2. Essai - Indian FTR Rally : excès à l'américaine
Rares sont les motos dont le charme opère instantanément. Celles sur lesquelles on se sent immédiatement à l'aise et à même de réaliser tout ce que l'on aimerait accomplir. Des motos simples, ne laissant d'autre choix que celui de rouler, avec pour seule option le réglage de la garde d'un levier… Le choix d'aller là où l'on veut, comme l'on veut. Plus rares encore sont celles mettant tellement à l'aise que l'on ne se demande même pas comment faire telle ou telle chose, tant tout devient naturel et instinctif. Comme si on la connaissait de longue date. Comme si elle était une évidence.
La Indian fait partie de celles-ci. Une fois les détails ergonomiques contournés (remplissage du réservoir, contacteur et déploiement de béquille latérale), on laisse le plaisir de rouler envahir le terrain, quel qu'il soit. Une fois au guidon, qui surélève les bras pour un meilleur confort et une conduite moins en appui bénéfique, on profite de chaque instant.
Déjà, on vit une nouvelle expérience en exploitant une motorisation tout simplement incroyable et sans pareille. Alors certes, la gestion de l'injection n'est pas parfaite et l'on peut ressentir un petit à coup à la remise ou la coupure des gaz si l'on ne se montre pas assez précis, mais chaque remarque contribue au caractère de la FTR, à sa personnalité profonde et intrinsèque.
Le moteur américain apparaît linéaire dans sa montée en régime, tout en affichant une certaine douceur au démarrage le rendant aisé à exploiter. Il se passe toujours quelque chose de surprenant avec ce bicylindre. Une mécanique de conception suisse, paraît-il. Une véritable horloge, en tout cas, qui ne manque pas de réjouir et de créer des temps forts.
Particulièrement souple, très permissif, le V-Twin fait montre d'une belle docilité sur tous les rapports, et il accepte de descendre à près de 1 200 tr/min sur le 6 ème rapport, soit une allure urbaine lorsqu'on traduit ses pulsations en vitesse pure et en km/h. À la manière de ce qu'il se passe sur le compteur (peu lisible dès que l'on dépasse le 130…), on passe dans un autre référentiel. Ça pousse fort, et toujours avec les manières.
L'accélération est si vive est si onctueuse que l'on se retrouve immédiatement en haut du compteur et du compte-tours (illisible au demeurant, car situé dans le petit afficheur). On profite des sensations mécaniques, de la force pure dégagée par le bloc. Évidemment, la roue avant se fait remarquer. Soit elle pointe en l'air à la moindre rotation rapide de la poignée de gaz, soit elle rappelle qu'elle est chaussée de pneus à pavés lorsque l'on prend de l'angle.
Là encore, le guidage reste précis. Pour tout dire, on a l'impression de conduire un roadster sportif transgenre et quelque peu transgressif, muté en scrambler/hypermotard par la bienveillance d'une génétique des plus favorable et la greffe de quelques organes essentiels et simples sur un corps dénudé. La fonction prime, souvenez-vous.
Peut-être est-ce là la raison n'ayant pas poussé à la surenchère niveau taille de pneumatique. Si le diamètre des roues et important, on ne ressent que peu les roues de 19 pouces à l'avant et 18 à l'arrière, sauf lorsque l'on teste la stabilité de la moto. L'empattement assez long et l'angle de chasse ouvert ménagent eux aussi un comportement très stable, uniquement perturbé par le pneu avant dont les facettes se font sentir.
Précise, la FTR Rally filtre avec efficacité les défauts de revêtement. Elle flirte avec la rondeur que l'on attend de ce genre de partie cycle, absorbe les freinages avec bienveillance en laissant la fourche plonger sous les assauts des étriers Brembo. Bref, elle fait vivre la FTR Rally au rythme de la main droite. Un poignet qu'il convient d'avoir souple et précis pour tirer le meilleur de la Rally.
Rapidement (c'est le cas de le dire), on exploite entièrement la FTR et son moteur, lequel ne dépasse pas les 200 km/h. On le bloque volontiers, mais à quoi bon ? C'est bien avant que l'on profite de tout ce que l'Indian a à offrir. Enfin "offrir", façon de parler, ses qualités se monnayant au prix fort.
En balade sur les routes verglaçantes du Vexin, nous avons pu apprécier le confort de la selle et celui des suspensions. Évidemment, leur relative souplesse impose de s'accommoder de quelques rebonds toujours stoppés par l'excellente hydraulique. La Rally ne redoute aucun obstacle, et sa garde au sol de 183 mm se révèle très importante et amplement suffisante.
Sur les portions les plus rectilignes, on peut également enclencher le régulateur de vitesse. Anecdotique, certes, mais pourquoi pas, la déviation d'air provoquée par la casquette de phare permet de supporter l'allure autoroutière pendant un petit moment.
À propos de "bitonniaux', à l'image du commutateur du régulateur de vitesse, le clignotant adopte la même forme de petit joystick. Il ne comporte cela dit plus qu'un axe (horizontal) cette fois. Pas génial, mais on s'y fait, même s'il demeure petit et éloigné du pouce. Encore une originalité de la Indian. Du coup, dommage que l'arrêt des indicateurs de direction ne soit pas automatique. Allé, qu'à cela ne tienne. Les kilomètres s'enchaînent, tandis que l'on voudrait ne plus s'arrêter de parcourir les routes, quelles que soient les conditions. Seul le fin crachin parvient à tempérer l'optimisme et les ardeurs acquis au guidon de la FTR Rally : Il colle à l''écran du casque plus et mieux qu'un chewing gum sous une semelle.
Le froid saisit les mains, tandis que l'on regrette des protège mains ou des poignées chauffantes. Pour autant, les jambes n'ont pas à pâtir des frimas : le moteur est à même de les garder au chaud, même si les 0° ambiants ne laissent aucunement présumer du phénomène noté par Matthieu lors de son essai de la version S : la chauffe souvent associé à l'architecture moteur employée. Les plus urbains des rouleurs sont avertis !
Avec l'expérience, l'absence d'assistances ne fait ressortir aucun manque. L'ABS, lui, officie avec bienveillance et discernement à l'avant, dont la force sert à tout moment. À l'arrière, par contre, la centrale Bosch nous a habitués à mieux, y compris sur des motos moins coûteuses. Même en l'absence de contrôle sur l'angle, on peut faire bien mieux, la Triumph Trident nous l'a prouvé il y a peu. Mais qui a dit que l'on voulait freiner ??
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