Les immatriculations "tactiques" profitent à tous, sauf aux concessionnaires
Les immatriculations tactiques permettent aux constructeurs de gonfler les chiffres de ventes, et aux clients de bénéficier de prix intéressants. Mais pour les concessionnaires, ce sont surtout des "boulets" dont il faut tant bien que mal se débarrasser. Et vite.
Plus encore depuis l'instauration des objectifs CO2, les immatriculations tactiques sont au centre de la stratégie des constructeurs en Europe. Et leur impact est très facilement mesurable. Il suffit de voir la différence des ventes d'une marque, notamment sur les hybrides et électriques, entre décembre et janvier. En fin d'année dernière, ce sont 20 000 véhicules électriques qui ont été immatriculés en France entre le 1er et 31 décembre. En janvier, il ne s'en est immatriculé que 6471 unités !
Mais pourquoi cet écart ? Parce que les marques font tout pour pousser à l'immatriculation des véhicules zéro émissions ou à faibles émissions (hybrides rechargeables et électriques) en fin d'année afin d'atteindre l'objectif CO2 fixé par l'Europe. Du coup, fatalement, les deux ou trois mois qui suivent l'année suivante sont mauvais. Et il faut dire qu'ils l'ont été particulièrement cette année pour les électriques avec une baisse de 41 % en janvier par rapport à janvier 2020. Une dégringolade qui s'est d'ailleurs confirmée en février.
A qui profite le crime ?
L'immatriculation tactique profite globalement à tout le monde, sauf aux concessionnaires. Concrètement, elles permettent aux constructeurs d'avoir une variable sur laquelle jouer lorsqu'il faut rentrer dans les clous, que ce soit en matière de valeur absolue des ventes, ou bien de rejets de CO2 de l'ensemble du catalogue.
Et pour le client final, c'est très intéressant : il peut en effet acheter un véhicule déjà en stock chez un concessionnaire, qui a été immatriculé et qui est donc un véhicule dit "0 km". Il n'a pas ou peu de kilomètres au compteur, mais comme il est immatriculé, il a déjà commencé à décoter. Il est donc théoriquement neuf, mais sans le prix du neuf. Pour peu que l'acheteur n'ait pas des besoins très spécifiques en matière de personnalisation ou d'options, il peut alors faire de belles affaires.
Mais alors, en quoi est-ce si mal, l'immatriculation tactique ? C'est avant tout un manque à gagner pour les concessionnaires, qui n'ont parfois pas franchement le choix. Les relations distributeurs/constructeur peuvent parfois être très compliquées : d'un côté le point de vente, qui doit absolument être rentable et donc faire du volume mais aussi ne pas vendre à perte. Et de l'autre, un constructeur qui doit tenir ses objectifs et qui met la pression à son réseau, y compris en temps de crise ou de plus faible demande.
Pour y parvenir, les constructeurs vendent ainsi des voitures à leur réseau, qui sont immatriculées par la concession (parfois par des sociétés de location créées spécialement par le concessionnaire pour immatriculer ces véhicules). Le problème, c'est que ces véhicules ne sont pas toujours faciles à vendre. Et lorsqu'ils restent sur les bras du concessionnaire, c'est une perte sèche qui augmente à mesure que les mois passent et que la décote de l'auto s'accroît. Pour éviter ça, les distributeurs doivent redoubler d'inventivité (journées portes ouvertes, offres promotionnelles...) et... casser les prix. C'est là que la rentabilité du concessionnaire est mise en jeu.
Phénomène rare ou plutôt répandu ?
L'immatriculation tactique est, chez certains constructeurs, un levier qui s'actionne malheureusement un peu trop souvent et facilement. Certains mois, il suffit de voir les chiffres de ventes du marché français pour constater une part très importante des immatriculations tactiques, pouvant atteindre facilement les 15 à 20 %.
En clair, un cinquième du marché automobile de véhicule neuf en France est "artificiel" au moment T. Evidemment, ces voitures seront bien vendues tôt ou tard, ce n'est donc pas des véhicules fantômes, mais cela nous rappelle qu'il ne faut pas se fier aux chiffres que communiquent les marques sur un seul mois, mais plutôt les prendre sur une année complète pour se faire une meilleure idée.
En général, plus les immatriculations tactiques sont élevées, plus la crise du marché automobile est grande. Les deux sont liés et cela fait de ces "ventes" un indicateur assez fiable, avec le taux de vente aux particuliers, qui permet également de voir si une marque n'écoule pas trop de véhicules à des sociétés de location ou à des institutions, comme ce fut le cas par exemple au lancement de la Peugeot e-208, qui remporta un gros contrat avec Engie.
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