En 1975, fin de la Ligier JS2, une supercar française
Voici 50 ans disparaissait la Ligier JS2, une séduisante berlinette à moteur central fabriquée en France. Et si on la redécouvrait ?
Les voitures sans permis, c’est grâce à elles que le grand public connaît la marque Ligier. C'est très ironique, car initialement, ce constructeur sis près de Vichy, à Abrest, a débuté par la course automobile dans les années 60. Son fondateur était un sacré personnage : Guy Ligier. Rugbyman, pilote de moto et de voitures, il a notamment couru en Formule 1, mais a vite compris qu’il ne serait jamais au top niveau.
Fonceur et fort en caractère, Guy Ligier se lie d’amitié avec un autre pilote auto, Jo Schlesser puis décide de créer une voiture de sport française. Jo se tue en 1968 au volant d’une F1 Honda, ce qui frappe durement Ligier au cœur : en hommage, sa future auto portera les initiales du défunt pilote : JS. Pour la concevoir, il fait appel à un ingénieur reconnu dans l’univers de la compétition, Michel Tétu, et lui donne carte blanche. Quelle occasion unique !
Tétu se lance tête baissée dans le développement de la JS1, une bête de course révélée dès 1969. Techniquement, elle installe son moteur en position centrale arrière, tandis que la poutre centrale en aluminium, composant principalement le châssis, renferme un matériau avancé, le Klegecell, une sorte de mousse de PVC. Cela rend la structure à la fois ultralégère et très rigide. Le moteur, un 4-cylindres Ford Cosworth, s’allie à une boîte Hewland : sur le papier, la JS1 a tout pour elle.
D’autant qu’elle a été dessinée avec un certain talent par l’Italien Frua, dans un style qui évoque quelque peu la Ford GT40. Guy Ligier connaît bien cette dernière pour l’avoir pilotée, et s’est assuré que sa JS1 procure une meilleure visibilité. Il annonce d’ailleurs qu’une version de route dotée d’un moteur de Ford Capri (et à la carrosserie adaptée à un usage routier par Pichon-Parat) sera lancée dès 1970. Patatras, l’ensemble mécanique se révèle fragile, empêchant la JS1 d’obtenir des résultats probants.
Qu’à cela ne tienne, Ligier approche Citroën et obtient d’abord d’utiliser la boîte de la SM. Une autre tuile, de taille, tombe sur la tête dure de Guy Ligier, par ailleurs entrepreneur en bâtiment : Ford ne veut plus lui fournir de moteur de tourisme. Il en faut plus pour décourager notre homme, , qui pousse son avantage chez Citroën. Il en rencontre le patron, Raymond Ravenel au salon de Paris 1970, qui lui accorde carrément le V6 Maserati !
Ce 2,7 l 4-arbres est très intéressant, car compact, il ne pèse que 140 kg tout en développant 170 ch. L’accord est signé quelques mois plus tard, en 1971. Seulement, cet ensemble, plus encombrant que celui initialement prévu, impose d’allonger le châssis. Ce qui est vite fait.
Un an plus tard, en 1972, la JS2 finale est proposée à la vente, avec le bloc italien. La France dispose alors d’une voiture de sport de haut de gamme, au pedigree impressionnant puisque sa technologie découle directement de la compétition, y compris la suspension à doubles triangles avant/arrière dotée d’un 3e amortisseur transversal (en option) servant à limiter le roulis. Très légère (850 kg annoncés), la JS2 accélère fort et pointe théoriquement à 240 km/h. Exceptionnel à l’époque !
Seulement… Fabriquée artisanalement, elle coûte une petite fortune : 74 000 F, soit 82 700 € actuels selon l’Insee. A titre de comparaison, une Citroën SM (même bloc) est facturée 58 200 F, une BMW 3.0 CSI (170 ch) 61 500 F, une Porsche 911 S 2.4 (190 ch) 66 000 F, et une Dino 246 GT (195 ch), 68 500 F. Pour ne citer qu’elles !
Autant dire que les gens ne se bousculent pas pour acheter la Ligier, même si, belle et correctement fabriquée, elle peut être entretenue chez Citroën. Malheureusement, la JS2 n’offre pas les performances promises et ne se détache pas de la concurrence par son efficacité, l’alliance suspension souple/direction rapide la rendant parfois délicate…
Pire, son moteur ne sonne pas comme il faut ! Toutefois, l’irréductible Ligier ne baisse pas les bras et en 1973, équipe sa JS2 du 3,0 l de la SM américaine, ce qui porte la cavalerie à 195 ch. Les réglages du châssis, revus, améliorent nettement le comportement dynamique, les performances progressent significativement, tout comme l’insonorisation et la finition. Cerise sur le gâteau, le prix n’augmente pas. La voiture est à maturité !
La production augmente légèrement, à 70 unités, mais ensuite, tout partira à vau-l’eau... ou plutôt l'huile ! En effet, fin 1973 éclate la crise du pétrole, ce qui n’arrête pas Guy Ligier, occupé à rendre sa JS2 plus chic. De plus, en 1974, il récupère la production de la SM, ce qui le rassure… Temporairement, car les ventes de voitures de sport s'effondre. Pire, le gouvernement Messmer interdit la compétition automobile, où la JS2 obtenait de très bons résultats. Une vitrine en moins pour Ligier.
Si sa JS2 améliorée et dotée de projecteurs escamotables est présentée au salon de Genève 1975, en plus d'un contexte défavorable, Ligier est rattrapé par le problème du moteur. En effet, suite à la faillite de Citroën et son rachat par Peugeot, la SM s’arrête et Ligier n’a plus accès au V6 Maserati. C’en est trop, Guy Ligier jette l’éponge en juin 1975, après avoir produit moins de 90 JS2. Dix ans plus tard, Venturi tentera une aventure similaire, à la fin similaire…
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