Suppressions d’emplois chez VW : le dieselgate a bon dos
Le scandale du logiciel truqué n’est pas pour grand chose dans la décision du groupe Volkswagen de supprimer 30 000 postes dans le monde. Le géant allemand répond, à sa façon, aux plus profonds changements que l’automobile doit affronter depuis sa naissance. Car dans dix ou vingt ans, des voitures différentes seront conçues, fabriqués et distribuées de manière différente, avec des salariés différents. Mais plutôt que de former les siens, VW préfère s’en séparer.
Il est drôlement pratique le logiciel farceur made in Volkswagen. Non seulement il a permis de passer haut la main l’examen des normes américaines, mais une fois la supercherie révélée, les 15 milliards d’amende infligés s’avèrent une bonne explication livrée par quelques confrères peu regardants pour justifier les 30 000 suppressions d’emploi envisagés par VW. Et si ce plan n’était dévoilé que très opportunément par le constructeur ? Et s’il n’était que le coup d’envoi d’une révolution industrielle aux répercussions beaucoup plus vastes que celles qui touchent la seule maison Volkswagen ?
Certes, l’amende que doit verser le groupe est lourde. Mais Volkswagen a largement provisionné la douloureuse et il était encore le premier constructeur mondial à la fin du premier semestre 2016. Si l’Allemand n’est pas le plus rentable de la planète, il a tout de même engrangé 5,3 milliards d’euros de bénéfices en six mois, même si ce dernier est en baisse à cause de ladite provision. La vérité est peut-être ailleurs. En annonçant la suppression, d’ici à 2020, de 30 000 emplois dans le monde, dont 23 000 en Allemagne VW est peut-être en train d’inaugurer un cycle qui pourrait faire des ravages bien au-delà du Rhin. Et notamment en France, ou 700 000 salariés travaillent, peu ou prou, pour l’industrie auto.
L’automobile n’a (presque) pas changé depuis 100 ans
Car la bagnole est à un carrefour. Jamais, depuis sa création, elle n’a connu un tel changement. C’est que de Dion Bouton jusqu’aux SUV d’aujourd’hui, la différence n’est qu’anecdotique. Évidemment, une CJ de 1910, et un Porsche Cayenne Turbo de 2014, ne sont pas exactement du même niveau de confort et de performances. Mais, ils disposent tous les deux d’un bon vieux moteur à explosion, un V8 en l’occurrence dans les deux cas. La pétrolette thermique est au cœur du système depuis plus de 100 ans. C’est terminé. Dans 5, 10 ou 20 ans, les voitures seront électriques, ou à hydrogène et se conduiront toutes seules. Et puis, les constructeurs ne seront plus seulement constructeurs, mais « acteurs de mobilité », comme ils disent, à coups de locations, de services proposées par les villes, les entreprises ou les voisins.
Ce changement profond et les nouveaux métiers qu’ils impliquent, l’automobile n’est pas seul à le subir. Le groupe Accor, l’un des plus gros hôteliers de la planète est de moins en moins propriétaire de ses murs, se transformant en boîte de service, en super-concierge. L’automobile et l’hôtellerie, deux exceptions ? Une généralité, plutôt, qui touche tous les secteurs. D’ailleurs selon l’Insee, 56% des salariés travaillant dans l’industrie exercent déjà un emploi de service.
VW en pleine innovation créatrice. Ou destructrice
La bascule est donc en cours. Sauf qu’elle ne fonctionne pas à la même vitesse pour tout le monde. Les PME sont de petites vedettes rapides et les grands groupes des super – tankers longs à la manœuvre. Entre une start-up et le groupe VW, avec ses 600 000 salariés à travers le monde, le virement de bord est forcément plus long et d’une toute autre dimension. Mais le virage a commencé, et n’est pas près de s’interrompre. VW profite sans doute de l’effet dieselgate pour changer de direction. Avec la casse que l’on sait. Car on ne conçoit pas une auto électrique et autonome avec des ingénieurs en mécanique formés au thermique. On ne fabrique pas une auto électrique et autonome sur des chaînes armées pour recracher 800 voitures à la papa. Les process sont différents et les pièces deux fois moins nombreuses.
Volkswagen et les autres sont face à leur première crise profonde d’« innovation créatrice » telle que l’avait annoncé Joseph Schumpeter. Le garçon n’est pas un pilote de course allemand, mais un économiste qui a théorisé, en 1942, un système selon lequel l’innovation détruit des emplois, mais en crée de nouveaux. Sauf que le compte n’y est pas vraiment et Joseph s’est un peu loupé sur les embauches. VW se débarrasse de 30 000 salariés et ne va en recruter que 9 000, formés aux nouvelles technologies utiles à ses futures autos.
Les suppressions d’emploi, plutôt que la formation
Évidemment, VW aurait pu opter pour un plan de formation massif. On peut rêver. Au lieu de ça, le groupe montre la sortie aux anciens, et en profite au passage pour négocier avec l’État allemand des préretraites pour ses vieux salariés, histoire de rajeunir ses troupes.
On peut cyniquement féliciter le groupe d’être le premier à anticiper ce changement majeur du secteur. Il garde ainsi une longueur d’avance en attendant que les autres basculent également dans le nouveau monde de la mobilité. Mais on peut aussi déplorer que Volkswagen et les prochains de la liste oublient l’adage de papy Ford. Dès 1908, le patron américain expliquait qu’il payait correctement ses ouvriers car ils devaient être capables d’acheter l’une de ses voitures. La base de la croissance économique. Or, si les ouvriers ne sont plus payés car licenciés, ils ne risquent pas d’acheter une Golf. Voir une Peugeot, une Ford ou une Toyota. Fussent t-elles électriques et autonomes.
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