Automobiles Cathédrales au Musée de l’immigration
L’actualité culturelle autour de l’automobile nous offre l’occasion de belles rencontres autour de la créativité.
Depuis l’été dernier, le Musée de l’histoire de l’immigration propose une nouvelle présentation de ses collections particulières. Rappelons que ce musée occupe avec l’aquarium tropical le Palais de la Porte Dorée, magnifique exemple de l’architecture des années 1930 qui fut édifié à l’occasion de l’Exposition Coloniale de 1937.
Plusieurs grands noms du mouvement Art Déco ont participé à l’élaboration de ce monument représentatif de son époque, de Jacques-Émile Ruhlmann à Eugène Printz. À l’extérieur, les bas-reliefs du sculpteur Alfred Janniot qui décorent la façade racontent l’histoire douloureuse de la France et de ses anciennes colonies.
L’exposition présente des photographies surprenantes et prenantes : des œuvres signées Thomas Mailaender. Né en 1979 à Marseille, cet artiste a observé les voyageurs qui passaient dans le port de Marseille en 2004, pendant la période où il travaillait pour la SNCM, la compagnie maritime desservant alors la Corse et l’Afrique du Nord.
Ces images montrent des voitures improbables chargées de malles, d’objets, de meubles, de vélos, de machines, surchargées de souvenirs et d’incertitudes. Ainsi écrasées sous les bagages et les angoisses, ces automobiles banales deviennent de véritables cathédrales, pour reprendre l’image de Roland Barthes dans ses Mythologies.
Mais ici, l’analogie ne sublime pas la voiture. Au contraire, elle exprime le poids des péripéties des populations qui déambulent et s’égarent en s’éloignant de leurs racines.
Les images sont glaçantes, anonymes, sans identification, sans présence humaine. Les voitures symbolisant les années 1960 ou 1970 semblent oppressées sous le poids de l’errance et de la précarité. Sur les photographies, le décor est gommé et le fond est unifié.
Les automobiles ainsi banalisées apparaissent comme des outils, comme les reflets d’une géopolitique cruelle.
Constructions précaires, en équilibre entre expectative et désespérance, les Renault 20 ou Peugeot 204 sont les dérisoires véhicules d’une dramaturgie dérisoire tissée autour de la vie des migrants.
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