2. Sur la route - Impressions de conduite d'une citadine au long cours
Il est temps d’échapper aux bouchons parisiens, mais pour s’en extraire, il faut un moteur. J’ai ce qu’il faut sous le capot, sur le papier du moins. Sauf qu’à la première accélération, le doute m’assaille. D’où provient le creux ressenti dès les premiers mètres parisiens ? C’est pourtant un bon vieux 4 cylindres de 1.2l et 69ch qui équipe la bestiole. Un choix plutôt curieux à l’heure de la généralisation des trois cylindres au cœur des petites autos. Mais pourquoi pas un bloc rétro dans une auto néorétro ? D’autant que j’étais persuadé que cette solution allait m’apporter un gain de couple puisque, toujours sur le papier, lorsque l’on multiplie les cylindres, on augmente le couple. Pas chez Fiat. Cette 500C affiche 102Nm : un petit couplet plus qu’un vrai couple.
Du coup, si la petite n’a pas des accélérations de dragster en ville, elle sera plus à l’aise sur l’autoroute ? Pas faux, jusqu’à la première montée. Le rétrogradage est obligatoire et le conducteur se familiarise très vite avec le petit levier à boule noire, et fort heureusement parfaitement guidé. C’est ainsi que moulinant de la boîte au premier faux plat, ou en conduisant à fond de 4 pour prendre de la vitesse, nous voilà, elle et moi, à entamer les premiers contreforts des Alpes, à l’assaut du tunnel du Mont-Blanc. Elle grimpe, tant bien que mal, à condition de ne pas descendre sous les 4 000 tr/mn.
On imagine bien sûr que la consommation s’envole dans les mêmes proportions que le compte-tours. Évidemment, avec une moyenne de 8 l/100 km au cours de cette équipée, on n’a pas affaire à un chameau, mais l’affaire reste raisonnable, tant on a vu des petits trois cylindres guère plus puissants, mais autrement plus gourmands à haut régime.
Mais au-delà des questions de conso, il s’en pose une autre, après 15 heures passées derrière le volant : la petite auto soigne-t-elle le dos ? La réponse est aussi surprenante qu’enthousiaste : oui, trois fois oui. Le confort d’une voiture se définit à travers trois critères : la qualité de l’assise, celle des suspensions et le confort acoustique. Étonnamment, la 500C coche les trois cases. Ses sièges, joliment dessinés et parfaitement intégrés à la ligne générale sont suffisamment larges, rembourrés avec un mélange de douceur et de fermeté. Ils sont, en plus, suffisamment profonds pour que n’importe quel gabarit s’y sente à l’aise. Les suspensions jouent elles aussi leur partition pour renforcer cette impression. Quant à l’acoustique, elle est étonnamment soignée pour une découvrable d’entrée de gamme. La capote doublée fait le job, et pas le moindre souffle d’air ne parvient à l’oreille du conducteur, même à bonne vitesse, si d’aventure on y parvient.
Du coup, dans son cocon ouaté, le conducteur ose se risquer à parcourir cette jolie planche de bord. Évidemment, l’écran multimédia est à la mesure de l’auto : tout petit. Avec ses 5 pouces, il est déconseillé aux presbytes. Mais le système U-connect, et l’interface Carplay et Android auto qui lui sont accolés répondent présent. Sur cette même console centrale, ou trône l’écran, on retrouve les deux boutons qui actionnent les vitres électriques. Le truc anti ergonomique au possible, dont on connaît l’explication : une rationalisation poussée à l’extrême pour économiser quelques euros en regroupant les circuits électriques au centre de la planche, plutôt que de les placer, plus logiquement, sur les portières. Mais si l’on veut bien l’accepter sur une Fiat Panda à 7 500 euros, qui sert de base à cette 500, on a plus de mal à l’admettre sur cette 500 C vendue, options comprises, à 20 940 euros.
Mais foin de mesquinerie. Après une descente vers Turin ou la petite Fiat revit, pour cause de descente justement, elle se repose au pied même de l’endroit où elle est née : l’usine du Lingotto. Le lingot, dans la langue de chez nous, est un surnom devenu nom emblématique qui lui sied à merveille, puisque le bâtiment, et surtout son circuit sur le toit, évoque la forme du petit féculent blanc. La 500 y est née, comme nombre de ses congénères, et elle est ravie de grimper vers le circuit en ovale de 400 m de long qui surplombe l'étrange immeuble. De là-haut, elle fait la belle, lorgnant sur les faubourgs de Turin qui se sont construits tout au long du XXe siècle autour du fief de la Federazione Italiana Automobilico Torino.
En quittant Turin pour s’en aller flâner du côté de sa grande sœur Milan, on mesure bien le complexe que la première, pauvre et industrieuse, nourrit pour la seconde, riche et économique. La 500, quant à elle, est chez elle, dans les rues de Turin comme dans la banlieue de Milan, mélange de voiture populaire et de jouet tendance. Elle est chez elle, et l’on s’y sent chez soi. Après trois jours à son volant, l'on se permet même de lui trouver d’autres qualités que son insonorisation et ses sièges souples, mais pas trop. Son châssis, par exemple, est sans reproches. Il est scotché aux mauvais pavés comme un kart sur un ruban d’asphalte à peine posé.
Même son moteur finit par retrouver du galon dans cette expérience italienne au long cours. Du galon, ou plutôt du litre, puisque, en conduite normale, agrémentée d’une clim, elle aussi gloutonne et poussée au maximum, il ne réclamera guère plus de 7l/100km. C’est 1 litre de gagné par rapport à son appétit sur l’autoroute Paris Turin, compte-tours frôlant le rupteur, et radar flashant votre serviteur. Mais il est temps pour la petite 500 de s'en aller rendre visite à ses cousines plus nobles. Comme celles qui sont exposées au museo storico Alfa Romeo d'Arese. On la sent timide face aux magnifiques 8C, et autres Montreal. Elle semble perdue au milieu de ces majestés mais comme si elle avait le pouvoir de se venger, voilà qu'une alerte incendie écourte notre visite. Elle n'y est pour rien, mais en la rejoignant sur le parking, elle s'ébroue, plus en forme que jamais.
Évidemment, lors de la halte suivante, au museo historico Ferrari de Modène, la robe blanche de la petite turinoise pourrait rougir comme son toit, devant les chefs-d’œuvre exposés. Mais elle aussi a pris sa part dans l’histoire de l’automobile, et pas la moindre. C’est donc ragaillardie qu’elle en repart. D'autant que le matin même, dans le garage aussi discret qu'exceptionnel que nous avons découvert et ou sont réparés, restaurés et bichonnées les plus belles Ferrari, elle a eu droit à son petit compliment indirect. Bruno Ughetto, l'un de nos cadreurs aussi transalpin que talentueux, s'est excusé auprès de la directrice de la maison Maranello Service d'être venu en Fiat Panda. Et celle-ci de lui rétorquer : "au moins en Panda, vous êtes sûr d'arriver". Sous-entendait-elle qu'en Ferrari, c'était pas gagné ? L'histoire ne le dit pas.
En tout cas, la 500, qui emprunte la même plateforme que la Panda, s'en est trouvée tout anoblie en filant vers la Toscane. La région n’est pas plate, tant s’en faut, et les quelques démarrages en côte nécessaires furent douloureux. Et encore, l’affaire eût pu être pire encore si l’auto était chargée au maximum, avec 4 personnes à bord avec armes et bagages. Même si c’est difficile à envisager étant donné l’exiguïté de la banquette arrière et le coffre de 183 litres, à peine plus de la moitié de celui d’une Clio qui n’est pas non plus un supertanker.
Cette épreuve de la montagne n’est pas la dernière pour la petite Fiat. Car après avoir longé la côte, traversé l’enfer des bouchons génois et le charme suranné de San Remo, elle s’en est allée escalader le piémont des Alpes jusqu’au village de Pigna, accroché à la montagne.
Et elle s’est accrochée elle aussi pour grimper et briller sur la plaza de la cité avec ses collègues de road-trip. Résultat : si elle ne décroche pas le maillot à pois du meilleur grimpeur, ni celui du sprinter, elle aura, à coup sûr, remporté une victoire dans ce tour d’Italie, cet étonnant Giro de l’auto. Une victoire que l’on aurait pu lui décerner au retour sous la tour Eiffel après une semaine d’efforts. Malheureusement, aucun maillot ne récompense la sympathie qu’elle inspire, et la bonne volonté qu’elle respire.
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