2. Essai - Honda GoldWing 1800 Bagger : plus sport, plus fort
Ce n’est pas le tout de détailler la belle, encore faut-il l’emmener faire un tour. Alors, il tourne à droite une fois, deux fois, ça s’allume dans le poste, merci le Sans Clef. Une pression sur le démarreur automatique et le 6 cylindres s’ébroue dans une sonorité caractéristique. Les 1833 cm³ provoquent une réaction immédiate, presque épidermique. C’est velouté, et pourtant les micro vibrations relèvent le tout. Électrisent, pourrait-on même dire… Les échappements ronflent et métallisent leur voix. Ne reste plus qu’à choisir la réponse moteur aux sollicitations de l’accélérateur. Le commutateur Mode œuvre en silence, et fait bien plus que implement jouer sur l’accélérateur sans câble. Entre Rain, Eco, Tour, Sport, le choix est vite fait : ce sera Sport. Les suspensions électriques se raffermissent automatiquement, la moto se verrouille un peu. On devine que le contrôle de traction se « détend », afin de moins intervenir. Poignées chauffantes sur 3, musique sur 20, c’est parti mon Kiki pour ube promenade de plus de 400 km... sans refaire le plein.
Enfin presque. Le pneu de 130 à l’avant doit composer avec un arrière affichant 200 de large. De quoi donner une stabilité impressionnante, certes, mais aussi de quoi résister à l’engagement et à la mise sur l’angle. Et c’est bien la première impression que l’on a au guidon lorsqu’il s’agit d’emmener le guidon : il faut travailler le braquage contrebraquage lors des évolutions à basse vitesse, et surtout rester vigilent en remonte file. D’une part, les rétroviseurs sont larges, d’autre part, le train avant est très sensible aux épaisseurs de bande blanche, de quoi déstabiliser… Et si vous vous imaginez pouvoir vous faufiler dans un espace exigu, oubliez ! 925 mm de large, a ne se place pas mal, mais pas aussi facilement que ça. Alors dans un éclair de génie, on imagine pouvoir rabattre les rétroviseurs. Normal, ils sont articulés. Anormal par contre : une fois ceci fait, impossible de tourner… soit on raye le miroir du rétroviseur, soit on tape dedans. Note pour Honda : repenser le dispositif !
Gold un jour, Gold toujours. C’est ce que l’on pourrait se dire. Pourtant, la nouvelle GL 1800 affirme certains aspects de sa personnalité, et se montre très différente dans son comportement moteur comme dans son maniement. Y compris vis à vis de la concurrence. Forcément, avec plusieurs cartographies moteur et un train avant entièrement repensé, rien ne demeure de l’ancienne GoldWing. Pas même le côté Pullman, remplacé par une certaine fermeté et une sportivité classieuse, vraisemblablement causée par la perte de poids. Emmener la Goldwing en balade est une partie de plaisir, que l'on compose en fonction de l'humeur et du comportement choisi. On s'adapte à la route, tout en profitant d'une dynamique agréable.
Bien plus réactive, y compris au niveau de la mécanique interne de son moteur, la GL 1800 mod. 2019 affiche 4 comportements distincts en fonction du Mode choisi. Eco et Rain lissent ainsi copieusement les accélérations à bas et mi régimes, tout en assouplissant les réactions moteur et en renforçant l’action de l’anti patinage. Les courbes de couple et de puissance s’infléchissent, laissant agir une force douce et onctueuse. A ce titre, le mode Eco séduit immédiatement par sa bienveillance. Touring, quant à lui, est idéal pour bénéficier de relances agréables et d’une force bienveillante, d’une accélération volontaire et d’un regain de plaisir une fois les 2500 tr/min dépassés. Mieux encore, ce choix de comportement gomme davantage les à coups de transmission nettement perçus en mode Sport. Celui-ci réclame plus d’attention au niveau du passage des rapports, afin de bien gérer l’embrayage hydraulique. On prend ainsi l’habitude de décomposer le mouvement en deux phases, avec une temporisation lors du relâché de levier. Faute de quoi les soubresauts et poussées sur la roue arrière se feront ressortir. Un phénomène nuisant autant à l’agrément qu’il contribue aux sensations de vivacité. Sport, donc, et bienommé !
Le premier rapport pousse quasiment la GoldWing jusqu’aux allures départementales (78 km/h), tandis que l’on ne souffre d’aucun remou dans le casque ni pression sur les épaules une fois la bulle en position haute. Seule la fraîcheur hivernale fait apparaître sur les jambes une sensibilité à l’air annoncé à quelques 1°. Une fraîcheur ressentie sur la face externe des mollets et le haut des genoux malgré une couche de protection supplémentaire. Une incitation à s’équiper, d’autant plus qu’aucune trappe ne permet de rediriger la chaleur moteur vers le conducteur. Par contre, un déflecteur escamotable trouve place sur la partie supérieure de la casquette d’instrumentation. En théorie, il apporte un supplément d’air sur le bas du casque lorsqu’il fera chaud. Dans les faits, le flux peine à atteindre un conducteur bien calé au fond de sa selle.
Dans la foulée du démarrage, il est possible de passer les cinq suivants et de se retrouver en 6 ème à évoluer tranquillement à partir de 50 km/h et un régime moteur extrêmement bas. S’il marque une pause dans ses montées en régime aux alentours de 2 000 tr/min, le 6 cylindres brille ensuite par sa disponibilité et par sa poussée énergique. Elle se renforce même une fois les 3 000 tr/min franchis jusqu’à ce que l’on vienne titiller le haut du compte tours et les 6 000 tr/min de sa zone rouge. Le tout est accompagné par une sonorité moteur renforcée et plus « rageuse », trahissant la ferveur des chevaux. On peut allègrement dépasser les 180 km/h compteur en une simple rotation de pognée et sur une distance réduite, le tout sans même avoir l’impression de pousser. Du moins tant que cela ne tourne pas trop.
Agile une fois lancée, précise, avec un train avant un tantinet fébrile et une direction tombante à basse vitesse, la nouvelle GoldWing devient rapidement stable et se cale sur son gommard arrière de 200. Sur les longues distances, on pourra du coup envisager d’utiliser le régulateur de vitesse implémenté de série. Mais il n’est pas l’heure de roupiller, plutôt celle de tenter de s’amuser un peu au guidon de la GL 1800. Curieusement, le guidon comme les parallélogrammes avant continuent d’indiquer des mouvements, mais le pneu de 130 les ignore et stabilise l’ensemble. Redoutable d’efficacité, le principe Ackerman de la « fourche »bénéficie de nombreux atouts, à commencer par celui de garder la GL à plat et de limiter considérablement les transferts de masse. Ajoutons un travail idéalement coordonnée avec le freinage couplé avant/arrière et assisté, et s’emparer du levier de frein avant ou presser la pédale droite se fait sans autre pensée que de visualiser là où l’on souhaite s’arrêter ou inscrire la moto. Puissance et force ne sont pas l’apanage exclusif du moteur ! A noter au passage un système rare sur les motos : les freinages vifs et déclenchements du CABS engendrent automatiquement le déclenchement des feux de détresse. Quand on vous dit qu’elle mise sur la sécurité, cette GoldWing ! D’autant plus que les clignotants restent faiblement allumés pour être mieux perçus. Les indicateurs de direction son également à arrêt automatique.
Mais revenons en au sport. Bien évidemment, les température comme l’humidité ambiante lors de notre essai ne nous auront pas poussé à chercher les limites de la GoldWing 1800. Rassurante et retournant des informations précises, on continue à se méfier instinctivement de son poids et de l’adhérence précaire du bitume. Ainsi le moment de l’inscrire sur l’angle dans une belle et grande courbe est-il précédé d’une interrogation, avant que la main droite ne donne la réponse. La précision de la poignée de gaz comme l’excellence du dosage moteur et du freinage contribuent à compenser la tendance à élargir légèrement la trajectoire au moment de basculer sur l’angle. L’antipatinage est également un facteur limitant les risques, même si nous ne l’avons jamais déclenché involontairement. Quelques jours au guidon et l’on ne se pose plus de question : ça tient. D’autant plus que l’on en vient assez rapidement à jouer de la garde au sol sur un tracé aux virages serrés ou sur les petits ronds points. Annoncée à 130 mm, la hauteur des repose pieds est largement suffisante pour se faire plaisir sans jouer les singes sur la selle. Attention toutefois aux pieds en canard, on use facilement le bord des bottes ! Un facteur limitant « à l’attaque », certes, mais reste encore et toujours la possibilité de jouer sur le tarage des suspensions, ou encore d’emmener la Gold’ au bassin et aux bras plus qu’aux appuis sur les amples repose pieds.
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