Dix ans... ça suffit !
Au printemps 1967, l'Automobile Club Argentin dressant le bilan de la précédente Temporada et de son formidable succès populaire se laisse soudain envahir par l'euphorie. La tension monte, les projets fusent au point que la placide assemblée ressemble bientôt à une réunion d'urgence du Conseil de Sécurité de l'ONU ! Voilà bientôt dix ans qu'un pilote argentin n'a plus remporté de Grand Prix et sept ans que les F1 ont déserté l'autodrome de Buenos Aires. L'orgueil national mâtiné de fougue latine ne saurait le supporter davantage. L'Argentine veut retrouver sa place dans le concert international et il faut impérativement dénicher des pilotes pour porter bien haut les couleurs azur et jaune. Un véritable plan de campagne est alors mis sur pied. Une offensive d'autant plus ambitieuse que la bonne santé économique du pays autorise un budget confortable et que les toutes les grandes entreprises nationales ne se dérobent pas à l'ordre de mobilisation. Ainsi autour de la compagnie YPF (société pétrolière nationalisée) qui fournira le plus gros effort financier, les banques, la compagnie Aerolinas Argentinas et les firmes automobiles dans une belle unanimité suivent le projet. Juan-Manuel Fangio, confirmé dans son rôle de promoteur de la Temporada est par ailleurs intronisé ambassadeur extraordinaire de l'AC Argentin. Il dispose d'un plus d'un an pour convaincre les meilleures équipes et pilotes européens de participer à une série de quatre courses de Formule 2. La F2 est à l'époque la véritable antichambre de la F1.
Elle joue alors parfaitement son rôle de formule de promotion en confrontant de jeunes espoirs issus de la F3 à des stars de la F1 qui ne pratiquent pas encore la monoculture et offre souvent du grand spectacle. Fangio va s'acquitter de tâche avec bonheur d'autant qu'il va bénéficier d'un large répit. Le gouvernement argentin vient d'interdire les courses sur route et en ville après de nombreux accidents et la construction de deux nouveaux autodromes est alors indispensable pour accueillir les F2. Les pistes modernes de San Juan et de Cordoba sont terminées trop tard et la série est reportée pour les premiers jours de l'été austral de décembre 1968. Quatorze pilotes "européens", comptant parmi l'élite de la Formule 2 ont répondu à l'invitation : Rindt, Beltoise, Pescarolo, Siffert, Rodriguez, Oliver, Courage, Moser, de Adamich, Jonathan Williams (tous vus en F1), Rees, Regazzoni, Facetti et Ernesto Brambilla. Parmi les équipes Matra, Ferrari et Tecno sont représentés officiellement, tandis que Brabham peut compter sur les écuries de pointe Winkelmann (Rindt) et de Frank Williams (Courage). Au nombre de sept, les pilotes argentins représentent le dernier tiers du plateau : Juan-Manuel Bordeu et Carlos Pairetti (le champion 1968 de Turismo de Carretera) pilotent chacun des Brabham engagées par Frank Williams avec respectivement le soutien des journaux "La Cronica" et "Automundo" ; Andrea Vianini, lui, s'est offert une Tecno toute neuve qui arbore les couleurs Pepsi Cola ; Jorge Cupeiro, vu aussi en F3, est au volant d'une Brabham BT23 également toute neuve engagée par Antonio Rigamonti, un préparateur renommé de "TC" ; Edoardo Copello, le doyen (42 ans) et champion "TC" en 1967 est aligné sur autre Brabham neuve aux couleurs du journal "La Razon". Enfin, les organisateurs placent tous leurs espoirs dans deux jeunes pilotes : Carlos Marincovich (25 ans), un protégé de Froilan Gonzalez et Carlos Reutemann (26 ans), pilote officiel Ford en "TC". Ils ont été choisis tous deux par un jury de journalistes spécialisés à l'issu d'un test organisé sur l'autodrome de Buenos Aires et pilotent les Tecno de l'équipe Ron Harris, louées par la société YPF et l'AC Argentina.
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