Route de nuit - Pourquoi les constructeurs n’apprennent-ils pas (toujours) de leurs erreurs ?
Des pannes récurrentes et graves affectent les moteurs chez bien des marques, qui mettent des années à les résoudre… ou pas !
Il est des mystères assez inexplicables. Les statues de l’Ile de Pâques, la disparition de Xavier Dupont de Ligonnès, l’ergonomie des Mercedes… Et les problèmes de fiabilité invraisemblablement récurrents chez bien des constructeurs, et non des moindres.
Voici plus de 70 ans qu’ils produisent des moteurs en grande série, donc ils ont acquis une expérience incomparable en matière de conception et de fabrications. Alors, pourquoi continue-t-il à y avoir autant de pannes graves ?
Même Porsche!
Une marque me vient vite à l’esprit : Porsche. Alors qu’elle était réputée pour la solidité de ses moteurs, elle a mis plus de dix ans à résoudre les problèmes de roulement IMS, les paliers de cet arbre intermédiaire qui contrôle la distribution. Apparus avec le Boxster en 1996, ils n’ont été éradiqués qu’en 2008, quand la 997 a été restylée. De plus n’oublions pas les chemisages de cylindre défectueux, entraînant obligatoirement le remplacement du bloc… Une avarie gravissime qui a perduré facilement huit ans, due semble-t-il à un fournisseur de matériau défectueux.
Apparemment, des moteurs étaient changés sous garantie, et les nouveaux blocs fournis par l’usine présentaient le même défaut. J’en ai parlé à plusieurs spécialistes de la marque, et un m’a fourni l’explication suivante : ce qui empêche l’entreprise de réagir rapidement, c’est sa chaîne hiérarchique lourde et rigide. L’information prend énormément de temps à être acceptée, à remonter puis à être traitée de façon adéquate. Surtout s’il faut ménager telle ou telle susceptibilité… Il faut dire aussi qu’à l’époque, Porsche, après été traumatisé en frôlant la faillite en 1995, cherchait à maximiser sa rentabilité à outrances.
Chez BMW, il y a eu ce fameux souci de coussinets de bielles sur les M3, à partir de l’E36, qui a duré jusqu’à l’E92 V8. C’était même pire sur cette dernière. Selon certains spécialistes, les coussinets sont trop étroits, donc perdent vite leur film d’huile et s’usent prématurément. A tel point qu’il faut les changer avec la même régularité qu’une courroie de distribution !
C’est fou de voir que chez Honda, par exemple, on fait des moteurs tout aussi sportifs, montant plus haut encore dans les tours, et qui tiennent 300 000 km sans panne majeure. A priori, cette avarie appartient au passé chez la marque munichoise, depuis qu’elle monte des blocs suralimentés dans ses M. Sauf que là, c’est un pignon de chaîne de distribution qui fait des siennes… Chercherait-on, ici aussi, à rogner sur les frais développement ?
Surtout que BMW a déjà connu des tracas avec ses distributions, le moteur diesel N47 bavarois en souffrant du le milieu des années 2000 au milieu des années 2010. Pire encore, BMW, à l’instar de ce qui se pratique parfois dans le Groupe VW, monte ses chaînes côté boîte. Je n’arrive pas à m’expliquer le pourquoi de ce choix : dès qu’on a un souci de tendeur ou de guide, on doit sortir le moteur, avec à la clé, une facture monstrueuse. Une façon d’inciter les clients à changer de voiture quand le moteur casse suite à défaut de chaîne ? Peut-être.
Ce qui est certain, c’est que les financiers ont pris un pouvoir démesuré chez les constructeurs et imposent des prix parfois impossibles à tenir aux fournisseurs. Du coup, ceux-ci livrent des pièces non conformes au cahier des charges, ce qui se traduit par des avalanches de pannes. On l’a vu chez VW et Opel dans les années 90-2000, où a sévi un certain José Ignacio Lopez, un directeur des achats « cost-killer » comme on en n’avait jamais vu…
Le goût de la panne?
Ces mêmes financiers peuvent aussi tenter de limiter les coûts de développement des éléments techniques, qui sont lancés avant d’être au point. C’est ce qu’il s’est passé avec le moteur de la SM, par exemple, voire chez Renault au début des années 2000, ce qui a débouché sur un trio Vel Satis/Espace IV/Laguna II désastreux sur le plan de la fiabilité.
Tout le fastidieux travail de remise au niveau qualitative opéré par le Losange dans les années 80-90 a été mis à bas instantanément ! Et il a fallu que le constructeur ressorte un moteur fragile comme du verre, le 1,2 l TCE à la consommation d’huile parfois affolante. Qu’on ne me parle pas du downsizing, d’autre marques parvenant à sortir de petits blocs très poussés mais solides, comme Fiat. Chez le 1,3 l Multijet a eu ses pannes, mais plutôt sur les périphériques (turbo, injection).
Je pourrais aussi mentionner les courroies de distribution immergées qui se désagrègent et perturbent la lubrification du Puretech 1,2 l de PSA, les distributions défectueuses chez VW (le 1,5 l TSI Evo, pour ne citer que lui, a eu un début de carrière très compliqué), bref autant de pannes graves chez des marques autrefois réputées pour la solidité de leurs mécaniques
Etonnamment, les fabricants coréens et japonais semblent échapper à cette hécatombe (encore que Nissan, avant le rapprochement avec Renault, ait mis en service des blocs très problématiques, comme le 1,2 l de la Micra de 3 génération), sans pour autant voir leur rentabilité amoindrie. On pense peut-être trop au pognon sur le vieux continent…
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