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Bruno Sacco, un héro très discret aux créations brillantes

Dans Rétro / Géants de l'industrie

Stéphane Schlesinger , mis à jour

Patron du design Mercedes durant 24 ans, Bruno Sacco nous a quittés le 19 septembre dernier, même si la chose n'a été annoncée que le 28 par sa famille. Sous sa brillante férule, la marque allemande a produit quelques-unes de ses plus belles autos.

Bruno Sacco, un héro très discret aux créations brillantes

Faut-il le rappeler, il ne faut pas confondre style et design. Le premier ne s’intéresse qu’au plaisir des yeux, le second, bien plus difficile, y ajoute les contraintes liées à la fonctionnalité, la faisabilité ou encore le prix de revient. A ce petit jeu, le designer Bruno Sacco, décédé le 19 septembre dernier, s’est particulièrement distingué : sous sa direction, des modèles exceptionnels ont été créés qui aujourd’hui font encore la démonstration de leur validité.

La Stubebaker Starlight coupé a été une révélation pour Bruno Sacco : elle l'a convaincu de devenir un grand designer en 1951.
La Stubebaker Starlight coupé a été une révélation pour Bruno Sacco : elle l'a convaincu de devenir un grand designer en 1951.

Si certains pontes du design se signalent par leur exubérance, Bruno Sacco étonnait par sa discrétion. Né le 12 novembre 1933 à Undine, en Italie, Sacco a étudié à l’université polytechnique de la Turin, dont il sort diplômé en 1951 en… géodésie. Mais, cette année-là, il alors qu’il fait du vélo, il tombe en arrêt devant une Studebaker Starlight de 1950, une création du studio Loewy. C’est la révélation : il dessinera des voitures. Il se fait engager chez le carrossier Ghia, fin 1955, où il apprend de Sergio Sartorelli, créateur notamment de la  Volkswagen Typ 34 dite « Karmann-Ghia ».

Si la très élégante Mercedes SL W113, ici en 1963, est majoritairement l'oeuvre de Paul Bracq, le fameux toit "pagode" est dû, apparemment, à Bruno Sacco.
Si la très élégante Mercedes SL W113, ici en 1963, est majoritairement l'oeuvre de Paul Bracq, le fameux toit "pagode" est dû, apparemment, à Bruno Sacco.

En 1957, il fait la connaissance de Karl Wilfert, chef de la conception des carrosseries (style inclus) de Mercedes, qui l’invite à visiter l’usine de Sindelfingen. Parlant allemand, Sacco est engagé le 13 janvier 1958, où il se met à travailler avec Paul Bracq sous la direction de Friedrich Geiger. Il fréquente aussi beaucoup l’ingénieur Béla Barényi, l’inventeur des zones à déformation programmée, ce qui va le faire réfléchir sur la façon d’associer les notions de sécurité, de fonctionnalité et d’élégance. Une première traduction de cette synthèse sera le fameux toit « pagode » de la Mercedes SL de 1963, qui définira le design de cette très élégante auto.

En 1970, Bruno Sacco devient directeur du style extérieur de Mercedes. Il pose ici tout à droite de la photo. Troisième en partant de la gauche, un certain Béla Barényi.
En 1970, Bruno Sacco devient directeur du style extérieur de Mercedes. Il pose ici tout à droite de la photo. Troisième en partant de la gauche, un certain Béla Barényi.

En 1970, l’Italien devient chef du style extérieur et de l’ergonomie, puis, en 1975, le voici à la tête du bureau de design Mercedes. C’est l’année où le constructeur lance la berline W123, très aboutie mais archi-classique : tout va changer ensuite. Sacco s’est approprié l’ADN de la marque défini par Gottlieb Daimler « rien que le meilleur » puis décide de le faire évoluer. Cela trouve sa traduction sur la sculpturale Classe S W126 présentée fin 1979, suivie deux ans plus tard par le coupé SEC qui en dérive.

La Classe S W126 de 1979 est la première auto créée sous l'égide de Bruno Sacco. Une immense réussite qui renouvelle sans le trahir le style Mercedes.
La Classe S W126 de 1979 est la première auto créée sous l'égide de Bruno Sacco. Une immense réussite qui renouvelle sans le trahir le style Mercedes.

Fines, aérodynamiques, ultramodernes et pourtant sobres, ces deux voitures non seulement donnent un énorme coup de vieux à la concurrence mais en plus redéfinissent le style Mercedes. C’est là que le talent de Sacco éclate au grand jour. Les modèles créés sous sa direction expriment exactement l’âme d’une Mercedes, mêlant sophistication et tradition, solidité et élégance, modernité et intemporalité. Le tout, agrémenté d’une aérodynamique de référence.

Ajoutons que Sacco a installé une continuité dans l’évolution un design Mercedes censé demeurer valide aussi longtemps que les acheteurs conservent leur voiture, souvent plus de dix ans, mais sans ringardiser outre mesure le modèle sortant. C’est sa théorie de l’homogénéité horizontale, qui s’accompagne de celle de l’affinité verticale, où les éléments distinctifs de Mercedes, comme la calandre, doivent être reconduits d’une génération à l’autre.

Bruno Sacco pose avec la berline dont il est le plus fier : la brillante Mercedes 190, lancée en 1982.
Bruno Sacco pose avec la berline dont il est le plus fier : la brillante Mercedes 190, lancée en 1982.

Ce langage stylistique entre dans une nouvelle dimension fin 1982 avec la remarquable et audacieuse 190, un véritable concentré du meilleur de Mercedes dont Sacco est particulièrement fier. Pour vous donner une idée de son avance, elle est présentée en même temps que la BMW Série 3 E30, sa rivale directe, qui en est encore au look « boîte à chaussures » et aux parechocs chromés. Certes, la munichoise est perçue comme déjà démodée à son lancement, surtout quand on voit les Audi 100 C3, Citroën BX et Ford Sierra, elles aussi dévoilées en 1982. Mais de toutes ces voitures, c’est la Mercedes qui vieillira le moins, à tel point qu’on a encore du mal à la considérer comme une « youngtimer ».

En 1984, la Mercedes W124 transpose sur un gabarit plus imposant le thème de la 190 en ajoutant d'originaux feux arrière bizeautés. En 40 ans, ce design a très peu vieilli !
En 1984, la Mercedes W124 transpose sur un gabarit plus imposant le thème de la 190 en ajoutant d'originaux feux arrière bizeautés. En 40 ans, ce design a très peu vieilli !

En 1984, la berline W124 remplace la W123, en reprenant sur une échelle supérieure le design de la 190, qu’elle lisse quelque peu pour une meilleure aéro. On pourrait croire que Sacco va s’endormir sur ses lauriers, après ces créations qui laissent la concurrence pantelante, mais on aurait tort. En 1989 apparaît le roadster SL R129. D’une très grande simplicité formelle, il prend le contrepied de l’antédiluvien R107 qu’il remplace.

Exit les chromes tapageurs, place à des boucliers peints, exit les stries latérales, place à des pans lisses, exit les l’allure très verticale, place à une silhouette fuselée. Immédiatement identifiable comme une Mercedes, le roadster R129 frappe à son tour un grand coup, rendu plus puissant encore par sa haute technologie. Son look lui permettra de durer près de 13 ans sans paraître démodée ! Sacco la considère comme son chef d’œuvre, et c’est vrai que par la suite, les Mercedes s’avéreront moins convaincantes.

En 1989, l'ère Sacco touche à son apothéose avec le roadster SL 129 sobre, élégant, ultramoderne et juste dans ses proportions.
En 1989, l'ère Sacco touche à son apothéose avec le roadster SL 129 sobre, élégant, ultramoderne et juste dans ses proportions.

Dès 1991, on arrive sur la boulette, le bloc, ou plutôt le rocher qui va faire honte à Sacco : la Classe S W140. Démesurée, lourde et mal équilibrée, elle n’est pas du tout appréciée du designer italien. Mais pourquoi l’avoir validée ? En réalité, Sacco avait poussé un autre design, très fin mais refusé par le directeur du développement, Wolfgang Peter, qui voulait une voiture exubérante pour terrasser la concurrence.

La Classe S W140 de 1991, Bruno Sacco ne l'aime pas. On lui a imposé son gabarit hors normes aux proportions improbables.
La Classe S W140 de 1991, Bruno Sacco ne l'aime pas. On lui a imposé son gabarit hors normes aux proportions improbables.

Horriblement chère à concevoir et lancée en retard, elle coûtera certainement sa place à Peter… alors que Sacco restera. Toutefois, il est confronté à des dirigeants pour lesquels les notions de pérennité et de qualité totale se voient bousculées par un désir farouche de rentabilité. Cela passe par un développement tous azimuts de la gamme Mercedes, ce qui va sérieusement mettre à mal l’unicité du design de la marque, tout en imposant de multiplier le nombre de designers.

En 1993, la Mercedes Classe C W202 ne reproduit pas l'avance de sa devancière W201 en 1982. Mais elle est destinée à durer moins longtemps.
En 1993, la Mercedes Classe C W202 ne reproduit pas l'avance de sa devancière W201 en 1982. Mais elle est destinée à durer moins longtemps.

 Si la Classe C W202 de 1993 revient à une élégance et un classicisme de bon ton, elle n’a rien de spécialement novateur, même si ses feux arrière verticaux, rappelant certes par leur aspect biseauté ceux de la W124, introduisent une certaine originalité. Ils signaleront aussi la place dans la gamme Mercedes, en bas de l’échelle.

En 1995, la Classe E W210 surprend par ses projecteurs elliptiques, rappelant la W123 de 1976... tout en ciblant BMW ! Mais le reste de la carrosserie demeure très classique.
En 1995, la Classe E W210 surprend par ses projecteurs elliptiques, rappelant la W123 de 1976... tout en ciblant BMW ! Mais le reste de la carrosserie demeure très classique.

En 1995, la Classe E W210 remplace la W124, dont elle respecte les codes visuels, à deux détails près. Si sa poupe abandonne les feux biseautés au profit d’éléments horizontaux bien plus classiques, sa proue marque les esprits. Comment ? En adoptant quatre projecteurs circulaires, référence à ceux de la W123 (même si ceux-ci étaient sous verre). On peut aussi voir là un défi à BMW, dont la calandre à quatre phares est un marqueur visuel depuis la fin des années 60. Toujours est-il que la 210 n’assomme plus la concurrence par sa modernité, au contraire de celui de la 124 en son temps, même si sa grande élégance s’accompagne d’un Cx extrêmement bas : 0.27, comme celui de la BMW Série 5 E39 présentée la même année…

Présentée en 1996, la radicale et novatrice SLK R170 sera le dernier chef d'oeuvre esthétique de Bruno Sacco, voire de Mercedes...
Présentée en 1996, la radicale et novatrice SLK R170 sera le dernier chef d'oeuvre esthétique de Bruno Sacco, voire de Mercedes...

Toutefois, les designers de Bruno Sacco marquent tout de même les esprits en 1996 par un nouveau monument de design : la SLK. Ce sera le dernier élaboré sous la férule de l’Italien, voire de Mercedes tout court. Là encore, on a affaire à une auto tendue, formellement sobre et pourtant ultramoderne, inspirant la solidité mais aussi un grand dynamisme. De plus, elle réintroduit le toit dur rétractable, dont elle lancera la mode. Vrai concept-car passé à la série sans grandes modifications, la SLK connaîtra un grand succès.

En 1997, le coupé Mercedes CLK prend, étrangement, le contrepied de la SLK avec ses lignes molles et assez banales, quoiqu'élégantes.
En 1997, le coupé Mercedes CLK prend, étrangement, le contrepied de la SLK avec ses lignes molles et assez banales, quoiqu'élégantes.

En 1997, le coupé CLK se pose, étrangement, à l’opposé. Presque rondouillard et sans audace, il reprend les projecteurs circulaires, les feux horizontaux voire la calandre verticale de la E… Il ne s’adresse clairement pas à la même clientèle que la SLK, adressée aux jeunes, et si son élégance est certaine, on a du mal à ne pas lui préférer le coupé C124, son prédécesseur autrement plus fin.

Avec la Classe A en 1997, Mercedes s'est aventuré sur le segment B avec une originalité bien gérée par les équipes de Bruno Sacco.
Avec la Classe A en 1997, Mercedes s'est aventuré sur le segment B avec une originalité bien gérée par les équipes de Bruno Sacco.

Tout à fait en dehors des habitudes de l’étoile, les  Classe A et ML, révélés en 1997, tentent d’imposer un style propre aux modèles hauts de Mercedes. On reconnait les calandres horizontales et les feux arrière verticaux vu sur d’autres modèles, mais le tout s’associe à une lunette arrière en trois parties, ou du moins, formant une unité visuelle avec les vitres de custode. Ce n’est pas nouveau, on l’a déjà vu en 1953 sur la Talbot-Lago et, plus récemment, sur la Toyota Picnic (1995).

En 1998, la Mercedes Classe S W220 adopte des portes autoclaves, très typées années 80. Peut-être est-ce dû à son sketch initial de 1985, refusé pour celle qui deviendra la Classe S W140 en 1991...
En 1998, la Mercedes Classe S W220 adopte des portes autoclaves, très typées années 80. Peut-être est-ce dû à son sketch initial de 1985, refusé pour celle qui deviendra la Classe S W140 en 1991...

En 1998, on voit que Sacco a pris sa revanche sur la Classe S. La W220, remplaçant la 140 en 1998, est aussi fluide que n’était massive sa devancière. En réalité, il s’agit de l’application d’un projet refusé pour la 140, agrémentée de feux arrière verticaux comme ceux de la Classe C. L’auto est agréable même si elle ne marque pas les esprits, et pour cause ! Le coupé CL qui en dérive se révèle bien plus séduisant, avec sa superbe lunette panoramique en arc de cercle, évoquant celle du coupé 111 de 1961, et ses quatre projecteurs circulaires.

Le roadster R230 de 2001 est la dernière Mercedes dessinée sous l'égide de Bruno Sacco. Force est de reconnaître qu'elle a fort bien vieilli, contrairement à sa descendante.
Le roadster R230 de 2001 est la dernière Mercedes dessinée sous l'égide de Bruno Sacco. Force est de reconnaître qu'elle a fort bien vieilli, contrairement à sa descendante.

En 1999, Bruno Sacco prend une retraite bien méritée, non sans avoir reçu le prix Eyeson Design en 1997, décerné par ses pairs. Son influence se manifestera encore sur les Classe C W203 (2000), signalée par ses projecteurs en cacahuète, et le roadster SL 230 (2001) aussi fluide et élégant que peu fiable. Peu de designers peuvent se targuer d’avoir marqué l’histoire automobile d’autant de jalons que Bruno Sacco, surtout en œuvrant au sein d’un seul constructeur. Admis à l'Automotive Hall of Fame en 2006, il est prend certainement une immense part dans la grande réussite commerciale du constructeur allemand, dont il a su assurer la modernisation, la pérennité et la diversification stylistique avec un talent unique.

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