Déboires et victoire
Après un bref galop d'essai à Zandvoort en juillet, la monoplace blanche, baptisée RA 271, reçoit le baptême du feu le août 1964 sur l'impitoyable circuit du Nürburgring, théâtre du GP d'Allemagne. Qualifié de justesse à la 21e et dernière position, Bucknum passe à la 13e place à l'issue de la première boucle. La démonstration prend fin au 12e tour sur une rupture de direction qui envoie rudement l'équipage dans le talus. Une seconde voiture est construite et le V12 reçoit une alimentation à injection. Un système qui remplace avantageusement les douze carburateurs Keihin qui devaient être réglés individuellement et nécessitaient la présence de deux techniciens à temps complet !
Appelé en renfort pour la saison 1965, Richie Ginther, qui apporte une énorme expérience conjuguée à une rare sensibilité mécanique, va faire progresser l'équipe à pas de géant. Allégée et mieux profilée, la nouvelle RA 272 qui compte désormais sur 230 ch, réussi quelques coups d'éclats en Hollande et en Angleterre, mais se révèle toujours aussi pointue à piloter et peu fiable. Lors de l'ultime GP de la saison à Mexico, où l'altitude semble avoir des effets aussi bénéfiques que mystérieux sur le V12, Ginther sera intouchable. Quinze mois seulement après ses débuts, Honda enlève son premier succès en Formule 1 ! Il était plus que temps. Le Grand Prix du Mexique était le dernier de l'ère Formule 1 - 1500 cm3 et la toute jeune triomphatrice est déjà bonne pour le musée.
Avec l'avènement de la Formule 1 - 3000 cm3 au 1er janvier 1966, la parenté avec la moto va s'estomper et Honda entrer ainsi de plain-pied dans l'automobile. Pourtant, au moment des premières études exploratoires, la tentation est grande de poursuivre dans la voie de l'empilement des cylindres et il sera question d'un 24 cylindres et même d'un 36 cylindres en W à 124 soupapes. Le nouveau quatre cylindres 1000 cm3 (dérivé de la S 800) développé pour la Formule 2 et développant 150 ch à des régimes "insensés" apparaît bientôt comme une base plus réaliste. Fidèle à sa philosophie du jeu de construction, Honda va constituer son nouveau V12 de trois blocs quatre cylindres et miser sur une puissance théorique de 450 ch. Entre la rigueur mathématique et la réalité, il y a parfois un gouffre. Dans l'opération 60 ch se sont perdus en chemin et les motoristes ont généré un véritable monstre : lourd (230 kg), encombrant et exigeant 70 litres au 100 !
Pour l'accueillir, la nouvelle RA 273 doit se doter de nombreux renforts et dissimuler dans ses flancs pas moins de neuf réservoirs susceptibles d'engloutir 220 litres de carburant. En dépit de sa ligne élancée, la nouvelle Honda est la plus imposante du plateau (2,51 m d'empattement) et la plus lourde aussi (743 kg à vide). Nahubiko Kawamoto, jeune ingénieur mécanicien à l'époque (il finira PDG de Honda...) avoue avec une belle franchise : "nous nous sommes trompés en croyant qu'une voiture de 3 litres pouvait se payer le luxe d'être deux fois plus lourde qu'une 1500, tout simplement parce qu'elle devait être deux fois plus puissante".
Prête très tard dans la saison, la Honda ne débute qu'en septembre lors du GP d'Italie aux mains de Ginther. Monza dont la tracé favorise la puissance pure (avec 420 ch, le V12 Honda est le plus puissant de tous) est favorable à la débutante. Ginther se hisse à la seconde place et menace même la Ferrari de Scarfiotti avant d'être victime d'une violente sortie de route après une crevaison lente. A Mexico, l'Américain ne pourra rééditer son exploit de 1965 et devra se contenter du meilleur tour en course. Une "journée de chien" pour Ginther qui apprend après l'arrivée que son contrat n'est pas renouveler après le recrutement de John Surtees.
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