Le road trip italien de Jean Giono en 4ch
En 1951, l'écrivain du Hussard sur le toit se fait forcer la main pour partir, en voiture, à la découverte de l'Italie. Une aventure à 4 à bord d'une petite Renault 4ch "cabriolet" qu'il raconte dans son Voyage en Italie.
Un voyage en Italie à bord d’un cabriolet est déjà un roman en soi. Mais lorsque c’est Jean Giono qui l’effectue et le raconte, il devient fantasque, captivant et drôle aussi. Car l’homme est tout sauf un écrivain voyageur et le retrouver à Venise, Padoue ou Florence constitue pour lui un absolu exotisme.
L'écrivain non-voyageur
D’ailleurs son Voyage en Italie s’ouvre sur une phrase en forme d’avertissement. «Je ne suis pas voyageur, c’est un fait». Et si le colosse de Manosque accepte enfin, en 1951, c'est à la demande expresse d’Élise, sa femme, qui lui enjoint de parcourir la botte à bord d’une Renault 4ch cabriolet, puisque c'est ainsi qu'il désigne la petite découvrable.
C'est après avoir épuisé tous les arguments pour y renoncer qu’il finit par accepter. Car l’homme, ex-employé de banque devenu écrivain à plein temps détestait par-dessus tout l’ailleurs et s’il a, en de rares occasions, quitté sa ville natale, ou il est d’ailleurs décédé en 1970, c’est plutôt contraint et forcé qu’entraîné par le goût du voyage.
Mais il a fini par accepter. Lui et son épouse vont donc suivre un couple d’amis propriétaires d’une minuscule Renault 4ch. Mais c’est un cabriolet, ce qui en ce début d’été 51, constitue un atout que l’écrivain ne va pas négliger. Ils évitent bien évidemment la Côte d’Azur et la mer, que Giono trouve « tellement vulgaire » l’une comme l’autre, pour filer par-dessus les Alpes, en roulant au pas dans leur petite auto surchargée dans les cols du Briançonnais.
Viennent ensuite Turin, Milan, Bologne et Venise. Mais il est inutile de chercher dans cet ouvrage des indications touristiques, ou même des musées, des tableaux et des statues remarquables et constitutifs de l’Italie. Le Duomo, la fameuse cathédrale milanaise ? « Il ne vaut pas un pet de lapin ». Les chefs-d’œuvre du Quattrocento ? « Qui peut affirmer qu’il a vu un tableau quand on le lui a décrit avec des mots ? »
Alors, il renonce et ne donne pas à voir l’Italie, mais les Italiens, ceux qu’il croise nez au vent en roulant au pas, assis à l’arrière de la 4ch. Et ceux avec lesquels il discute, lors de chaque étape. Comme à cette terrasse de Brescia, ou il constate. « On dit que les Italiens sont bruyants, gesticulent, c’est une calomnie anglaise. » Il les trouve parfois arnaqueurs, comme ce serveur qui lui réclame « le prix d’une bombe atomique pour un léger café blond comme du thé ». Mais l’affaire l’amuse et nous aussi.
Ce voyage en Italie eût-il été différent si Giono avait emprunté le train plutôt que la petite Renault ? Il nous aurait entretenus de gares et de taxis avec un immense talent, mais pas de tous ces petits villages qu’il a traversés, de ces routes mal entretenues de l’Italie au sortir de la guerre qu’il a emprunté, de ces gens croisés au hasard de ces chemins creux et avec lesquels il a discuté. C’est que, parfois, l’automobile est aussi un formidable véhicule littéraire.
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