2. Après la fusion, que va-t-il se passer ?
Créer un grand groupe à partir de deux groupes automobiles n’est pas si simple et pendant les quelques mois qui vont précéder la fusion annoncée au plus tard pour la fin du 1er trimestre 2021, il peut encore se passer beaucoup de choses. Mais que cela ne nous empêche pas d’imaginer l’avenir.
Depuis la fin de l’année dernière cinquante personnes au sein des constructeurs italo-américain et français travaillent sur le projet de fusion et les équipes dirigeantes planchent sur ce qu’il sera possible de faire industriellement parlant. Si tout cela est fait dans le plus grand secret, on peut imaginer certains scénarios comme celui d’une rationalisation à outrance. Cela devrait être le maître-mot du futur groupe automobile PSA-FCA afin qu’avec les synergies mises en place, le groupe puisse obtenir de belles économies d’échelle (on parle de 3,5 milliards d’euros par an). Pour cela on peut compter sur Carlos Tavares qui est un champion dans cette spécialité et qui a prouvé avec Opel que l’on pouvait rendre profitable une entreprise qui perdait de l’argent depuis 18 ans. Cela dit, tout ne pourra pas être fait dès le lendemain de la fusion, mais au fil du temps.
Beaucoup de travail en perspective
Le premier chantier devrait consister à réduire au maximum le nombre de plateformes et les motorisations. Pour les plateformes, les CMP et EMP2 de PSA et la Giorgio de FCA devraient être mises à contribution. Pour les petits modèles (mini-citadine et citadine) la CMP, les modèles compacts recevront l’EMP2 et les grands modèles la Giorgio. Celle-ci devrait intéresser en premier, Chrysler et Dodge. Pour les motorisations, il faudra choisir les blocs les plus propres, afin d’éviter les amendes européennes, et les adapter sur chacune des marques. De nouveaux modèles devraient voir le jour. Ainsi le Peugeot 2008 pourrait servir de base à des petits SUV badgés Fiat, Jeep et Alfa Romeo. Même chose pour la Peugeot 208 qui pourrait prêter ses dessous à une future Fiat Punto, voire à une Fiat Tipo. Quant aux motorisations électriques et hybrides rechargeables, celles de PSA semblent bien placées, d’autant plus qu’elles s’adaptent parfaitement aux plateformes PSA. Le consortium de batteries dans lequel PSA est actionnaire devrait fournir à chaque entité du groupe des batteries adaptées aux différents modèles. Des économies devraient également être réalisées en ce qui concerne le multimédia embarqué, les aides à la conduite et les travaux sur la conduite autonome. Il faudra sans doute également moderniser l’outil de production et gérer au mieux la production sur chacun des sites, supprimer les modèles dont la rentabilité est en question, renforcer le partenariat (qui existe déjà) dans le domaine des utilitaires. Mais attention, la Commission européenne veille à ce que le nouveau groupe ne soit pas en position dominante sur le marché des petits utilitaires et devrait contraindre les deux acteurs à faire des propositions rapides pour leur éviter une enquête longue de plusieurs mois. À PSA et FCA de trouver les arguments pour que la Commission européenne émette un avis favorable à la fusion ou qu’ils ne perdent pas trop en réduisant la voilure pour les utilitaires.
Mondialisation à outrance
Grâce à cette fusion, PSA a peut-être une chance de faire entrer l’une de ses marques (Peugeot, DS ?) sur le marché nord-américain. On pense à un pick-up Ram rebadgé, pourquoi pas une Peugeot 508 avec un moteur provenant de chez Alfa Romeo ou Maserati. Il va aussi fortifier sa présence sur le marché d’Amérique latine ou FCA est très bien implanté. Le nouveau groupe PSA-FCA pourrait donner une nouvelle impulsion à la marque Fiat en Europe où elle a perdu beaucoup de parts de marché dans les dernières années. Reste la Chine, un marché très difficile, où pour le moment seul Jeep a son mot à dire. Avec des voitures électriques, de l’hybride, les modèles de chez PSA et de chez FCA pourraient-ils enfin y faire bonne figure ?
FCA le grand gagnant ?
En regardant ce mariage de PSA et FCA, il est facile de se rendre compte que celui qui va le plus profiter de la fusion est le groupe italo-américain. Que ce soit sur l’aspect financier ou industriel, les feux sont au vert pour les actionnaires de Fiat, dont John Elkann petit-fils de Gianni Agnelli et héritier de Fiat, qui va tout faire pour que la fusion se fasse. Prudent, John Elkann a conservé quelques pépites qui ne font pas partie du deal : Ferrari et CNH, une entreprise de camions (propriétaire d'Iveco) et de tracteurs. Du côté de PSA, on veut jouer dans la cour des grands et devenir quatrième groupe mondial a de quoi être tentant. D’autant plus que Carlos Tavares va piloter le navire et qu’il a redressé Opel en un rien de temps. Mais FCA avec ses résultats d’exploitation de ses activités automobiles générées à 100 % en Amérique du Nord a bien du mal en Europe. Ne sera-ce pas trop dur, et trop cher, de relancer la machine en Europe et surtout Fiat qui est depuis de longues années en difficulté ? Il faudra aussi des trésors de diplomatie à Carlos Tavares pour gérer le management de marques supranationale comme Fiat ou Jeep, pour faire accepter certains arbitrages. Enfin derrière cette fusion, l’empressement de PSA à faire affaire ne s’expliquerait-il pas par un possible rachat ? La famille Elkann qui cherche à se désengager de ses activités automobiles, ne pourrait-elle pas vendre un jour toutes ses actions à PSA ?
Il y aura aussi des perdants
Quoi qu’il arrive, comme dans toutes les fusions, il y aura des heureux mais aussi des pleurs et des grincements de dents. Parmi ceux qui vont apprécier la fusion, on peut citer Carlos Tavares qui prend du galon et la tête d’un groupe puissant et prouve qu’il est incontournable, la famille Peugeot qui va recevoir de beaux dividendes liés au transfert de la participation de 46 % du capital en actions de Faurecia (ingénierie et production d'équipements automobiles) aux actionnaires de PSA. Une entreprise exclue de la fusion qui va générer une distribution de 3,5 milliards d’euros (montant prévu avant la crise, on annonce “seulement “2 milliards depuis). La holding de la famille Peugeot qui parallèlement va avoir la possibilité de faire grimper sa participation de 2 % (elle détient actuellement 7 %) dans le capital de PSA en achetant pour presque 200 millions d’actions. Autre bénéficiaire de cette fusion, la famille Elkann, dont John Elkann qui récupérerait 1,5 milliard d’euros des 5,5 milliards qui vont être distribués aux actionnaires de Fiat. Le groupe PSA qui entrevoit la possibilité de réussir à faire débarquer aux USA une de ses marques (Peugeot, DS ?) et de réduire ses coûts de développement et de production par les synergies entre marques (on parle de plus de 3,5 milliards d’euros d’économies par an). Le groupe FCA qui va faire en peu de temps moderniser ses autos. Parmi les perdants, Lancia qui pourrait disparaître après le mariage, les salariés de toutes les entreprises concernées. Car qui dit fusion, dit rationalisation de l’outil de production et sans doute fermeture de bureaux d’études ou d’usines à la clé (pas forcément tout de suite mais assez rapidement). Enfin les états français et italien puisqu’ils ne percevront pas d’impôts sur l’entité qui gouvernera cette fusion, les directions des groupes PSA-FCA ayant déjà annoncé que leur siège social sera basé aux Pays-Bas (Fiat-Chrysler a déjà son siège social implanté dans ce pays). Un plat pays rendu célèbre par ses tulipes, ses moulins, ses polders, mais aussi par sa fiscalité avantageuse.
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