Alfa Romeo 75 (1985-1992) : la dernière berline Alfa traditionnelle à propulsion, dès 6 500 €
Gorgée de caractère, la 75 a su perpétuer avec brio l’esprit Alfa dans les années 80, malgré une technologie déjà surannée. Un concentré de plaisir à mettre de côté tant qu’il reste accessible…
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi l’Alfa Romeo 75 est-elle collectionnable ?
Maîtresse dans l’art d’accommoder les restes, la 75 a quelque chose d’émouvant. Dernière représentante de la pure technologie classique d’Alfa, elle procure des plaisirs qui n’appartiennent qu’à elle, retenant les meilleures qualités de ses devancières (comportement équilibré, moteurs enjoués) dont elle efface les défauts les plus criants, comme une corrosion endémique et une direction lourde. Une propu sympa comme on n’en fera plus !
C’est un fait rarissime dans l’industrie automobile, surtout en grande série. Pendant près de 20 ans, Alfa Romeo a vécu, parfois correctement, sans jamais concevoir d’auto réellement nouvelle. En effet, de l’Alfetta de 1972 à la 75 qui a terminé en 1992, en passant par la Giulietta de 1977 et la 90 de 1984, il s’agit fondamentalement de la même voiture, sans cesse remaniée et accommodée selon diverses sauces. Certaines indigestes, comme celle de la molle 90, d’autres avec un goût magnifié à force d’être réchauffé, ce qui donne la dynamique 75.
Celle-ci sort en mai 1985, pour les 75 ans d’Alfa Romeo, d’où son appellation. Techniquement, elle récupère donc la base de l’Alfetta, plus précisément de son dérivé raccourci Giulietta de 1977, pas récente donc mais encore valable. Pourquoi ? Parce qu’avec son schéma transaxle (moteur à l’avant, boîte à l’arrière), elle se révèle remarquable par son équilibre tandis que les trains roulants (essieu de Dion à l’arrière notamment) assurent un comportement routier sain et efficace.
Surtout, sous le capot, on retrouve les fameux blocs Bialbero (double arbre en italien) à la fois performants, musicaux et très robustes. La 75 accommode au mieux ces beaux restes et les emballe dans une carrosserie qui se veut moderne, dessinée sous l’égide d’Ermano Cressoni, directeur du style de la marque milanaise, dont les équipes ont déjà signé les Giulietta et 33. Plus tard, Cressoni prendra les rênes du style Fiat et permettra l’éclosion de talents comme Andreas Zapatinas (auteur de la Barchetta et de la BMW Z8), ou encore Chris Bangle à qui l’on doit les Fiat Bravo-Brava et surtout le renouveau du design BMW du début des années 2000… Mais ceci est une autre histoire.
La 75 est accueillie avec un scepticisme bienveillant par les spécialistes qui n’ignorent pas les difficultés financières d’Alfa. Surtout, ce dernier a su en faire une auto compétitive, une berline au tempérament sportif donnant efficacement la réplique à la BMW Série 3 pour un prix bien moins prétentieux. Evidemment, la qualité de finition n’est pas la même, mais à 83 600 F en 1,6 l 110 ch (22 500 € actuels) on lui pardonne aisément, car elle coûte 20 000 F de moins qu’une BMW 318i, limitée à 105 ch. L’offre française de la 75 comprend également un 1,8 l de 120 ch, un 2,0 l de 128 ch et un turbo-diesel, fourni par VM, développant 95 ch. Curieusement, le fabuleux V6 2,5 l n’est pas retenu par l’importateur, mais dès 1986, un performant 1,8 l turbo de 155 fait son apparition, suivi en 1987 d’un étonnant 2,0 l Twin Spark (double allumage, déphaseur sur l’arbre d’admission) de 148 ch. Nantie de ces deux derniers blocs, la 75 s’équipe d’un différentiel à glissement limité, qui optimise l’efficacité dynamique.
Ce plan-produit actif ajoute cette année-là le V6 3,0 l de 188 ch sur la 75 America, nommée ainsi car la 75 qui en bénéficie arbore les gros pare-chocs qui sont les siens sur le marché US. Elle n’est pas plus véloce que la 1,8 l turbo, mais offre en contrepartie une onctuosité et une symphonie mécanique incomparables, pour un prix canon (148 200 F, 37 600 € actuels).
Les évolutions se poursuivent en 1988 quand apparaît le 2,4 l turbo-diesel de 112 ch et le 1,8 l à injection (122 ch), une nouvelle grille de calandre et des feux arrière rouges équipant toutes les versions en 1989. En 1990, des modifications sont apportées au bloc 1,8 l turbo qui grimpe à 165 ch, au V6 (192 ch désormais), deux versions surnommées Potenziata, tandis que le 1,6 l gagne une injection (109 ch). Ensuite, la 75 va lentement glisser vers la retraite, qu’elle prend en 1992, une fois présentée sa remplaçante sur base Fiat Tipo, la 155 que les passionnés rejetteront. 386 767 exemplaires de la 75 ont été produits, un fort joli score pour une auto considérée comme vieillotte lors de son apparition !
Combien ça coûte ?
Les prix de la 75 sont très fluctuants, selon son état et sa motorisation. Pour 6 500 €, on accède à un bel exemplaire en 4-cylindres atmo, fortement kilométré mais ne nécessitant pas de gros frais. L’état compte plus que la cylindrée, et si vous souhaitez une auto impeccable totalisant moins de 100 000 km, il faudra débourser 10 000 €. C’est à cette somme qu’on accède aux turbos, mais là, le kilométrage pourra dépasser le chiffre de 150 000, alors qu’on ajoutera 2 000 € pour un V6 en condition similaire. Une très belle 6-cylindres demande déjà 15 000 €. Une cote qui a tendance à monter.
Quelle version choisir ?
Évidemment, on est surtout attiré par les V6, pour le moteur. Mais celui-ci pèse sur le train avant, au détriment de l’agrément du châssis et ces versions coûtent cher. Une 2,0 l Twin Spark constitue donc un compromis judicieux entre prix, agrément et performances.
Les versions collector
Là, ce sont les autos parfaites à faible kilométrage, mais aussi et surtout les versions rares comme la Turbo Evoluzione de 1986 (500 unités), dotée d’un kit carrosserie évoquant les modèles engagés en course (comptez 20 000 €), ou les toutes dernières Potenziata.
Que surveiller ?
On l’a dit, la mécanique de la 75 est très robuste, quelle que soit la version. Il suffit pour cela que l’auto ait été bien utilisée et entretenue (vidanges rapprochées, temps de chauffe respectés, réglages de soupapes réguliers). Le synchronisateur du second rapport de la boîte demeure une faiblesse connue cela dit, même s’il peut craquer pendant très longtemps sans rendre la transmission inutilisable. Notons aussi que les freins arrière, accolés au différentiel, peuvent se révéler pénibles à changer.
Même si elle est en gros progrès face à celle des Alfa précédentes, la protection anticorrosion demeure perfectible (sans être catastrophique), ce qui demande une inspection rigoureuse de l’auto. Rien d’anormal vu son âge. L’électricité est également facétieuse, entre faux contacts et accessoires électriques inopérant, mais, là encore, cette Alfa vaut mieux que sa réputation.
Au volant
J’ai pu prendre les commandes d’une 75 Twin Spark de 1987, totalisant 150 000 km. Une auto en très bon état d’origine. Dans l’habitacle, on est surpris par la faible largeur disponible, mais la position de conduite est plaisante. Et on s’amuse de certaines bizarreries ergonomiques comme la poignée rectangulaire de frein à main ou encore les commandes de vitres électriques situées au plafond… Le design de l’habitacle incarne presque caricaturalement le style cubique des années 80, on aime ou pas, mais le son du bialbero fera l’unanimité. Pas envahissant, il ravit les oreilles sans les casser, et accompagne les efforts d’un moteur qui ne demande qu’à être sollicité.
Souple, punchy et allègre, il procure tout le plaisir qu’on attend de lui, même si certains trouveront son tempérament lissé par l’injection. Il procure en tout cas de belles performances, bien aidé par une boîte judicieusement étagée. Celle-ci se révèle plutôt douce à manier, à condition de ne jamais la brusquer.
Côté châssis, c’est sain, très sain même : bien équilibrée, la 75 profite aussi d’une bonne adhérence, ne survirant que si on la provoque sensiblement. Seulement, elle pâtit de mouvements de caisse prononcés et d’un train avant paresseux, rançons d’une conception ancienne. Elle demeure suffisamment efficace, tout en préservant un confort fort acceptable, se révélant douce à conduire grâce aussi à sa direction assistée. En somme, une familiale vintage et sympa, performante et sûre, qui a de surcroît le mérite de n’avaler que 9 l/100 km en moyenne.
L’alternative newtimer*
Alfa Romeo 156 (1997-2005)
N’en déplaise à certains puristes, malgré sa technologie Fiat, la 156 incarne magnifiquement l’esprit Alfa. Ligne charmeuse, châssis efficace, moteurs performants, grand agrément de conduite et prix raisonnable. Il faut dire que ses trains roulants sont soignés (double triangulation avant, essieu arrière multibras) et qu’elle inaugure une technologie révolutionnaire : l’injection common-rail, qui rend ses diesels plus énergiques et économiques que jamais. En essence, les 4-cylindres sont tous des Twin Spark alors que le superbe V6 Busso en 2,5 l 190 ch occupe le haut de gamme. L’Alfa, élue voiture de l’année 1998, remporte un vif succès. En 2000, la très esthétique variante break Sportwagon renforce son attrait, tout comme le léger remaniement de 2002 qui bonifie le tableau de bord. Surtout, cette année-là, elle se décline en une affriolante GTA, dotée de la toute dernière évolution du V6, en 3,2 l et 250 ch. Restylée habilement en 2003, la 156 tire sa révérence en 2005, produite à environ 680 000 unités. À partir de 1 500 €.
> Pour trouver des annonces d'Alfa Romeo 156, rendez-vous sur le site de La Centrale.
Alfa Romeo 75 Twin Spark (1987), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres, 1 962 cm3
- Alimentation : injection électronique
- Suspension : Double triangulation, barres de torsion, barre antiroulis (AV) ; essieu de Dion, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, propulsion
- Puissance : 148 ch à 5 800 tr/min
- Couple : 186 Nm à 4 000 tr/min
- Poids : 1 120 kg
- Vitesse maxi : 205 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 8,2 s (donnée constructeur)
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques. Les BMW Z3 à 6 cylindres, Porsche Boxster 986 et autre Renault Clio V6 représentent bien cette nouvelle tendance.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération