Certes, nous ne sommes pas nombreux. Ou tout du moins, plus autant qu'avant. Mais les amateurs de « conduite tendant au pilotage », ces gens qui s'entêtent à aimer manier un bête levier de boîte manuelle tout en jouant des chevilles pour parvenir à réaliser le talon pointe parfait, ces gens qui se connectent via leur postérieur à leur machine à sensations, ces gens qui tracent dans leurs têtes des trajectoires pas forcément soulignées par les marquages au sol, ces gens qui aiment conduire non pas pour parvenir à une destination mais bien pour se faire plaisir volant en mains, oui, tous ces gens-là se demandent comment leur plaisir va se concilier avec l'avenir automobile qui semble de plus en plus virer à l'électrique.



Il faut bien être honnête, une Zoé, une Volt, une Leaf, en plus de remplacer le son d'un moteur thermique par un chuintement de métro et de faire disparaître la boîte de vitesses, ça ne vous transporte pas de joie lorsque vous en prenez le volant. Certes, il y a Tesla aussi mais une Model S a beau être très performante en accélération, ça n'est pas une sportive que l'on va aimer remuer. Quant aux nouvelles hybrides du segment nouvellement créé des hypercars, si elles embarquent des batteries, elles ont surtout des V8 ou V12 qui hurlent derrière les sièges ! Bref, est-il possible de se faire réellement plaisir (au sens physique du terme) au volant d'une auto 100 % électrique, pour répondre à cette question existentielle du petrol-head, nous voici à bord d'une Andros Car électrique sur la piste du Trophée Andros d'Isola 2000


Essai Andros Car : l'électrique va-t-il vraiment tuer le plaisir de conduite ?

Alors que la très médiatisée Formula E s'apprête à peine à démarrer en 2014, le Trophée Andros (qui fête ses 25 ans) fait courir depuis 5 ans maintenant des autos électriques. Créées par Exagon Engineering (qui est aussi à l'origine de la Furtive e-GT), ces petites autos (3,36 m de long) associent châssis tubulaire classique et moteur électrique de 125 ch et 200 Nm de couple envoyés sur les seules roues arrière. Dit comme ça, on ne frémit guère d'autant que le poids atteint tout de même 800 kg dont 200 rien que pour les batteries Lithium ion. Les réglages privilégient évidemment la patate mais garde quand même assez d'autonomie pour tenir 35/40 mn, ce qui est largement suffisant pour les courses qui ne durent jamais plus de 10 tours. Le rechargement s'opère en 1 h 30 entre les manches, bref, ces Andros Car ne sont même plus une curiosité technique sur l'Andros, elles sont devenues la seconde division du Trophée. Mais sont-elles des instruments de plaisir ou de simples faire-valoir chargés de tenir éloignés les écolos ?


L'électrique sur la glace, c'est le pied (surtout le droit)

Essai Andros Car : l'électrique va-t-il vraiment tuer le plaisir de conduite ?

Ces petits joujoux électriques sont-ils vibrants (celui qui parle de sex-toy sera banni) ? En fait, oui et même beaucoup car on s'amuse en Andros Car. On ressort même de ce mixeur, éreinté, des crampes aux pouces et prêt à manger de la neige pour s'hydrater tellement la bouche est pâteuse, le tout avec un grand sourire sur le visage. En fait, ça peut rappeler son tout premier karting.

Vous sortez essoré car, sans direction assistée, et même si on est sur de la glace, les ornières et les incessantes corrections qu'elles obligent à faire au volant (et aussi le fait que je découvre la chose, Franck Lagorce était nettement moins excité tout en étant tellement plus rapide) font que vous moulinez en permanence à la recherche du grip, de la trajectoire idéale (ou de la trajectoire tout court) et qu'au bout de 4 tours, vous êtes dans le rouge.

Autre remarque, alors qu'on souriait en coin à l'énoncé des caractéristiques techniques et des 125 ch, on se surprend à ne pas les utiliser en totalité même dans les bouts droits. Certes, Franck Lagorce m'a bien fait comprendre que me mettre dans le mur serait une très mauvaise idée mais surtout, l'Andros Car ne comporte qu'un seul rapport en marche avant et une marche arrière (actionnées via un simple bouton sur la console « flottante » à votre droite). En fait, contrairement à une thermique à boîte de vitesses où vous montez les rapports rapidement, ce qui séquence la prise de vitesse, ici, cela pousse tout le temps sans interruption. Il n'y a pas de plage d'utilisation particulière, c'est plein tout le temps et c'est à votre pied droit de moduler en permanence le niveau de puissance à envoyer aux roues. Plus vous appuyez et plus la poussée s'intensifie, sans rapport avec la vitesse déjà atteinte, il faut donc vraiment apprendre à doser. Cette sensation d'accélération ininterrompue a en plus tendance à vous mettre en apnée, car dans le même temps votre cerveau communique avec votre fessier et vos bras pour garder l'auto dans le bon sens et savoir à quel moment vous pouvez y aller franchement sans risque de vous mettre à l'équerre. Vous voilà donc en train de mouliner comme un sauvage tout en cherchant à connaître la bonne pression à appliquer avec votre pied gauche pour les freinages (le pédalier est comme en karting composé d'un frein à gauche et d'un accélérateur à droite) et en dosant continuellement avec votre pied droit.


Essai Andros Car : l'électrique va-t-il vraiment tuer le plaisir de conduite ?

Vous vous trouvez donc très rapidement avec une cheville qui chauffe mais ça n'est pas tout (pour votre pied) car au bout de quelques virages, vous comprenez que c'est également lui qui fait tourner l'auto et là, vous vous dites que la crampe n'est pas impossible ! Sur la glace, en Andros Car propulsion, le volant sert juste à indiquer le sens dans lequel tourne la courbe et après, tout se fait à l'accélérateur. Cela demande à quelques habitudes bien ancrées de rester à la porte afin de pouvoir reprogrammer son esprit mais si l'on arrive à comprendre que pour prendre une épingle, il faut accélérer et non pas freiner et que les pneus à clous offrent un grip inattendu au freinage, le ballet peut commencer et avec lui, les montées d'adrénaline et d'endorphine qui vont vous jeter dans un monde heureux et merveilleux.

La voiture se balance, vous commencez à maîtriser les trajectoires que vous cherchez à tendre pour trouver de la vitesse, les freinages débutent plus tard, vous vous mettez à jouer aussi avec le transfert de masse pour aider le nez à tourner puis vous faites une première, et une deuxième faute, c'est à ce moment que vous vous dites que tout cela est finalement sacrément fin à gérer et physique à mener ! Mais aussi véritablement addictif !

Mais surtout, le plus surprenant est que vous avez totalement oublié être dans une électrique ! C'est d'ailleurs le grand enseignement de cette prise en mains qu'Alain Prost avait en son temps expliqué. Le problème posé par les autos de course électriques n'est pas tant pour le pilote concentré sur son boulot (ce qui le fait réellement vibrer en fait) et qui apprécie même assez d'entendre le bruit de ses pneus sur la neige pour juger du grip à l'oreille, non, le problème est surtout pour les spectateurs. Car, qu'on le veuille ou non, entendre et voir un prototype V6 3,5 l hurler à la mort à la perpendiculaire de la piste tout en envoyant deux jets continus de neige à 10 m de haut dans leur sillage, c'est autrement plus « sensationnel » que voir et entendre un mixeur chuinter gentiment en faisant des ronds dans la poudreuse.

Essai Andros Car : l'électrique va-t-il vraiment tuer le plaisir de conduite ?

Et d'ailleurs, quelques minutes après être sorti de l'Andros Car, j'entends Jean-Philippe Dayraut et Franck Lagorce en train de se battre à coups de dixièmes de seconde sur leurs autos respectives et subitement, ma joie d'enfant d'il y a quelques minutes après avoir découvert un engin étonnant vient de se transformer en un rêve confinant au fantasme. Et il n'a pas la forme d'une Andros Car électrique mais bien d'un proto thermique !


L'électrique, c'est peut être aussi une histoire d'âge ...



Le format des courses du Trophée Andros n'a pas changé depuis plusieurs années mais,en 2015, les organisateurs vont introduire de grosses modifications.

En effet, Max Mamers constate que les jeunes pilotes habitués des victoires dans les courses électriques ne parviennent pas à « grimper » en Andros faute de soutiens, leurs parrains en électrique ne souhaitant pas s'engager dans des épreuves thermiques pour des questions d'éthique.


Dès lors, l'an prochain, un système à 2 pilotes sera instauré avec l'obligation pour les habitués de faire équipe avec un jeune. C'est déjà le cas aujourd'hui puisque la voiture est partagée avec un autre pilote sauf que chacun court individuellement. En 2015, les points seront marqués en équipe de 2, ce qui obligera les ténors à s'associer avec de jeunes pilotes rapides pour espérer gagner le Trophée. L'idée est de faire suivre 2 courses et d'opérer un changement de pilote entre les 2 en gardant la position de l'auto sur la course 1 pour le départ de la course 2. Tout cela reste à affiner, Max Mamers en dira un peu plus en fin de saison.