Une progression méthodique
Entièrement pris en charge par Elf, Pironi débarque en Formule Renault en 1973. A défaut de victoire, une belle régularité, puis surtout quelques podiums en fin de saison derrière Arnoux et Tambay, suffit à faire le bonheur du commanditaire. Didier, conscient qu'il avait tout apprendre, ne conserve toutefois pas un bon souvenir de cette première saison qu'il considère comme un échec. Il n'imaginait pas à quel point le matériel pouvait être aussi important. Cette découverte le décide à convaincre Elf de lui confier la gestion de son budget pour la saison suivante. Elf accepte et le voilà à 21 ans pilote, responsable technique, "directeur d'écurie", essayeur et comptable ! Installée près de Magny Cours, "l'organisation Pironi" va faire merveille.
Par son ardeur et son sérieux, le "gamin" fait, non seulement la conquête de Tico Martini avec qui il développe sans cesse sa monoplace, mais apprend aussi à se faire respecter sur la piste. Les vieux briscards qui ont tenté d'impressionner ce fils de bonne famille aux mèches blondes d'adolescent n'y sont pas revenus deux fois. Calme mais implacable, Pironi ne craint pas le contact et sait se respecter si besoin est à coup de roues ! Il survole le championnat avec 7 victoires en 15 courses et enlève son premier titre. En 1975, il fait figure de favori du tout nouveau challenge de formule Renault Europe.
L'organisation est bien rôdée mais elle doit compter sur le retour de René Arnoux dans le clan Elf. Dispersion des efforts, rivalité, "trahison" du motoriste, Pironi, amer, échoue à la 3e place du Challenge européen derrière Arnoux et Ragnotti. Contraint de redoubler en FRE-les pilotes Elf sont plus nombreux que les débouchés !-il aborde la saison 76 avec une équipe encore plus forte. En dépit de deux ratés lors des deux premières courses, la saison sera un véritable feu d'artifice 12 victoires dont 8 consécutives en 17 courses, assorties de 10 records du tour ! Si cette consécration le propulse enfin en Formule 2, il n'en oublie pas moins qu'il a perdu une saison. C'est ainsi qu'il monte en accord avec Elf et Tico Martini une véritable opération "commando" sur le Grand Prix de Monaco F3. Une victoire dans la plus prestigieuse des épreuves disputée sous le regard attentif de tous les managers de F1, peut lui faire rattraper cette année perdue. Un pari gagné malgré une Martini un peu lourde et terminée hâtivement. Une victoire en F2 lors de la dernière épreuve à Estoril conjuguée à une troisième place au championnat d'Europe achèveront de convaincre un Ken Tyrrell encore très lié par ailleurs à Elf.
Si l'équipe Tyrrell a déjà amorcé son déclin en 1978, elle n'en reste pas moins une bonne équipe et "oncle Ken" un formateur hors pair. Didier fait ses gammes à l'ombre de Patrick Depailler mais apprend vite: un premier point dès son deuxième GP au Brésil, puis une 5e place à Monaco... Il a prit la mesure de la F1, s'est étalonné par rapport aux autres mais aussi constaté avec dépit que la motivation était en chute libre. A l'issu de cette saison frustrante mais fort de sa victoire aux 24 heures du Mans sur une Renault turbo, il demande à Tyrrell de le libérer de son contrat.
Gérard Larrousse qui souhaite engager une seconde Renault F1 ne serait pas mécontent de récupérer le vainqueur du Mans, mais Tyrrell qui vient déjà de perdre Depailler parti chez Ligier refuse. Cette seconde saison "anglaise" va confirmer toutes ses appréhensions: deux troisièmes places mais une dizaine de casses mécaniques et de grosses sorties de routes tant aux essais qu'en course. "C'est une année foutue, j'en ai marre, l'écurie Tyrrell n'est plus rien !" Il encaisse les coups durs avec flegme, tente de provoquer le sort, mais le coeur n'y est plus. Il est grand temps de changer d'air d'autant que les propositions ne manquent pas. Sollicité par Brabham qui lui propose rien de moins que le baquet de Lauda, il choisit d'honorer un accord de principe passé précédemment avec Guy Ligier. Parfaitement intégré à sa nouvelle équipe, Pironi découvre très vite qu'il dispose enfin d'une voiture capable de gagner. Après deux podiums en Argentine et au Brésil, il remporte son premier succès au GP de Belgique, où il devance avec autorité la Williams de Jones. Il est bien de récidiver à Monaco quelques semaines plus tard. Parti en pole, il mène la course pendant 55 tours avant d'être victime d'une averse soudaine qui jette sa monoplace dans le rail.
Tout comme l'année précédente, la belle mécanique Ligier se grippe soudain et le climat se détériore. Les deux pilotes ne peuvent continuer ainsi à se partager les points mais le "patron" ne veut pas choisir entre Laffite et Pironi. Et puis, grisée par ses succès, l'équipe se laisse aller à une certaine facilité et néglige la préparation et le développement des voitures. C'est à Brands Hatch, que la tension atteint son paroxysme. Les deux Ligier survolent le Grand Prix avant d'échouer misérablement sur l'herbe, jantes cassées. Furieux Ligier s'en prend vertement à ses pilotes qu'il accuse d'avoir roulé sur les bas-côtés alors qu'un simple examen met en évidence un défaut d'usinage des jantes. Laffite habitué aux orages ne dit rien, mais pour Didier, s'en est trop "me battre comme je l'ai fait et entendre de telles choses, c'est inadmissible". L'écurie Ligier n'est pas faite pour lui et il réactive bientôt ce qui n'était alors qu'une simple prise de contact avec Ferrari. Le 15 septembre 1980, au lendemain du GP de Saint Marin, l'accord est dévoilé de la façon la plus théâtrale possible lorsqu'Enzo Ferrari apparaît à Maranello entre Gilles Villeneuve et Didier Pironi.
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