Quand l'automobile remplaça le cheval à la fin du siècle dernier, il fallut soudain tout réinventer. De nouvelles règles de circulation, bien sûr, mais aussi organiser le commerce du pétrole pour les voitures. Pour ces quelques centaines de "fous roulants dans de ces drôles de machines", le ravitaillement en carburant s'effectua d'abord par bidons de cinq litres. Dûment plombés, l'Etat percevant alors une taxe identique à celle appliquée sur les vins et alcools, ces bidons en étain s'achetaient simplement à l'épicerie. La distribution s'était organisée de façon naturelle dans ces points de vente, déjà clients fidèles des compagnies pétrolières, notamment pour le pétrole de lampes. Ce n' est qu'en 1928, quand l'État prend les premières mesures visant à réimprimer la fraude et instaurer un minimum de normes de sécurité, que les distributeurs à pompe manuelles ou électriques vont se généraliser. Sous l'impulsion des grandes compagnies américaines, les premières stations spécialisées voient le jour au début des années trente. En plus d'une piste facile d'accès, de l'air et de l'eau gratuits, elles innovent avec la notion de service. Une idée qui fera son chemin. L'incroyable développement du parc automobile des années cinquante va entraîner une guerre sans merci entre les grandes compagnies. Si celles-ci ne peuvent plus jouer sur les prix, depuis que l'État fixe les tarifs des carburants, elles luttent férocement sur les services. La qualité de l'accueil rapidité du service, uniforme impeccable pour les pompistes instruits dans des écoles spécialisées... tout est fait pour fidèliser le client. Modernes, les stations se font accueillantes, claires, aérées, elles poussent comme des champignons. le client est roi, et reçoit bientôt toute une panoplie de cadeaux, porte-clefs, cartes routières et décalcomanies qui ne s'appellent pas encore autocollants. La grande restructuration de l'indutrie pétrolière, conjuguée à la distribution des carburants dans les supermarchés mettra fin à cet âge d'or. La halte conviviale et chaleureuse a fait place à une glaciale uniformité et le "bonne route" du pompiste a été remplacé par un sinistre " tapez votre code et validez"...
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