Resté à Milan et guère occupé chez Alfa Romeo, l’ingénieur Gioacchino Colombo reçoit en juillet 1945 une lettre d’Enzo Ferrari. Le concepteur de la fabuleuse Alfetta 158 est exactement l’homme dont ce dernier a besoin. Tous deux se connaissent depuis longtemps, s’estiment et se respectent. Après avoir évoqué le passé avec nostalgie, ils entrent bientôt dans le vif du sujet.
“Colombo, voulez-vous construire une voiture de course ou préférez-vous rester à Milan pour fabriquer des machines-outils.” Enthousiaste, Colombo donne immédiatement son accord et, sans en savoir davantage, entre dans le jeu de son interlocuteur : “Une Ferrari doit être différente. Les Maserati ont des moteurs quatre cylindres, les ERA 6 cylindres et les Alfa 8 cylindres. A mon avis vous devriez construire un 12 cylindres”. Ferrari boit du petit lait : il a eu la réponse qu’il souhaitait entendre.
“Mon cher Colombo, j’ai toujours rêvé d’un douze cylindres. Mettez-vous au travail.” Ainsi, c’est au cours de ce bref entretien que fut prise la décision qui allait établir la notoriété de Ferrari pour les décennies suivantes. Le V12 est, et sera à jamais, indissociable du mythe Ferrari. Pour le Commendatore, ce choix est bien plus qu’un simple d’orgueil. C’est une véritable passion d’esthète pour les belles mécaniques et leur musique. Cet amour pour les 12 cylindres Enzo Ferrari l’a contracté au lendemain de la première guerre mondiale, où il avait été fasciné par la Packard V12 de son ami Antonio Ascari.
Du rêve à la réalité
De retour à Milan, Colombo se met aussitôt au travail. Faute de place, il va réaliser les premiers dessins du V12 sur sa table de cuisine. Le cahier des charges, s’il est clairement défini, n’en est pas moins d’une extraordinaire complexité. Le choix de la cylindrée-1500 cm 3- n’est pas innocent. Une nouvelle Formule Internationale régissant les Grands Prix (1500 cm 3 avec compresseur ou 4500 cm 3 atmosphérique) va entrer en vigueur dès 1947. C’est la pierre anguleuse de tout le programme. Toutefois, seule la vente de GT, de Sport ou de Formule 2 peuvent assurer un avenir financier à la marque. Le V12 se doit donc d’être également polyvalent et capable de supporter de multiples développements. Colombo va réussir à triompher de toutes ces contraintes et au cours de l’été 1946, le premier moteur voit le jour. Destiné à une voiture de Grand-Tourisme, la 125 GT (125 pour la cylindrée unitaire du V12), qui ne sera jamais produite, il ne développe alors que 72 ch. Dans le même temps, il a achevé la réalisation du premier châssis selon ses plans, et trois voitures sont alors mises en chantier. Bénéficiant d’un châssis tubulaire classique mais très rigide, deux d’entre-elles reçoivent une carrosserie en aluminium élaborée chez Touring à Milan, tandis que la troisième est sommairement habillée d’un fuselage et de garde-boue de moto. Baptisée 125 S (pour sport en version spider) et 125 C (pour Corsa en version “allégée”), elles voient la puissance de leur V12 portée à 100 ch, et se distinguent par leur faible poids (650 kg). Terminée le 12 mars 1947, la première 125 S entame ses premiers essais avec Alberto Ascari et Mario Tadini. Les grands débuts en course sont programmés pour le 11 mai suivant sur le petit circuit urbain de Piacenza.
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