Après la visite du site de production et de vente de San Cesario sul Panaro, Horacio en personne nous reçoit dans un vaste bureau baigné de lumière. Nous nous installons sur une table de verre aux pieds en fibre de carbone sur laquelle trônent divers "trophées" et autres maquettes automobiles et nautiques. Horacio ne parle ni anglais ni français mais quand il est question de passion automobile, il n'y a parfois pas besoin de mots pour exprimer son ressenti. Merci tout de même à Catia pour son aide précieuse ...
PG : Comment fait-on pour attirer les clients alors que dans un rayon de quelques kilomètres se trouvent des marques aussi prestigieuses (et rivales) que Ferrari, Maserati ou Lamborghini ?
Horacio Pagani : Je pense qu’il y a de la place pour tout le monde du moment que le produit est original et de qualité. Si on pense aussi à offrir ce que le client désire, on trouve toujours des gens intéressés. Et puis nous ne sommes pas sur le même segment, notre production est entièrement faite à la main et donc très limitée (18/20 voitures par an). Nous misons sur l’exclusivité. Et si nous avons choisi de nous installer ici, c’est avant tout parce qu’on y trouve les meilleurs ouvriers du pays et les fournisseurs les plus compétents.
PG : Avez-vous imaginé la Zonda comme la voiture de vos rêves ?
HP : Non, pas totalement. J’ai toujours affirmé qu’un designer doit d’abord penser à qui il destine le produit qu’il créé. Au début, avec mon équipe nous travaillions sur une supercar extrême très légère, très performante, sans concessions. Mais nous nous sommes rendu compte que cette auto s’adressait à une clientèle jeune, 20/30 ans, qui n’aurait jamais les moyens de se la payer. Donc, nous avons fait le portrait-robot du client de supercar et il s’est avéré qu’il avait plus de 50 ans et que ça n’était surtout pas un pilote. Résultat, nous avons opté pour une auto, certes performante, mais confortable sur les longs trajets, intuitive, pas intimidante. J’ai travaillé pour des constructeurs qui fabriquaient des autos terriblement belles mais les propriétaires n’osaient pas les conduire, ils se faisaient peur au volant. Une Zonda doit donner confiance tout en offrant des sensations. D’ailleurs nous sommes assez fiers d’avoir obtenu le titre de « Greatest Driver Car » du magazine anglais EVO cette année.
PG : Quand on fabrique une auto aussi exclusive, quels sont les modèles, les marques qui forcent votre admiration ?
HP : Je suis un passionné d’automobile en général et dès que la passion transpire d’un produit, cela m’intéresse. Je reste impressionné par des marques comme Spyker mais aussi par une Bugatti Veyron qui est une prouesse technologique incroyable. Sinon, j’aime beaucoup la Ferrari Enzo et suis un grand fan de la Porsche Carrera GT.
PG : Vous avez débuté dans la course automobile, pourquoi aucune Zonda n’a jamais fait de compétition ?
HP : Nous sommes une petite compagnie indépendante aux ressources limitées. Notre crédo dans les autos de production, c’est l’excellence, la qualité. Nous sommes reconnus pour ça. Avec de tels critères, nous engager en compétition automobile réclamerait un investissement énorme que nous sommes incapables d’assumer. Si on ne peut pas viser la perfection, mieux vaut ne rien faire.
PG: Pourtant, la Zonda R est une auto réservée à la piste ?
HP : C’est à la base une demande d’un de nos clients. Nous ne produisons pas beaucoup d’autos mais certains de nos clients possèdent 4 ou 5 Zonda. L’un d’entre eux rêvait d’une version de piste, nous lui avons faîte. D’autres clients se sont manifestés et nous avons déjà vendu 10 exemplaires. Nous pourrons en produire 15 au maximum si il y a la demande.
PG: Pagani a-t-il été impacté par la crise qui a notamment touché le secteur du Luxe ?
HP : Dès le début de la crise, nous avons pris la décision de montrer autour de nous que nous étions solides et dynamiques. À contre-courant du reste du secteur, nous avons donc lancé 3 projets, la R puis les Cinque Coupé et Roadster, ce qui pour une aussi petite entreprise est simplement fantastique. Notre objectif était de renforcer le nom Pagani dans une conjoncture difficile. Et cela a payé puisque, outre les 10 Zonda R déjà écoulés, nous avons aussi vendu les 5 Cinque prévues et 3 Roadster.
PG : La Zonda a 10 ans, quel est le futur de Pagani ?
HP : Le Projet C9 qui succèdera à la Zonda est en phase de validation. Je pense que nous sortirons l’auto en fin d’année prochaine lorsque la production des dernières Zonda sera terminée. Le prochain modèle sera homologué pour les USA, ce qui n’était pas le cas pour Zonda, nous envisageons donc de doubler notre cadence de production. Ici, nous sommes déjà à l’étroit alors nous avons lancé la construction, en fonds propres, d’une nouvelle usine à quelques centaines de mètres d’ici.
PG : Vous pouvez nous en dire plus sur cette nouvelle auto, s’appellera-t-elle encore Zonda?
HP : Pas sûr … ce que je peux vous dire, c’est que Mercedes étant pour moi une référence technologique dans le monde automobile, elle aura de nouveau un moteur AMG. Elle sera plus légère, plus puissante et si on y trouvera un peu plus d’électronique qu’actuellement, ce sera pour rassurer et cela restera léger et déconnectable. Il en va dans la conduite comme en amour avec une femme : moins il y a de filtres, plus il y a de sensations !
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