Macron - Le Pen: quelles propositions en matière automobile?
A quelques jours du deuxième tour de la présidentielle, Caradisiac examine de façon détaillée les programmes des deux finalistes.
Instrument incontournable de notre vie quotidienne, l’automobile figure en bonne place dans les programmes des candidats à la présidentielle. A travers nos chères voitures, on peut en effet aborder les thèmes de la politique de transport, de l’aménagement du territoire, de la transition écologique, de la sécurité routière, de l’emploi ou bien encore du savoir-faire industriel tricolore.
Et si des convergences entre le Président sortant et sa concurrente existent forcément, les différences sont suffisamment nombreuses pour que nous nous attardions sur celles-ci.
Le premier fait des promesses et doit défendre un bilan, quand la seconde est dans la position, plus confortable, de la prétendante qu’il s’agit de croire sur parole.
Les 80 km/h, sujet politique
On aura beaucoup parlé d’automobile durant le quinquennat Macron. La mesure la plus emblématique reste la mise en place des 80 km/h, laquelle aura été diversement appréciée des Français. Celle-ci a d’abord été imposée, après quoi liberté a été laissée aux départements de la conserver ou de la modifier en fonction de leurs propres considérations sécuritaires, mais aussi probablement politiques.
Reste qu’il apparaît difficile de mesurer l’apport précis desdits 80 km/h dans l’amélioration des statistiques, lesquelles ont été largement tributaires des confinements successifs en 2020 et 2021.
Le bilan de la Sécurité routière fait ainsi état d’une baisse de 8% des tués entre 2017, année de l’élection d’Emmanuel Macron, et 2021 (3 221 morts). C’est certes assez peu, mais cela doit malgré tout être porté au crédit du pouvoir en place.
Ce quinquennat aura aussi été marqué par une répression accrue contre la conduite sans permis (et donc sans assurance), ou la facilitation d’installation d’un éthylotest anti-démarrage sur son véhicule pour les conducteurs condamnés pour alcoolémie excessive.
En revanche, la lutte contre la drogue au volant peine encore à convaincre, tandis que le flou artistique qui encadre une mesure comme l’installation de pneus hiver « obligatoires-mais-pas-vraiment » donne l’impression de pouvoirs publics manquant de clarté dans leurs choix.
Le Pen anti-radars
Dans le même temps, Marine Le Pen semble peu se préoccuper de sécurité routière. Elle s’est ainsi souvent déclarée hostile au permis à points même si, habile, elle s’est bien gardée d’aborder ce thème précis durant la campagne, laissant Eric Zemmour s’en emparer.
En 2014, on se souvient en tout cas que Marine Le Pen militait pour une suppression pure et simple des radars. « Tout les Français savent que les radars ne sont pas là pour empêcher les accidents mais ils sont là pour remplir les caisses de l’Etat, voilà !», lançait-elle alors au micro de RTL, ajoutant qu’il s’agissait d’un « impôt supplémentaire habillé lutte pour sauver des vies. »
Outre le fait qu'il s'agit d'un impôt que ne règlent que ceux qui commettent des excès de vitesse, ce raisonnement apparaît pour le moins démagogique dans la mesure où les pouvoirs publics dépensent plus qu’ils ne perçoivent chaque année en matière de sécurité routière. « En 2019, comme tous les ans, l’effort financier de l’État en faveur de la sécurité routière (3,7 milliards d’euros par an) est plus de quatre fois supérieur aux recettes des radars automatiques (760 M€ en 2019) », détaille le rapport annexé au Projet de loi de finances de l'année 2021
De même, force est de reconnaître que les routes de France sont plus sûres depuis l’instauration du permis à points en 1992, suivie du déploiement des radars automatiques à partir de 2003.
En trente ans, on est passé de 9 000 morts annuels (et encore le chiffre ne concernait-il à l’époque que les tués à 6 jours, quand on compte désormais à 30 jours) à 3 221 « seulement ».
Même si l’amélioration de la sécurité active et passive des voitures joue un rôle dans cette progression, qui peut aujourd’hui raisonnablement imaginer un tel retour en arrière? Et QUI assumerait aujourd’hui de procéder à un démontage des radars ? Personne, évidemment.
Soit Marine Le Pen ment sur ses intentions réelles en matière de sécurité routière, soit elle est en dehors de la réalité. Dans les deux cas c’est inquiétant.
Zones à Forte Exclusion
Il est en revanche un thème où la candidate du Rassemblement national semble mieux « sentir » l’électorat populaire que son adversaire, à savoir celui des fractures nées de la transition écologique en cours.
Elle se dit ainsi opposée à la mise en place des Zones à Faibles Emissions (ZFE), qui en se multipliant vont progressivement priver d’accès aux centres-villes les véhicules anciens, plus polluants.
Elle qualifie ainsi d’ « infâmie » l’interdiction des voitures diesel ou trop âgées dans les grandes villes. Difficile de lui donner entièrement tort, d’autant que le récent « succès » électoral d’Anne Hidalgo, chantre des ZFE, montre à quel point le sujet irrite.
En misant sur la « France du diesel », qui est aussi en partie celle des gilets jaunes, Marine Le Pen se pose ainsi en défenseur du peuple, ce qui est porteur politiquement quand on vise un électorat plus inquiet de ses fins de mois que de la fin du monde.
Dans cet esprit, la candidate fait miroiter un prêt allant jusqu’à 1 000 € pour passer sa voiture au bioéthanol E85, carburant moins onéreux grâce à une taxation allégée (pour combien de temps ?). Elle dit aussi vouloir baisser la TVA à de 20 à 5,5% sur l’électricité (cela concerne donc aussi l’électricité alimentant les voitures zéro émission), et « supprimer » les taxes sur le carburant. Demain on rase gratis ! Problème, cette dernière mesure serait très coûteuse et irait à l’encontre de l’objectif à long terme qui est de s’affranchir des énergies fossiles.
Macron pro-électrons
En face, Emmanuel Macron, partisan de l’électrification du parc automobile, propose notamment une formule de « leasing social » dont l’objectif est de proposer, dès 2023, un parc de 100 000 voitures électriques à moins de 100 euros par mois après prise en charge de la différence par l’Etat.
On passerait ainsi de la possession à l’usage, et l’idée est de permettre l’accès à des véhicules propres tout en protégeant le pouvoir d’achat, ce qui est louable…mais encore un peu abstrait.
Un budget de 50 millions d’euros serait débloqué dès 2023, avec l’ambition de privilégier autant que possible des voitures made in France (Renault Zoé, par exemple ?). Un moyen de soutenir l’industrie auto tricolore, qui en a besoin.
Outre les infrastructures et le leasing évoqués plus haut, il est notamment question de favoriser le rétrofit électrique et de conserver le bonus à l’achat aussi longtemps que possible.
Il faut dire que le gouvernement a fait du soutien à l’industrie auto une priorité, comme en avait attesté le versement de plus de 8 milliards d’euros d’aide à la filière en 2020, au plus fort de la crise sanitaire.
En contrepartie, les constructeurs automobiles s’étaient notamment engagés à favoriser la production industrielle sur le sol français. Et les choses avancent sur ce point, notamment du côté de Renault qui veut fabriquer 9 nouveaux modèles et embaucher 2 500 personnes à l’horizon 2024.
Le but des pouvoirs publics est de parvenir à produire en France quelques 2 millions de véhicules électriques chaque année à l’horizon 2030.
Autoroutes discount: y croire ou pas?
Du côté des infrastructures de transport, Marine Le Pen se montre très clairement en faveur d’une retour des autoroutes dans le giron de l’Etat. « Nous sommes confrontés à une véritable spoliation des Français. Cela permettra de faire baisser de 10 à 15 % le prix des péages, de livrer un milliard et demi d’euros par an au budget de l’Etat et ainsi permettre la mise en œuvre de politiques de réaménagement du territoire. »
Des propos audibles, même si le fait de dénoncer les contrats liant l’Etat aux sociétés concessionnaires représenterait un coût énorme pour la collectivité, de l'ordre de 40 milliards.
Il faut aussi rappeler que les péages, même soumis à la concession, continuent de représenter une sacrée manne pour les pouvoirs publics : sur 10 € dépensés par l’automobiliste, 3,8 € sont des impôts et taxes.
D’autre part, les sociétés concessionnaires, qui paient leurs impôts en France, engagent des sommes élevées pour entretenir au quotidien des ouvrages dont l’Etat reste propriétaire.
Et il n’est pas certain que nos pouvoirs publics surendettés auraient les moyens d’en faire autant, surtout à l’heure où l’électrification suppose d’engager de lourds investissements. N’y a-t-il donc pas plus important que de s’attaquer aux autoroutes ?
De même, l’idée de « multiplier les sorties d’autoroutes » pour revitaliser le territoire, chère à Marine Le Pen, est intéressante mais suppose là encore des dépenses faramineuses. Comment financer des dizaines de travaux d'échangeurs autoroutiers de façon pérenne ? Certainement pas en abaissant le coût des péages.
Génération sans permis
Abordons pour terminer le chapitre du permis de conduire, coûteux sésame qu’Emmanuel Macron propose d'offrir aux les jeunes engagés dans le Service national universel (SNU): « L’idée, si vous êtes engagés au SNU, c’est que l’État, la collectivité vous paient, le code, les heures, le diplôme », a précisé le candidat-Président, ce qui représente un coût d’environ 1 600 €. « L’objectif, ce serait d’avoir plusieurs centaines de milliers de jeunes chaque année qui vont dès le lycée faire la partie obligatoire avant 16 ans. »
Un permis de conduire qui constitue la seule petite tâche dans le parcours sans faute du président-candidat, surdiplômé par ailleurs. Emmanuel Macron n’avait en effet obtenu son carton rose qu’au deuxième passage, un épisode « pas très glorieux » pour reprendre les termes employés par l’intéressé lors d’une récente interview.
Mais il y a peu de chances que Marine Le Pen évoque ce « ratage » macronien lors du grand débat de l’entre-deux tours, programmé le mercredi 20 avril.
La candidate RN, favorable par ailleurs à l'accession au permis de conduire dès 16 ans, avait en effet vu son propre permis annulé en 2014, à la suite d’une accumulation d’excès de vitesse. Comme défense, elle avait expliqué que ces infractions avaient été commises par son chauffeur. Pour quelqu’un qui prétend remettre de l’ordre dans le pays, le fait de ne pouvoir contrôler son propre employé fait un peu…désordre, justement.
D’autant que, comme le relatait L’Opinion en septembre 2020, les comptes bancaires du parti ont depuis été prélevés à de multiples reprises par le Trésor Public.
Motif : des contraventions impayées et au montant majoré, là encore pour cause d’excès de vitesse, pour trois véhicules du parti dont celui qui sert à transporter Mme Le Pen. Dans ces conditions, on comprend mieux son aversion quasi-viscérale pour les radars.
Candidats dans les tours
Derrière le volant, des votants. Les idées de Marine Le Pen en matière automobile peuvent séduire de prime abord. Pour autant, et pour ne citer que celles-ci, ni la suppression des radars, ni l'administration des autoroutes par l'Etat n'apparaissent comme des perspectives viables tant elles seraient coûteuses pour les finances publiques. Sauf à augmenter les impôts de façon délirante, bien sûr.
De plus, un relâchement de la répression résultant de la fin des radars entraînerait immanquablement une hausse de la mortalité routière qui coûterait cher à la collectivité.
Les finances, qui souffriraient beaucoup par ailleurs de l'exonération d'impôt sur le revenu des jeunes de moins de 30 ans promise par le RN, pâtiraient aussi de la baisse de la TVA à 5,5% sur le carburant, mesure qui ne favoriserait pas non plus le mouvement vers l'électrification. Bref, on a du mal à percevoir la cohérence de tels projets, peu crédibles car ruineux.
Par contre, Marine Le Pen fait preuve de flair quand elle s'attaque aux Zones à faibles émissions, qui menacent de priver d'accès aux centre-villes les automobilistes n'ayant pas les moyens de céder aux sirènes de l'électrique.
Et Emmanuel Macron, qui cherche à séduire sur sa gauche dans la dernière ligne droite de la campagne, aurait tout à gagner à contenir ces ferments d'une éventuelle "fracture automobile" qui laisserait sur le bas-côté les automobilistes les moins argentés. L'épisode des gilets jaunes lui aura-t-il servi de leçon?
Pour inéluctable qu'elle soit, l'électrification du parc automobile, qu'Emmanuel Macron accompagne et défend, s'opère dans une certaine dureté. Dureté pour l'industrie, contrainte de se réinventer en profondeur, et dureté pour des automobilistes à qui l'on a beaucoup demandé ces cinq dernières années. Mais c'est aussi le sens de l'histoire.
Reste à savoir si les électeurs tireront le frein à main dimanche prochain ou, confiants malgré tout, conserveront le pied sur l'accélérateur.
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