Toyota et la domination tranquille
Le constructeur japonais vient de livrer ses résultats et ils sont stratosphériques. Avec un bénéfice de 32 milliards de dollars, celui que l'on pensait à la traîne de la révolution électrique a creusé le sillon de l'hybride, et bien lui en a pris.
À Nagoya au Japon, au sein de l’austère siège de Toyota, les moqueries ont laissé de marbre les dirigeants de la maison. Ils ont même dû esquisser un sourire devant les analyses des spécialistes qui leur promettaient une mort prochaine en raison de leur retard à l’allumage sur l’électrique et de leur acharnement à vouloir creuser le sillon de l'hybride.
Une marge opérationnelle de 11,9 %
En guise de réponse, au début de cette semaine, ils ont livré, en toute modestie et sans bruit, leurs chiffres concernant l’exercice écoulé qui se clôt fin mars au Japon. Et ils sont historiques. Le bénéfice ? Il a doublé depuis l’année comptable précédente pour atteindre 32 milliards de dollars. Pas très loin du double des 18,6 milliards de Stellantis tant vantés en Europe.
D’autant plus que le Japonais réalise cet exploit avec trois marques (Toyota, Daihatsu et Lexus), plus quelques participations ici et là, alors que le Franco-Américain dispose d’une galaxie de 14 marques. En plus, ce bénéfice s’accompagne de ventes records, en progression de 7 % et d’une marge de 11,9 %.
De quoi énerver des analystes qui admettent difficilement leurs erreurs de jugement. Alors ils ont invoqué le yen qui, depuis plusieurs mois, est suffisamment faible pour offrir aux exportations du constructeur un taux de change canon. Sauf que l’effet du yen ne représente que 12 % du bénéfice de Toyota. C’est beaucoup, mais pas assez pour justifier son incroyable réussite et ses plus de 10 millions d’autos vendues.
En plus, les patrons de la marque ont fait remarquer que leurs ventes auraient pu être meilleures encore sans le scandale Daihatsu. La filiale est en effet embringuée dans un scandale similaire au dieselgate depuis l’an passé, puisqu’une tricherie dans les tests d’homologation a été découverte et que la production de ses modèles a été suspendue fin 2023.
Ni l’arrêt au stand de Daihatsu, ni le retard à l’allumage sur les modèles électriques, ni les débuts quelque peu ratés de l’un de ses rares modèles à watts, le BZ4X, n’ont donc eu d’effet sur la bonne santé effrontée de Toyota. Mais dans ce cas, à quoi est lié son succès ? La martingale du Japonais a un nom : l'hybride. Il a démocratisé le genre avec la première Prius née il y a 27 ans et depuis, Toyota et Lexus creusent leur sillon sur l’ensemble des gammes, avant de développer le PHEV patiemment.
Et le marché leur a donné largement raison, surtout l’an passé. Car si l’électrique est à la traîne, l’hybride sous toutes ses formes est à la fête. L’Europe en raffole, surtout l’Allemagne qui a supprimé les aides pour les VE. Quant aux États-Unis, ou le prix du gallon d’essence a subi des hausses, ils ont fini par adopter eux aussi cette technologie. Résultat : le Japonais a vu ses ventes d’hybrides augmenter de 35 % dans le monde.
Sauf que, même si Toyota est le spécialiste incontesté de l’hybride, ce système ne représente que 37 % de ses ventes dans le monde. C’est donc qu’il y a une autre raison susceptible d’attirer l’attention des clients. La passion ? Pas vraiment. Hormis quelques modèles comme la Yaris GRMN dont le seul but consiste justement à gommer l’image de voitures tristounettes à conduire, on ne s’offre pas une Toyota par plaisir, mais par pragmatisme et par confiance en une mécanique à la réputation de fiabilité.
Le Japonais a peut-être raté le passage au 100 % électrique, mais il a compris ce que serait, probablement l’auto de demain : un moyen de transport de raison, et pas de passion.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération