circuit qui slalome dans les rues de Monaco. Visite guidée, de l'Espace Fontvieille aux virages de la Rascasse et du casino en passant par le tunnel de Sainte Dévote
C'est pratique un rocher déconfiné ou presque. Depuis le 19 avril, à Monaco, les bars et les restaurants sont ouverts et les évènements, culturels ou sportifs, sont autorisés, même s'ils sont contingentés. La Principauté a comme un avant-goût de ce qui nous attend, et un parfum de souvenir de la vie d'avant. Il n'y a plus de salon de l'auto en France ? Monaco a organisé son salon Ever du 5 au 7 mai dernier. Il n'y a plus d'évènements sportifs qui rassemblent du public dans l'hexagone ? À Monte-Carlo s'est tenu, au lendemain du salon, la 7e manche du championnat du monde de Formule E sur le tracé historique du Grand Prix de F1, devant 6 500 spectateurs. Une telle conjonction de l'électricité autour de ces deux évènements et une liberté retrouvée, c'est tentant. Mais à quoi peuvent bien ressembler des journées ou l'on se promène entre les stands des exposants, ou l'on se permet de prendre un verre en terrasse, avant de s'installer dans une tribune de Grand Prix ?
Test PCR et prise de température
Ces quelques jours ont avant tout le goût d'un goupillon nasal et du pistolet à température. Car le test, et son coton-tige corollaire, est obligatoire pour se rendre dans la Principauté, pour déjeuner au resto ou entrer au salon. Là, à chaque entrée et à chaque sortie, un pistolet est braqué sur le front du visiteur. Et comme l'expo se déroule à la fois sous le chapiteau de l'espace Fontvieille et sur son parking, le passionné d'autos avide d'allers-retours pour voir et revoir un modèle connaît heure par heure l'évolution de sa température. C'est ainsi qu'un petit 36,4° le soir a succédé à un mythique 37,2° le matin. Quant aux autos présentées, si elles n'étaient pas très nombreuses (une trentaine au total), elles étaient, pour certaines d'entre elles, dévoilées au public pour la première fois.
C'est notamment le cas de la Nissan Aryia. En version 87 kWh, elle a fait ses premiers pas publics au salon monégasque et, à cette occasion, était accompagnée de sa grand-mère, électrique comme elle. Cette première Leaf de 2011 était du voyage pour se souvenir qu'elle aussi s'était dévoilée pour la première fois dans ce même salon à Monaco. Une décennie plus tard, on peut comparer les 24 kWh de la première électrique Nissan, avec les 62 kWh de la dernière version de Leaf, présente elle aussi et venue faire la leçon à son ancêtre.
Le Prince Albert, abonné au salon
Nissan étant l'un des rares constructeurs exposant officiellement à Monte-Carlo, avec DS venu présenter sa DS9 E-Tense, il était logique que les deux marques recueillent les honneurs princiers. Le souverain de la Principauté a inauguré la manifestation et s'est longuement arrêté sur leurs stands. Mais en ce mercredi d'ouverture, le Prince Albert n'a pas pu consacrer le temps nécessaire à la fée électricité. le voilà donc de retour à Fontvieille dès le surlendemain. Sa Lexus (ouf, elle est hybride) garée devant le chapiteau, son altesse s'en est allée découvrir un curieux objet qu'il n'a pas pu essayer lors de sa première visite : un aquabike, ou plutôt un pédalo dont la petite hélice est actionnée par un vélo électrique.
Pas question de tester l'engin dans la baie, c'est donc sur le stand de la start-up qui l'a conçu que son altesse monégasque a pu faire quelques tours de roues. Le prince a terminé sa visite en se penchant sur une 2ch jaune rétrofitée. Mais une autre auto ancienne modernisée a moins retenu son attention : un très joli cabriolet Sunbeam-Alpine semi-retrofitée. En clair, l'auto de 1953 a conservé son moteur d'époque, mais s'est vue adjoindre une hybridation légère. Une transformation artisanale à suivre.
Un Hummer électrique et sans permis
Autre curiosité de ce salon Ever qui ressemblait évidemment toutes les autos électriques du moment (Audi e-tron GT, Hyundai Ioniq V, BMW IX3), ce Hummer électrique et sans permis, conçu en Chine. L'engin, d'une puissance de 8ch est affiché à 18 800 euros (hors taxe). Il est trois fois plus cher que la Citroën Ami. Mais à Monaco, on ne parle pas d'argent.
Le salon Ever, 16e du nom, a refermé ses portes sur ses vélos pédalos, ces rétrofit partiels et ses dernières nouveautés en matière de voitures électriques le vendredi 7 mai au soir. Mais la semaine électrique de Monaco était loin d'être achevée. Dès le lendemain samedi, les principales avenues de la Principauté se cachaient derrière de hautes grilles et les Monégasques, surpris, découvraient que toutes les voitures électriques n'étaient pas aussi silencieuses que celles du salon. Les Formule E s'élançaient pour les essais libres du matin et entre les immeubles de la Principauté, faisaient entendre leur petit cri strident. Les 24 autos carénées, contrairement à leurs consœurs thermiques empruntaient pour la première fois le tracé historique de Monaco dans son intégralité, et la caisse de résonance du tunnel de Sainte Dévote décuplait leur bruit de scie électrique survoltée.
Outre la musique stridente des voitures, les 6 500 spectateurs, contingence oblige, ont eu une autre surprise. Au delà du concept car DS9 hybride de 360ch venu parader, ils ont vécu la fin d'une légende qui veut qu'à Monaco, on ne dépasse pas, ou alors exceptionnellement. Mais ce qui est vrai en F1, ne l'est pas en FE. Formule (presque) monotype oblige, la différence se situe au niveau du pilotage. Et au cours de la course de l'après-midi, les amis pilotes du paddock sont devenus les ennemis en piste. La passe d'armes entre Jean-Eric Vergne (sur DS) et Mitch Evans (sur Jaguar) ont soulevé quelques belles volutes de fumée, non pas en provenance de leur moteur, mais de leurs freins martyrisés à l'approche des chicanes.
Un jeu de freinages trop tardifs et de trajectoires kamikazes qui s'est prolongé jusqu'à la sortie de route d'un autre pilote, pris dans un autre duel. René Rast et son Audi au tapis, le safety car (un prototype sur base de Mini SE) a ramené tout le monde à la raison, avant qu'elle ne s'élance à nouveau vers le sprint final. Mais alors que Robin Frijns (Envision) filait vers une victoire en pantoufles, le Portugais Antonio Felix Da Costa (DS) a réussi à le passer à quelques centaines de mètres de l'arrivée, s'assurant la première place du podium. Qui a dit que la FE était ennuyeuse ? Pas les spectateurs présents, ni Béatrice Foucher, patronne de DS qui a eu la bonne idée de faire le déplacement ce week-end, ni le prince Albert qui, en remettant la coupe en vainqueur, clôturait cette semaine monégasque électrique qu'il avait inaugurée.
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