Non, avant VW, Seat n’a pas produit que des Fiat rebadgées
On croit souvent que Seat n’a été qu’une filiale espagnole de Fiat, sans aucune marge de manœuvre. Or, bien avant sa reprise par VW en 1982 (40 ans déjà !), la marque ibérique a produit des autos bien spécifiques, et parfois des sportives alléchantes.
Voici tout juste 40 ans, en 1982, Seat passe sous contrôle de Volkswagen. Quel ironique retournement ! Explication. Dès l’après-guerre, l’Espagne franquiste cherche à se doter d'une voiture du peuple, et de l’usine pour la construire. Seulement, elle est peu industrialisée et totalement autarcique. Dans de telles conditions, la seule solution consiste à se tourner vers l’étranger et nouer un partenariat avec un constructeur bien établi qui lui fournirait un modèle déjà existant et prêt à être assemblé sous licence.
Rapidement, deux sont sélectionnés : Fiat et… VW ! Finalement, le premier l’emporte et cela aboutit en 1950 à la création de Seat (Sociedad Española de Automóviles de Turismo), propriété d’un organisme public, l’INI (Instituto Nacional de Industria), de 5 banques et de… Fiat. Pourquoi l'italien ? Pour des raisons avant tout pragmatiques.
Déjà, la marque turinoise disposait avant-guerre de sa propre filiale espagnole, et avait déjà noué des liens avec le gouvernement. Ensuite, des raisons logistiques ont joué en sa faveur : par la mer, la liaison Italie-Espagne est très facile. Enfin, outre la proximité linguistiques, Fiat dispose déjà d’une gamme étoffée, au contraire de VW qui ne produit que la Coccinelle.
Cela a été décisif, et a débouché sur la création de Seat, qui produit sa première voiture en 1953, dans son usine de Barcelone, une Fiat 1400 sous licence. Et bien vite, Seat lui offre un moteur 1,5 l, auquel sa jumelle italienne n’a jamais eu droit. Dès 1957, Seat fabrique un clone de la Fiat 600, qui remporte un succès immense : elle met l’Espagne sur roues, jouant un peu dans ce pays le rôle de la Renault 4CV chez nous. La voilà, la voiture tant attendue !
Et Seat de la décliner en 4-portes, variante qui, là encore, n’existera jamais en Italie. On remarquera aussi la Seat 1500, une Fiat 1800 dotée du petit moteur de la 1500, un peu comme chez nous la grande Simca Ariane motorisée par le petit bloc de l’Aronde. Pas très sportif me direz-vous. On y arrive ! En 1968, Seat hérite de la 124. Si Fiat lui confectionne une gamme intéressante, Seat va beaucoup plus loin.
Il a décline en 1430, version plus huppée puis, en 1973, extrait de cette familiale une variante corsée, la Especial /1600. Celle-ci abandonne le 1 438 cm3 culbuté au profit du double arbre Lampredi, en configuration 1 592 cm3 (98 ch). Comme la 124 Special T me rétorqueront les spécialistes, mais la Seat est nettement plus cossue, jouant un peu en Espagne le rôle de la Fiat 125 en Italie.
Elle sera surnommée 1430 FU, ces deux lettres désigant le code usine de sa plateforme. , Rapidement, et au contraire de la Fiat, l'espagnole bénéficie du 1 756 cm3 de la 124 Spider (118 ch). 900 unités seulement de cette évolution 1800 FU (ou FU-10) seront produites car elle est chère. Ce bloc évolue à 1 840 cm3 dans une extraordinaire version FU-11 Replica à 4 carburateurs (135 ch). Fabriquée à 50 exemplaires, elle se rapproche nettement de la version utilisée en rallye. On peut considérer les FU comme les ancêtres des Cupra actuelles.
Alors que la Fiat 124 termine sa carrière en 1974, la Seat continue jusqu’en 1980, et se voit une dernière fois restylée (avec des projecteurs rectangulaires) pour 1976. Cette 124 D, surnommée Pamplona, du nom de la ville où elle est produite, conserve le double-arbre Lampredi en 1,8 l et lui ajoute une déclinaison 1,9 l, cette seconde cylindrée ayant été créée spécifiquement pour l’Espagne (raisons fiscales). Forte de 114 ch (pour 160 Nm), elle équipe la 124 D Especial 2000 qui pointe à 180 km/h et se pose vraie berline sportive, dans la lignée des FU. Elle n’a été produite qu’à 847 unités.
En 1976, et pour la première fois, Seat présente un modèle à la carrosserie entièrement spécifique, issu d’un concept NSU de 1970 : la 1200. Originale, sa robe bicorps et anguleuse arbore un museau en plastique noir, englobant la calandre et les projecteurs, qui lui vaut le surnom de Boca Negra. Techniquement, il s’agit d’une 127 dotée du 1,2 l de la 124. En 1977, la cylindrée grimpe à 1 438 cm3 (77 ch), et cette sympathique petite Sport 1430 sera même vendue en France, avant de terminer sa carrière en 1979.
A cette époque, le torchon brûle entre Fiat et Seat, et ce dernier se retrouve indépendant en 1980. Seulement, il n’a plus une peseta en caisse et se doit de moderniser sa gamme. Il actualise sa Ritmo, qui devient Ronda en 1982, et tente de l’exporter. Cela rend fous les dirigeants de Fiat, car un contrat stipule que Seat ne peut vendre hors d'Espagne un de ses modèles produits sous licence.
Le géant italien poursuit donc Seat pour plagiat. S’ensuit un procès qui est est à Paris, à la FIA, en novembre. L’espagnol y amène une Ronda dont il a peint toutes les pièces spécifiques en jaune. Comme elles sont nombreuses, Seat gagne le procès, et exporte pour la 1ère fois une voiture à l’aide de son propre réseau.
Si Fiat a installé son 2,0 l Lampredi dans la Ritmo, Seat a procédé de même. Ainsi, la Ronda reçoit-elle ce bloc, mais ne se décline qu’en 5-portes. Avec 115 ch, la Ronda Crono 2.0 devient une compacte très rapide, mais pas spécialement sportive car ses trains roulants ne sont pas affûtés comme ceux de l’Abarth 125/130 TC. Mais jamais Fiat n’a proposé de Ritmo à 5 portes aussi puissante !
L’italien a bien développé la gamme de sa 127, qui se décline en Sport depuis 1978. En 1981, la citadine italienne bénéficie d’un gros restylage, qui se retrouve sur sa variante Seat (cela avait été décidé avant 1980). Celle-ci a également droit à une version épicée, en 1983, la Crono. Mais sous le capot, ce n’est pas le 1,3 l 75 ch de sa cousine turinoise que l’on trouve.
A la place trône le 1 438 cm3 de la Boca Negra, développant la même puissance mais plus fort en couple (110 Nm contre 100 Nm). Cette Fura bénéficie même d’une coupe spécifique en rallye, avec une préparation signée… Abarth ! En 1984, sa carrière se termine, Seat ayant présenté l’Ibiza, une Ritmo rhabillée par Giugiaro, industrialisée par Karmann et dotée de… moteurs Fiat à culasse Porsche.
Comme VW a pris le contrôle de Seat en 1982, l’argent afflue et le constructeur espagnol peut entamer une belle renaissance, lente au début, mais qui s’accentuera en 1991 avec la Toledo, techniquement proche de la Golf III. Mais ceci est une autre histoire…
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