En France, pas de pétrole… et pas d’idées non plus !
Guerre en Ukraine, urgence climatique, dépendance énergétique, réserves en baisse, flambées des prix, consommer moins de pétrole n’a jamais été aussi urgent. Alors, comment l’économiser ? En le subventionnant ?
Les dix-huit centimes de moins à la pompe, c’est à partir du… 1er avril, et ce n’est pas un poisson. Plutôt une mauvaise blague cette baisse qui profitera à tout le monde et ne soulagera vraiment personne. Je sais que 0,18 €, ce n’est pas rien, 9 € de moins sur les 50 litres mensuels ou bimensuels de celui qui abat ses 40 ou 80 km vingt jours par mois pour aller toucher son petit salaire.
Mais c’est aussi 14,40 € de rabais sur les 80 litres de la voiture de fonction du cadre qui ne s’en sert que le week-end pour aller dans sa chaumière normande, voire au boulot les deux ou trois jours où il ne télé-travaille pas…
Mais lui, il s’en tamponne de ces 18 centimes en moins, car il a en poche la carte Total « offerte » avec la bagnole. Le gazole à plus de 2 €, Il en a juste entendu parler aux infos.
Arroser tout ce qui roule
Au final, la misère du populo à deux ou trois bagnoles par foyer est à peine soulagée et le résultat le plus tangible de ce coup d’arrosoir, sera un manque à gagner de deux milliards pour l’État. Certes, ce n’est que le retour partiel du surplus de TVA encaissé grâce à la flambée des prix, mais ce surplus n’était pas malvenu pour payer les intérêts de la dette, en hausse eux aussi.
Figurez vous aussi qu’il était impossible de mieux cibler l’aide : trois ans après la crise des gilets jaunes, aucun organisme public, ni le fisc, ni les CAF, ni Pole Emploi, ni les conseils généraux ou régionaux n’est en mesure de dresser une liste de bénéficiaires prioritaires, les petits et moyens revenus qui ont un usage obligé et intensif de l’auto. Les rares aides ciblées vues ces temps-ci viennent des maires ruraux, sorte de retour au Moyen Âge et à la protection seigneuriale…
Arroser tout ce qui roule (et qui vote), c’est pathétique sur la forme mais aussi sur le fond.
Car aucun gouvernement ne peut panser la brûlure de la flambée des carburants en les subventionnant ou en les détaxant. Comment ensuite amortir le choc d’un baril à 150 ou 200 dollars conjugué à une chute de l’Euro ? En vendant Nice et la Corse au Qatar ?
Rien que la semaine dernière, le gazole a fait un bond de 14 centimes et rien ne dit qu’il ne bondira pas encore de, au hasard, 18 centimes la semaine du 1er avril. Castex aurait l’air malin avec son aide.
Individuellement, collectivement et immédiatement
La seule réponse saine et durable à la flambée des prix du pétrole - au réchauffement climatique, à la dépendance énergétique…- ce n’est pas de nous aider à en consommer autant, c’est de nous obliger à l’économiser, individuellement, collectivement et surtout immédiatement.
Il ne s’agit pas là de notre bilan carbone en 2035 ou 2040 mais du très court terme. Pour le long terme, on verra après et d’ailleurs, nos principaux projets zéro carbone ont du plomb dans l’aile.
La généralisation de la voiture électrique ? Elle ne se fera pas sans matières premières russes. Ni sans une énorme dépendance à celles de la Chine et aux puces de Taïwan, l’île que Pékin promet de « réunifier », par la force s’il le faut.
L’éthanol de seconde génération ? Trente ans qu’il fait le buzz et il n’est toujours pas prêt. En l’attendant, il faudra bientôt se passer d’E85, car la famine menace au Sud.
La pile à combustible ? Avec son rendement énergétique global de 25 % et ses gros besoins en métaux rares, elle sera au mieux une façon de récupérer les pics de production d’électricité non consommés. Des pics qui se feront rares car nous allons plutôt vers des gros creux…
Bref, les économies de pétrole, c’est ici, en Europe, et maintenant qu’il faut les faire car l’urgence écologique devient également économique, stratégique voire comme dirait Poutine, « existentielle ».
Et puis, soyons pratiques : une forte baisse de consommation en Europe entraînerait, du simple fait du jeu de l’offre et de la demande, une baisse des cours du baril. Sans oublier une autre loi économique, la plus basique de toutes : moins on consomme… moins on paye.
Une loi dont est dispensé notre cadre à voiture de fonction avec sa carte de carburant ; c’est par là qu’il faudrait agir en premier.
Que chacun soit comptable de ce qu’il brûle
D’abord pour la justice sociale en plus de la nécessaire sobriété énergétique : est-il raisonnable que la partie la plus aisée de la population soit dispensée d’économiser le carburant, non pas parce qu’elle en a ou en aurait les moyens mais du simple fait qu’elle ne le paie pas ? En France, selon AAAdata, 7,3 % des voitures sont « de fonction », 32 % en Ile de France et 15 à 20 % dans les métropoles régionales. Ce n’est pas rien.
Même si ces cartes carburant sont – un peu - limitées en litres, même si la TVS (taxe sur les véhicules de société tenant compte des émissions de CO2) oblige à choisir des voitures pas trop gourmandes, cet avantage en nature, défiscalisé de surcroît, est indécent et aberrant dans un contexte où certains doivent choisissent entre remplir le réservoir ou le frigo.
Je ne réclame pas l’abolition du privilège ni l’abrogation d’un acquis, juste son adaptation à l’époque : que chacun soit comptable, sur ses deniers, de ce qu’il brûle dans son moteur. Cette carte carburant pourrait être remplacée par une part de salaire équivalente, fixe et équitable. Ceux qui actuellement ne consomment pas leur quota trimestriel y gagneront, ceux qui l’atteignent y perdront et tous auront intérêt à moins souvent prendre le volant et à lever le pied. On verra peut-être alors moins de gros SUV bien propres débouler à 150-160 km/h le dimanche soir sur la file de droite des autoroutes direction Paris, Lyon, Grenoble ou Toulouse… J’écris « bien propres » car la carte Total comprend généralement le lavage…
Ce qui m’amène aux limitations de vitesse.
(intertitre)
À 110 sur autoroute ou confiné en télétravail ?
En juin 2020, un test très sérieux de mes collègues a démontré qu’une Mégane diesel ordinaire consomme 25 % de moins, soit 1,4 l /100 km, sur autoroute en roulant à 110 plutôt qu’à 130. On imagine le résultat avec un moteur essence et/ou un SUV…
Le même mois, dans un très prudent billet, j’écrivais que la limite à 110 sur autoroute, permettrait en France une diminution de 20 % de la consommation sur les 20 % de nos kilomètres que nous y parcourons, soit une baisse de 4 % de ce qu’avale notre parc automobile.
C’est peu ? Pour ceux qui préfèrent rejeter le péché sur les avions, cela reviendrait à supprimer les trois quarts du trafic aérien intérieur français.
Ajoutons y les camions. J’ignore de combien diminuerait leur appétit en les limitant à 80 km/h, comme sur route, mais sans doute d’au moins autant en pourcentage.
Parmi les mesures fortement et immédiatement efficaces économiquement et écologiquement, aucune ne serait plus indolore que ces quelques minutes de plus aux cent kilomètres.
En comparaison, revenir au télétravail obligatoire, un confinement qui ne dit pas son nom, aurait plus d’impact, mais serait infiniment plus rude et parfaitement anti démocratique dans un contexte non sanitaire.
110 km/h, je veux bien, mais les Allemands aussi !
Cette limitation à 110, le gouvernement ne l’a pas même évoquée. Elle figurait pourtant parmi les propositions de la convention citoyenne pour le climat qui devait donner le cap après la révolte des gilets jaunes.
Un silence d’autant plus étonnant qu’instaurer des limitations de vitesse avait été le premier réflexe en 1974 lors du premier choc pétrolier.
Étonnant ce changement de ton et de manière entre le début de ce quinquennat avec taxe carbone et imposition du 80 km/h sur route et ses dernières semaines avec subvention de nos pleins et pas même la remise en question du sacro-saint 130 km/h.
On en reparlera en juin…
Personnellement, rouler à 110 ne me traumatisera(it) pas : l’allure à laquelle défile le paysage ne fait pas partie de mes droits constitutionnels et tant qu’à m’enquiquiner sur le grand ruban, autant qu’il y ait moins de bruit à bord. Bref, je vote pour, mais à une seule condition, que cette limitation soit également adoptée partout en Europe et évidemment, je pense à l'Allemagne. Pas question de lever le pied chez nous tant que notre grand voisin continue à carburer à vitesse libre avec du pétrole russe tout en donnant des leçons d’écologie jusqu’en Afrique et en nous priant, il y a peu encore, de renoncer au nucléaire.
Après tout, la pénurie menace bien plus leurs Porsche que nos Clio et si l’Europe n’ose pas dire « niet » au pétrole et au gaz de Vladimir, c’est d’abord parce que l'Allemagne s’en est rendue totalement dépendante par naïveté et égoïsme.
Bref, à l’heure où l’on projette une communauté européenne d’approvisionnement énergétique, il faudrait peut-être commencer par harmoniser l’appétit de nos voitures et donc nos tachymètres.
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