Route de nuit - Un fou du volant nommé Brejnev
Dirigeant rigide et autoritaire d’une URSS figée, Leonid Brejnev était pourtant un grand passionné d’automobile, au point de posséder une incroyable collection et de provoquer des accidents de la route…
Comme l’a écrit Pierre-Olivier, François Mitterrand se moquait pas mal des voitures. Fait amusant, il en va très différemment celui qui, soi-disant, devait envoyer des chars à Paris suite à l’accession au pouvoir des socialistes : Leonid Brejnev. Lui, au contraire, les adorait !
A tel point que dans un pays prônant l’égalité matérielle des citoyens, il possédait une jolie collection composée de paraît-il, 82 autos : Maserati, Rolls-Royce… Cadillac. Oui, des productions de l’ennemi de toujours, capitaliste et réactionnaire !
En réalité, on savait que pour rendre visite au ponte communiste, il fallait lui apporter une belle voiture : il s’est ainsi vu offrir une Mercedes 600 par la chancellerie allemande, une Rolls-Royce par la couronne britannique, plusieurs Cadillac et Lincoln par la présidence américaine, une SM par Pompidou, ou encore une Maserati par le parti communiste italien…
Même Tito lui a donné une subime Zastava ! Ce n’est pas parce qu’on dirige d’une main de fer un empire inspiré des théories de Karl Marx qu’on n’aime pas le luxe, les villas, l’argent et les belles voitures.
Un jour qu’il montrait fièrement sa collection à sa mère, celle-ci lui aurait rétorqué : « mais que diront les communistes quand ils vont revenir au pouvoir ? »
Cet amour pour l’automobile n’allait d’ailleurs pas sans poser des gros soucis, tant diplomatiques que sécuritaires. Ainsi, en 1973, rendant visite au président américain Richard Nixon, il reçoit en cadeau de celui-ci une Lincoln Continental. Brejnev, ravi, insiste pour en prendre tout de suite le volant. Il avait déjà voulu se promener incognito dans les rues de Washington, aux commandes d’une belle américaine, ce que le conseiller Kissinger, qui connaissait ses dangereuses habitudes de conduite, avait réussi à empêcher. Mais là, après des palabres avec les responsables des services secrets, Brejnev obtient gain de cause et surtout, emmène le président américain ! Voici donc les deux hommes les plus puissants du monde embarqués pour un tour en voiture de luxe sur les voies sinueuses de Camp David. Pas forcément à jeun, Brejnev conduit comme un fou.
Voilà qui rappelle la reine Elizabeth II, pilotant – à jeun, elle ! – son Land Rover dans le domaine de Balmoral pour donner une bonne leçon au prince saoudien Abdallah qui n’envisageait pas qu’une femme conduise : il l’a implorée de ralentir. Mais Mme Windsor excellait au volant, au contraire du dirigeant soviétique qui a failli envoyer la Lincoln dans le décor au premier virage ! Après que Nixon s’est mis à lui crier de ralentir, il stoppe la longue berline, évitant le pire. Pour cette fois…
Car le bon Leonid, qui levait souvent le coude, ne se privait pas de conduire même quand il avait un sérieux coup dans l’aile. Cette expression imagée s’est d’ailleurs matérialisée, aux dépens d’une malheureuse Rolls-Royce Silver Shadow de 1966.
Un soir, dans un Moscou logiquement désert, Brejnev, plus gorgé de Vodka qu’un réservoir de camion dans l’hiver sibérien, s’en va pour une virée dans la belle anglaise. Mal lui en prend puisqu’il a un accident sérieux, où plus que donner un coup dans l’aile anglaise, il lui défonce littéralement l’avant. Il s’en tire sans trop de bobos, mais la voiture ne sera jamais réparée.
Elle existe toujours, telle qu’on l’a récupérée en catimini, pour s’éviter les foudres de Brejnev et finir en déportation. Elle est exposée au musée automobile de Riga, en Lettonie. Une bonne idée de voyage, une fois qu’il aura rouvert.
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