C’était juste un automobiliste. Il avait 26 ans. Il était en prison pour avoir conduit deux fois en état d’ivresse. Il a été égorgé par son co-détenu, emprisonné pour meurtre. Un fait divers qui met en exergue l’incapacité du système pénitentiaire à satisfaire une politique de sécurité routière qui assimile sans assez de nuance des conducteurs à des délinquants.
Cela a fait la une de tous les journaux la semaine dernière : dans la nuit du 10 au 11 septembre dernier, à la maison d’arrêt de Rouen, en Seine-Maritime, un détenu a tué son compagnon de cellule. Derrière ce fait divers terrible mais malheureusement banal se cache pourtant un véritable problème de société : l’agresseur était en détention préventive pour meurtre à l’arme blanche et la victime, un automobiliste, pour récidive de conduite en état d’ivresse.
Depuis quelques années, la voiture n’a plus la cote en France. Considérée comme dangereuse, polluante et vulgaire, elle fait l’objet d’une chasse aux sorcières qui punit très durement chacun des écarts, aussi bénins qu’ils puissent être, de ses usagers. Immobilisations du véhicule, retraits de permis et amendes pleuvent, avec comme sanction suprême des peines de prison ferme.
Et ne croyez pas que ça n’arrive qu’aux autres : si faire deux fois un grand excès de vitesse ou être arrêté en état d’ivresse à deux reprises peut être aisément évité, être responsable par inattention d’un accident ayant provoqué des blessés peut malheureusement arriver à n’importe qui.
Malheureusement, le système pénitentiaire français n’a pas les moyens de satisfaire les ambitions de la Sécurité Routière : d’une capacité de 50 000 places, il accueille pourtant déjà près de 64 000 détenus, un état de fait alarmant que les syndicats de gardiens de prison ne cessent de dénoncer. Un tel engorgement mène de façon irréversible à quelques concessions dans la composition des occupants des cellules, et c’est ainsi qu’on peut retrouver un meurtrier présumé cohabitant avec un conducteur ayant forcé sur la bouteille à au moins deux reprises.
Il ne s’agit évidemment pas de minimiser le fléau de l’alcool au volant, responsable chaque année de trop nombreux drames, mais plutôt de ne pas mettre tous les délits et crimes sur un pied d’égalité quand il s’agit de garnir les prisons déjà pleines, en commençant par reconsidérer les conditions pour y être envoyé, en attendant que de nouvelles prisons soient construites.
En attendant ce jour béni, doit-on tout de même punir de prison un conducteur trop stupide pour ne pas comprendre que prendre la route en état d’ivresse est dangereux pour lui et les autres, mais suffisamment chanceux pour ne pas avoir provoqué d’accident ? Doit-on prendre le risque de l’y faire dormir à côté d’un meurtrier présumé multipliant les tentatives de suicide et les auto-mutilations, même si considéré comme inoffensif par les psychologues ?
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