Sorties de crise - 2008, la crise des subprimes
Avant que l’industrie automobile ne plonge dans le chaos en mars dernier, la dernière grande catastrophe économique avait été enregistrée en 2008 à la suite de la crise dite des « subprimes ».
Souvenez-vous de l’ambiance qui régnait sur le parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris, pendant le Mondial de l’Automobile en octobre 2008. Lourde, très lourde. C’était déjà la fin du monde, la fin d’un monde. Heureusement, les mondes on les reconstruit toujours. Un peu plus fragiles, un peu plus bancals à chaque fois. En 2008/2009, on a bien fait les choses pour aggraver une situation qui était déjà branlante.
C’est pendant le Mondial de l’Automobile 2008 que les premiers tremblements d’une terrible dépression se firent entendre. Couvant depuis la crise des « subprimes » aux États-Unis, la crise financière, symbolisée par le naufrage de la banque Lehmann-Brothers, éclata précisément en ce mois d’octobre 2008 qui plongea le Mondial et le monde dans une torpeur mémorable.
Les bouleversements suivirent bientôt. Tandis que la nouvelle administration américaine, sous l’égide de Barack Obama, préparait son entrée en scène dans les premières semaines de 2009, le Salon de Detroit s’ouvrait sur la déroute des « Big Three ». General Motors au bord de la faillite dut accepter l’aide de l’État américain pour ne pas sombrer après que Carlos Ghosn eût refusé la proposition de prendre en charge la présidence de GM que lui avait faite le président américain (il avouera plus tard l’avoir regretté…). Ford résista mieux, mais le troisième groupe, Chrysler, plongea dans les difficultés. Contre toute attente, tandis que la crise financière s’étendait à toute la planète, c’est le groupe Fiat qui vola au secours de Chrysler LLC, dont la majorité des parts appartenait à Cerberus Capital Management depuis l’échec de la fusion DaimlerChrysler, en 2007.
Ainsi démarra une année automobile ponctuée par une incroyable redistribution des cartes, du sauvetage de Chrysler par Fiat à la faillite de la GM, des inédites pertes de Toyota à la cession avortée d’Opel, toute l’année 2009 fut ponctuée par de grandes manœuvres. L’une des plus spectaculaires concerna l’intégration de Porsche dans le groupe Volkswagen en juillet 2009 et ce, après avoir tenté une opération boursière en octobre 2008 en portant sa participation de 35 à 74 % dans le capital de VW !
Les premières victimes tombent. Dans un univers commercial cyniquement pragmatique, seuls les écussons profitables ont droit de cité. Après Oldsmobile, sabordée en avril 2004, trois marques de la General Motors sont condamnées à mort en 2010 pour assainir les finances du groupe : Saturn en mars, Hummer en mai et Pontiac en juillet.
En février 2010, au terme d’une année de rumeurs et de discussions, la société néerlandaise Spyker Cars NV fait l’acquisition de Saab Automobile AB qui était détenue à 50 % par General Motors depuis décembre 1989, à 100 % depuis janvier 2000. Mais le sursaut ne viendra pas. Saab sera déclarée en faillite en décembre 2011 et l’ultime modèle sera produit en mai 2012.
En août 2010, le groupe chinois Zhejiang Geely Holding Group Co. Ltd. conclut l’acquisition de Volvo Car Corporation. Après dix ans passés dans le giron du groupe Ford, Volvo est cédée pour 1,8 milliard de dollars soit quatre fois moins que ce que Ford avait déboursé en 1999 pour l’acquérir !
Le 5 octobre 2010, l’ultime Mercury, marque du groupe Ford, tombe des chaînes de Kansas City. Puis la zone euro s’est enfoncée dans une dépression creusée par le déficit des pays d’Europe du Sud, la Grèce et Malte, bien sûr, au bord de la faillite, mais aussi l’Espagne et l’Italie atteintes elles aussi.L’industrie automobile s’est trouvée en première ligne pour en subir les effets et ce sont les industriels trop dépendants de ces marchés fragilisés qui ont le plus souffert. Ainsi, tout au long de l’année 2012, PSA Peugeot Citroën a été dans la tourmente, le groupe français annonçant une baisse de 13 % de ses ventes mondiales au cours du premier semestre. Circonstance aggravante, s’est ajouté le retrait d’Iran de PSA, en mars, sous la pression d’un lobby américain s’opposant à l’implication de General Motors dans ce pays, les deux groupes s’étaient rapprochés. Le malaise gagne tous les constructeurs généralistes. Le groupe Renault évite la catastrophe grâce au succès de Dacia, mais Fiat, Ford et GM sont gravement touchés.
Parmi les rares entreprises qui progressent en Europe, l’association Jaguar-Land Rover fait figure d’exception avec 31 % de mieux ! Du coup, Jaguar-Land Rover embauche à tour de bras quand Fiat, PSA, Ford ou GM programment la fermeture de plusieurs de leurs usines…
Les industriels bien implantés dans les pays du « BRICS » s’en sortent infiniment mieux. L’acronyme « BRIC » a été imaginé par la banque Goldman Sachs dès 2001 pour regrouper les pays émergents qui connaissaient l’essor le plus spectaculaire : Brésil, Russie, Inde et Chine. L’Afrique du Sud (South Africa) les a rejoints dix ans plus tard pour former le BRICS.
L’éveil de la Chine est une échappatoire providentielle pour une industrie confrontée non seulement à la crise financière, mais aussi à la saturation de ses marchés historiques. Au cœur de l’été 2010, la Chine annonce qu’elle était devenue la deuxième puissance économique mondiale au cours du premier semestre, prenant ainsi la place du Japon. Tout un symbole… Peu importe que la Chine reste à la traîne en termes de conditions de vie, d’écologie, de prestations sociales, de pouvoir d’achat, ou d’éducation, c’est bel et bien autour de ce pays que s’articule désormais l’économie mondiale et notamment l’industrie automobile.
C’est sur le créneau du luxe que le rôle du marché chinois prend tout son relief. On peut légitimement se demander ce que seraient devenues, sans lui, les enseignes occidentales les plus élitistes. Dès 2012, l’Empire du Milieu devient la première destination pour Rolls Royce, la deuxième pour Bentley, Porsche, Ferrari, Lamborghini ou Maserati. Pour tous, l’ascension a été fulgurante.
Ces labels résisteront-ils à la crise sanitaire de 2020 qui n’a épargné aucun marché ? Sur ce créneau, l’industrie française ne craint personne. En haut de l’affiche, la seule marque menacée est Bugatti. Quant aux généralistes, ils ont déjà vécu le plus dur. La dégringolade a commencé en 2019, sans virus, sans crise, simplement avec des gammes inopportunes : Renault a dévissé de 17,2 % et PSA de 55 %.
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