Taxer les wattures chinoises : chiche ?
L’Europe prendra-t-elle le risque de taxer les importations de MG, BYD, Geely ou Nio ? Je parie que non…
Ursula von der Layen, la présidente de la commission européenne va faire ouvrir une enquête sur les pratiques anticoncurrentielles de l’industrie automobile chinoise. En clair confirmer que si « les marchés mondiaux sont aujourd’hui inondés de voitures électriques chinoises bon marché » c’est parce que les prix de celles-ci sont « maintenus artificiellement bas par des subventions publiques massives. » Ce qui est formellement interdit par les règles de l’OMC, l’organisation mondiale du commerce. Et sanctionnable par des droits de douane plus élevés.
En France, cette nouvelle a été accueillie avec satisfaction par le gouvernement et les constructeurs qui souhaitent revenir à une certaine forme de protectionnisme, comme celui qui avait freiné par des quotas, dans les années 80 et 90, la hausse des importations de voitures japonaises.
Des perquisitions à Shangaï ?
Mais, depuis, les règles de l’OMC ont changé et il faudra d’abord prouver que la Chine ne pratique pas une concurrence pure et parfaite et subventionne les exportations de ses constructeurs. Comment s’y prendre ?
On imagine mal des perquisitions de la Commission européenne au siège de ces constructeurs à Shangaï ou à Shenzhen et aux domiciles de leurs dirigeants avec saisie des disques durs, de la paperasse, garde à vue et interrogatoires serrés…
Alors quoi, un mandat de l’ONU pour inspecter la comptabilité de l’État chinois ? Et du PCC pendant qu’on y est ?
On ne prouvera jamais formellement la distorsion de concurrence et d’ailleurs, est-il nécessaire d’avoir cette justification pour taxer les importations de MG, BYD et consorts ? Ne serait-ce pas simple réciprocité puisque les voitures européennes vendues en Chine l’étaient à 25 % jusqu’en 2018 et à 15 % depuis et que celles produites sur place doivent obligatoirement l’être en association avec une entreprise locale. C’est d’ailleurs ainsi que les Occidentaux se sont fait piller leur technologie : on fait mieux comme concurrence pure et parfaite…
Bref, l’enquête d’Ursula von der Leyen revient d’une certaine manière à traquer l’abus de biens sociaux dans un atelier de contrefaçon.
Concurrence déloyale ou avance technique ?
Et surtout, si les voitures électriques chinoises sont beaucoup moins chères que les nôtres, n’est-ce pas tout simplement parce que ce pays - où le VE pèse désormais un quart des ventes - a dix ou quinze ans d’avance sur nous dans la conception et les procédés de fabrication ? Parce qu’en en produisant dix ou vingt fois plus que l’Europe, il bénéficie d’énormes économies d’échelle ? Parce que la Chine a depuis longtemps préempté les ressources de lithium et autres métaux plus ou moins rares quand nous en étions encore à forer des puits de pétrole ? Et que ses gigas factories à elles produisent déjà des batteries depuis des lustres quand les nôtres sortent à peine de terre. À lui seul, le chinois CATL pèse plus du tiers du marché mondial. Et enfin parce que, même s’ils ont beaucoup augmenté, les salaires de ses ouvriers restent bien inférieurs aux nôtres.
Qui a tué le moteur thermique ?
Et si, finalement, la véritable distorsion de concurrence entre Chine et Europe se situait au niveau de la clairvoyance de ses dirigeants ?
La comparaison est cruelle. À la fin des années 2000, constatant que ses motoristes ne referaient jamais leur retard sur l’industrie occidentale, que motoriser un milliard d’habitants au pétrole serait une gageure logistique et économique, et aussi, portons-leur en crédit, que l’urgence climatique commandait de ne plus en brûler, le gouvernement chinois a très tôt pris le virage du VE. Bien plus tôt que nous.
La Commission européenne, nonobstant l’énorme avance de la Chine et son quasi-monopole dans les ressources (elle nous vend 90 % de nos « terres rares »), a décidé de lui emboîter le pas en bannissant le moteur thermique d’ici douze ans. Et cela en ignorant les avertissements de ses industriels sur la sauvegarde de 13 millions d’emplois, et en jetant par-dessus bord 120 ans de progrès technique qui auraient pu rapidement déboucher sur le fameux moteur « deux litres au cent ». Ce moteur, pour lequel on venait de dépenser des centaines de millions d’euros et qui était presque à notre portée (d’accord, pas dans un SUV de deux tonnes…) aurait-il été pire pour la planète que les 600 kg de batteries au lithium d’une Tesla ou d’une BYD ?
Pourquoi et comment, au lieu de faire partie d’un bouquet de solutions, le VE est-il devenu pour la Commission européenne l’unique réponse à l’urgence climatique ?
Pour le savoir, plus urgent que d’éplucher la comptabilité chinoise, je suggère de se pencher sur celle de l’omniprésente association Transport & Environnement (T&E), devenu le lobby n°1 de la voiture électrique, et le véritable mentor - pour ne pas dire le Raspoutine - de la Commission européenne pour tout ce qui concerne l’automobile. D’où proviennent ses subsides ? Qui et où sont ses véritables sponsors ?
Taxer les VE chinois ? C’est nein !
De toute façon, quoi qu’en promette Ursula von der Leyen, l’Europe ne taxera pas les importations de wattures chinoises, car l'Allemagne ne le veut pas.
En fait, elle ne le peut pas : son économie est encore plus dépendante de son commerce avec la Chine qu’elle ne l’était du gaz russe. Machines-outils, produits manufacturés, équipements médicaux, chimie, médicaments, toutes les grandes entreprises allemandes doivent une part importante de leur chiffre d’affaires et de leur bénéfice à l’Empire du milieu.
Le cas de son industrie automobile est éloquent : son premier marché mondial est la Chine. BMW y emploie 30 000 personnes et vient d’investir 1,3 milliard d’euros pour y produire sa nouvelle gamme de VE et leurs batteries. BMW comme Mercedes réalisent grosso modo 20 % de leurs ventes et 30 % de leur bénéfice en Chine. Et le second a pour principal actionnaire le chinois Geely.
VW est encore plus dépendant : 40 % des ventes et plus de la moitié du bénéfice.
Des positions actuellement très fragiles, menacées par la montée en puissance des concurrents locaux qui, avec Tesla, raflent la mise sur le marché du VE, n’en laissant que des miettes aux Allemands. Dans ce contexte, la moindre mesure de rétorsion de Pékin à une taxe anti VE chinois suffirait à les rayer du marché.
Peu de temps après la conférence d’Ursula, son compatriote Olaf a sifflé la fin de la récré au salon de Munich qu’il visitait : « la concurrence doit nous stimuler, pas nous effrayer » a lâché M. Scholz, le chancelier allemand, ajoutant « Dans les années 80, on disait que les voitures japonaises allaient envahir tous les autres marchés ; vingt ans plus tard, c’étaient les voitures “made in Korea” ; aujourd’hui, ce sont soi-disant les voitures électriques chinoises ».
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