Tous ceux qui roulent dans une vieille voiture seraient écolos. C'est une blague ?
Conserver plutôt que jeter, c'est bien et c'est bon pour la planète. Mais en confondant vieille voiture et youngtimer, volonté de quelques-uns et possibilité de tous les autres, on peut nourrir l'amalgame et se dire que tous les propriétaires d'anciennes autos le font par choix et sont des défenseurs de l'environnement. C'est ce que fait un sociologue qui oublie que nombre de conducteurs n'ont juste pas les moyens de changer de voiture et conservent leur vieillerie bien malgré eux.
Qu’une thèse de sociologie se penche sur le phénomène des Youngtimers est une excellente idée. Et Gaëtan Mangin, l’auteur de ladite thèse le souligne à juste titre, en préambule de son document : « il ne fait aucun doute pour un observateur quelque peu avisé, que l’intérêt pour les voitures anciennes est en plein essor ». C’est un fait et il a de quoi justifier une thèse de doctorat pour savoir de quoi ce phénomène est le nom, d’où vient-il et quelles sont les motivations de ses pratiquants.
Les fans de youngtimers sont des écolos
Et c’est ce dernier point qui nous fait quelque peu tiquer. Car l’auteur s’est fendu de deux tribunes sur le sujet sur des sites peu réputés pour être climatosceptiques (Slate.fr et Reporterre.net) pour présenter les conclusions de son travail. Surprise : les adeptes des vieilles-autos-pas-encore-tout-à fait-de-collection-mais-presque ne seraient pas seulement des fans des belles lignes d’avant les SUV, des carbus d’avant l’injection, et des freinages d’avant l’ABS : mais aussi des écolos dans l’âme.
C’est effectivement ce que ces conducteurs de youngtimers qu’il a interrogé lui ont expliqué. C’est le cas de Fabrice, enseignant-chercheur, de Lucas, étudiant en philo ou de Yannis chef d’entreprise. Ils roulent en Saab, en 4L ou en vieille Citroën et sont sincèrement persuadés, et plutôt à juste titre, qu’une vieille auto est durable, et que si elle pollue à l’usage, elle est moins nuisible que les voitures récentes car sa fabrication et les émissions qu’elle a engendré sont largement amorties.
Mais ce petit constat, tout exact qu'il soit, pose quelques problèmes et soulève quelques doutes. Ils ne concernent pas la sincérité du chercheur, mais le biais dans lequel on peut tomber en le lisant. Car dans le titre de ses articles, le terme youngtimer a disparu. Il est escamoté et remplacé par « vieilles voitures ». D’où une énorme confusion. « Rouler en vieille voiture : une éthique de la sobriété ». Ainsi est titré le premier, alors que le second annonce que « rouler en vieille voiture est peut-être plus écolo qu’on ne croit ».
Une écologie choisie contre une pauvreté subie
Une simple pinaillerie sur un simple mot ? Pas vraiment. Que Lucas, Fabrice et Yannis bichonnent leurs montures telles la Bugatti Royale du musée de Mulhouse, pourquoi pas ? Mais quid des vieilles Peugeot 205, Renault Supercinq et Clio 2 DCI époumonées qui encombrent le parking du Lidl de Montluçon le samedi matin. Ce sont juste de vieilles autos, et pas du tout des youngtimers. Quant à leurs propriétaires, ils ne sont pas vraiment de fiers écolos respectueux de la planète qui ont choisi de rouler sciemment dans des autos de vingt ans et plus, mais juste des gens qui font ce qu’ils peuvent.
Les confondre avec ceux qui prennent un soin maniaque de leurs anciennes et souvent belles autos, c’est plutôt mal connaître la fameuse France des « territoires », de la « ruralité » ou la « France périphérique » comme on la désigne selon les saisons et les modes du moment,
Cette France d’au-delà des grandes villes, et surtout ses habitants, s’est pris le choc de la hausse des prix des voitures neuves et d’occasion de plein fouet. Résultat : ces conducteurs, qui usent leur ferraille chaque jour pour aller bosser ou faire leurs courses, faute de transports en commun, la conservent le plus longtemps possible. Même si le vieux diesel crache tout ce qu’il peut.
L’écologie ? Ils y pensent, mais elle n’est pas pour eux. Et s’ils pouvaient troquer leur vieillerie pour une auto flambant neuve, confortable, silencieuse et super-équipée, ils n’hésiteraient pas une fraction de seconde. Et tant pis pour l’obsolescence programmée et le bilan carbone issu de la fabrication.
Oui, Lucas, Fabrice et Yannis ont raison, mais à la différence des clients du Lidl de Montluçon : ils ont le choix de leurs convictions.
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