Alors que le soleil matinal part se cacher derrière une belle couche de nuages, Alain Prost fait son apparition en tenue de travail - combinaison pilote Dacia - et en pleine forme. Toujours aussi sec et affûté, notre quadruple champion du monde F1 qui fêtera ses 55 ans la semaine prochaine reste timide et discret au milieu de la dizaine de personnes présentes. Max Mamers, Franck Lagorce, Lionel Régal puis Margot Laffite sont là pour tirer un sourire du second au Trophée Andros 2010.
Alain Prost court dans la discipline depuis 7 ans maintenant et, l'an dernier, il faisait débuter une toute nouvelle voiture : la Dacia Duster. Le programme signé tardivement et le calendrier très serré du Trophée (2 mois de courses seulement) n'ont pas permis de mettre au point l'auto avant le début du championnat. Dès lors, plongé dans le bain de la compétition sans avoir pu développer une auto tombée des tréteaux, l'équipe a composé avec ce qu'elle avait entre les mains : un produit neuf et pas encore parfait.
Alain Prost n'en fait pas mystère, il y a du travail à faire tant sur le moteur que sur le châssis pour parfaire l'engin, c'est d'ailleurs l'objet des 2 jours d'essais organisés à Val Thorens sur lesquels quelques privilégiés sont venus se greffer. Caradisiac en faisait partie.
À bord
Pour pouvoir s'asseoir à la place de droite, il faut être souple et menu et parvenir à se glisser entre l'arceau et le dossier du baquet. J'ai toujours pensé que Dame nature n'avait pas été tendre avec moi mais pour une fois, ma "petite" taille est un atout. Le plus dur sera finalement de passer le casque !
Après qu'un membre pas verni de l'équipe vous tripote l'entre-jambe pour trouver et serrer le harnais (le malheureux aura 8 personnes à "tripoter"), après qu'Alain Prost vérifie que vous n'arrachez pas un câble avec vos Boots ou que vous ne poussez pas un des nombreux commutateurs de la console centrale, le pilote allume le V6 3.0l qui se met à ronronner de façon légèrement irrégulière sans être intrusif. Il faut dire que le casque vous comprime les oreilles, atténuant la chose.
Ce Duster très spécial (pas tout à fait le même que celui essayé par Olivier) est en fait un prototype recouvert d'une peau en fibre de verre. Sous son allure de 4x4 roumain se cache en fait un châssis tubulaire dans lequel se love en position centrale arrière un V6 3.0l de 350 ch et 360 Nm puisé dans la banque Renault-Nissan (en fait un ancien bloc de Nissan Maxima).
Gaz (gros)
Je décide de ne pas "encombrer" le pilote durant les 4 tours alloués et de profiter en silence de ce qui m'attend. J'avoue ne pas aimer être trimballé en auto et être régulièrement malade. Il faut croire que le problème ne vient pas de moi mais des qualités du pilote puisqu'ici, pas de problème. À moins que ce soit la nature du revêtement qui joue.
En effet, la première chose que l'on ressent, c'est un décalage entre les sensations physiques et ce qu'enregistre vos oreilles. Lorsque le pilote met gaz à fond, la caisse se met à vibrer, le V6 à hurler, Alain Prost monte les rapports mais la vitesse n'est pas proportionnelle aux stimuli auditifs qui vous assaillent le cortex. Sur la glace, la prise de vitesse est en fait exponentielle tandis que le bruit moteur est tout de suite maximum. En fait l'accélération physique ne colle pas avec les tours moteurs. Les premiers mètres se parcourent relativement lentement puis le grip venant, la prise de vitesse s'accélère jusqu'à devenir suffocante dès la moitié de la ligne droite.
Cela ne dure pas car le freinage débute très tôt. Plutôt qu'un freinage, il vaut mieux parler d'inscription dans la courbe. Loin du début du virage, d'un coup de volant bref, Alain Prost met le nez face au mur de neige, laisse glisser son Duster latéralement un dixième de seconde avant de reprendre l'accélérateur d'abord à fond puis, en fonction de l'adhérence qu'il ressent, en modulant ou en passant les rapports plus bas dans les tours comme pour mieux permettre aux clous de mordre la glace.
Le plus impressionnant est là : la quantité énorme de mouvements effectués par le pilote qui, tout en regardant par la fenêtre latérale équipée de son essuie-glace (!), freine, joue avec le volant, accélère, débraye (Alain Prost préfère utiliser l'embrayage), passe les rapports alors que l'auto n'est même pas encore au point de corde et qu'elle est encore physiquement en phase de freinage !
Les tours vont s'enchainer, les mouvements deviennent plus rapides et moins nombreux, on sent que, même dans cette matinée de baptême, le pilote est tout entier tourné vers une recherche d'efficacité, comme cela a toujours été le cas dans sa carrière. Alain Prost prend ses marques, analyse et gère avec facilité un type de pilotage tellement éloigné de celui d'une monoplace que l'œil du sac de sable fan de F1 que je suis, a du mal à admettre qu'il a à ses côtés le gars qui a écrit les plus belles pages de la F1 moderne lorsqu'il bataillait avec Ayrton Senna dans les années 80/90.
Trophée Andros, il faut y goûter pour apprécier
Même si j'ai eu droit à un tour de rab' miraculeux et inexpliqué, ce genre d'expérience est trop brève. Outre la rencontre avec Alain Prost, elle m'aura permis de toucher du doigt une discipline qui, je l'avoue, ne m'a jamais attiré. Le Trophée Andros, son règlement, ses lests, sont pour moi totalement incompréhensibles. C'est une sorte de mix règlementaire entre le rally-cross et le WTCC qui me paraissait trop tordu pour être intéressant ... jusqu'à ce jour.
En fait, cet évènement m'aura fait découvrir plusieurs choses :
- D'un, l'essentiel des points d'un week-end de course ne se recueille pas lors des finales mais bien durant les manches qualificatives (60 points en qualifs et 20 points seulement en finales). Ces finales en peloton qui, à mon sens, ne riment à rien d'un point de vue sportif puisque, sauf poussette au premier virage, c'est très souvent le premier parti qui termine devant (syndrome rallycross) sont là pour le spectacle et l'animation du week-end. La vraie performance se joue en manches qualificatives où les pilotes sont seuls face à eux même et doivent aligner 4 tours chronos qui dessineront le classement. Clair et net.
- De deux, une voiture de l'Andros c'est drôlement sympa à voir en vrai. Comme souvent en matière de sport auto, il vaut mieux se déplacer pour apprécier.
- De trois, techniquement, le Trophée Andros est une vraie prise de tête d'ingénieur. Si sur terrain glacé, les réglages sont très proches d'un réglage piste (si si), la dégradation de la piste au cours du week-end amène les teams à revoir totalement leurs réglages après chaque manche. Savoir s'adapter et adapter sa monture est essentiel pour réaliser une bonne performance. La gestion moteur est essentielle car la façon dont il délivre son couple influe sur la motricité mais également sur l'usure des pneus qui, par rapport aux enveloppes de rallye, sont nettement moins cloutés (de moitié). On joue même sur l'angle des roues arrières directrices ! Sur un week-end, tous ces paramètres font évidemment le résultat final.
À ce petit jeu, Dayraut et Skoda ont été les plus forts en 2009 avec une auto parfaitement développée et un pilote au sommet de son art mais Alain Prost n'est pas résigné et sait que lorsque son Dacia Duster sera au point, il pourra rivaliser. Cette séance d'essai donnera d'ailleurs l'ordre de travail pour l'année à venir en espérant que les discussions en cours pour un engagement l'an prochain aboutissent.
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