La Jeantaud Duc : l'électrique du record oublié (les voitures les plus rapides du monde)
Le premier record du monde de vitesse homologué est détenu par une voiture française. Mais ce n'est pas la Jamais contente de Camille Jenatzy, mais la Duc de Charles Jeantaud, quelques mois plus tôt. Électrique elle aussi, elle a été chronométrée à 63,15 km /h en 1898.
C’est une injustice. Si l’on parle beaucoup de la première voiture électrique à franchir les 100 km/h, la fameuse Jamais contente, d’ailleurs exposée ce week-end, on n’évoque jamais la Jeantaud Duc. Elle détient pourtant le premier record du monde dûment homologué, ce qui ne l’a pas empêché de tomber dans les abysses de l’histoire de l’automobile, tout comme son concepteur.
Et pourtant, il ne s’en laissait pas conter Charles Janteaud. Le Limougeaud, né en 1843, est monté à Paris dès ses 16 ans pour s’engager sur la voie paternelle et devenir carrossier à son tour. Il se met au service de plusieurs maisons situées dans le quartier des Champs-Élysées, haut lieu de l’automobile balbutiante. Durant une vingtaine d’années, il poursuit son bonhomme de chemin, inventant des systèmes de changement de vitesse, de suspensions et d’essieux.
L'automobile sera électrique ou ne sera pas
Mais en 1880, c’est le déclic : l’avenir sera électrique. Un industriel allemand met au point un moteur à explosion ? Une blague. Janteaud, entouré de quelques copains dont les ingénieurs Camille-Alphonse Faure et Gustave Trouvé se lance et crée une voiture électrique. Un an plus tard, sa Tillbury, comme il l’a baptisée, est prête, avec ses vingt batteries Fulmen. Mais après 100 m seulement, elle brûle entièrement et son inventeur devient la risée du quartier.
Pas grave, Jeantaud retourne à son atelier. Sa nouvelle Tillbury est prête et en 1895, pour prouver qu’elle est fiable, il l’engage dans la course Paris-Bordeaux-Paris. L’auto dispose de 7 chevaux et elle est, cette fois, gavée de 38 batteries de 15 kg chacune. Avec son autonomie de 50 km seulement, qui lui permet de rouler entre 20 et 30 km / h, il est obligé de disposer des batteries de rechange tout au long du parcours. Qu’à cela ne tienne : il s’élance. Mais à Orléans, la course se termine pour lui. La Tillbury est à l’arrêt, mais sa propulsion électrique n’est pas en cause, l’un de ses essieux a lâché.
Encore une fois, l’inventeur retourne à sa table à dessin qu’il quitte trois ans plus tard avec un engin qui l’aurait fait entrer dans le guide des records s’il avait existé. Et pas seulement à cause de son design, puisque la Duc, c’est son curieux nom, est la première auto au design profilé. Surtout, Jeantaud est persuadé que c’est la plus rapide de toute. Ça tombe bien, en cette année 1898, un comité d’homologation très officiel est créé. Les tentatives de record se multiplient et, comme chacun revendique le sien sur la bonne fois d’un beau-frère ou d’un cousin témoin de la scène, le nouveau comité va y mettre bon ordre.
Pour cette tentative de record, Jeanteaud ne prend pas le volant. Il le confie, non pas à un duc, mais à un comte : Gaston de Chasseloup-Laubat. Le comité d’homologation, Jeantaud, sa voiture et l'aristocrate se retrouvent le 18 décembre de cette année 1898 dans le parc agricole de la plaine d’Achères dans les Yvelines, dont l’allée principale, la route des noyers, est suffisamment longue pour accueillir les accélérations du bolide. Et très vite, le verdict tombe : 63,15 km /h. C’est un record du monde.
Mais la joie de Jeantaud sera de courte durée, car son ennemi juré veille au grain. 6 mois plus tard, Camille Jenatzy le met au défi. Les deux hommes s’affrontent dans des courses automobiles depuis des années mais le créateur de la Jamais Contente ne supporte pas que son rival soit titulaire du titre de champion du monde. Les deux autos et leurs créateurs se retrouvent donc, toujours à Achères, le 29 avril 1899.
Tué par le monoxyde de carbone
La suite, on la connaît : la Jamais contente entre dans l’histoire pour quelques km / h de plus. Pourtant, la Duc s’est améliorée et atteint désormais 92 km / h. Mais ça ne suffit pas. La voiture de Jenatzy dépasse pour la première fois la barre symbolique des 100 km / h ce jour-là. Elle sera homologuée à 105,879 km / h, exactement. Un record chasse l’autre et Jeanteaud comme sa Duc basculent dans l’oubli.
L’homme continue de gérer son entreprise de fiacres et de corbillards électriques, mais le moteur à explosion pointe le bout de son nez et en 1905, les établissements Janteaud font faillite. Leur fondateur survivra une petite année, mais le 29 novembre 1906, dans son bureau du 54 rue de Ponthieu à Paris, Charles Janteaud bouche les tuyaux du poêle à charbon. Il meurt intoxiqué par le monoxyde de carbone. Ce même carbone qu’émettent aussi les moteurs thermiques qui ont eu la peau de son entreprise.
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