Rayton-Fissore Magnum, l'utilitaire transformé en SUV visionnaire
Etabli sur un châssis Iveco, le Rayton-Fissore Magnum entendait moderniser le 4x4 chic au début des années 80. Mais sa ligne trop lisse et sa qualité insuffisante allaient constituer des obstacles infranchissables pour ce tout-terrain.
Contrairement à ce que l’on croit, l’engouement pour les SUV est très ancien. Le sigle est apparu en 1973, dans un catalogue publicitaire Jeep, qui produisait le Wagoneer depuis 1962. Le premier 4x4 de route, au confort de berline, c’est lui et il a rencontré un grand succès. En 1970, le Range Rover lui emboîte le pas en Europe, avec plus de style sinon de luxe. Et là encore, une belle réussite commerciale.
Ensuite, pas grand-chose n’arrive, sauf peut-être le Cherokee, un Wagoneer à deux portes. Pour qui veut acheter un 4x4, à la fois efficace en tout-terrain et utilisable sur route sans y perdre ses oreilles et son dos, il n’y a que ces modèles, mais ils sont chers. En 1976, la marque suisse Monteverdi s'inscrit dans le sillage du Range, avec son chic Safari, basé sur l’International Harvester Scout. Hors de prix, extrêmement gourmand à cause de son V8 américain, et peu voire pas distribué, il se vend très mal.
Sa carrosserie est fabriquée chez un spécialiste italien, Rayton Fissore. Cette firme prend la suite de la société de la carrosserie Fissore, qui a notamment travaillé avec Fiat, mais a fait faillite après la mort, en 1973, du patron fondateur. La fille de celui-ci, Fernanda et son mari, Giulio Malvino, créent Rayton-Fissore, en 1976, développant des carrosseries pour des constructeurs en plus de produire celle du Safari.
Pour palier la mévente de celui-ci, Fernanda et Giulio se disent au début des années 80, qu’ils pourraient investir le marché du 4x4 chic mais avec un modèle moins gourmand et plus évolué que le Monteverdi. Ils approchent Fiat et Iveco pour le leur proposer, mais essuient des refus. Alors, ils décident de le produire eux-mêmes.
Profitant des subsides de l’état italien, désireux de soutenir son industrie, ils procèdent avec pragmatisme. Ils partent du châssis de l’Iveco VM 90, un 4x4 militaire dérivant du fameux utilitaire Daily. Ils en conservent les suspensions, la transmission et certains moteurs. Par-dessus, ils installent une carrosserie moderne dessinée par Tom Tjaarda, auteur des Fiat 124 Spider et De Tomaso Pantera, notamment. Rien que ça ! L’intérieur serait luxueux : cuir, clim, boiseries, vitres électriques.
Le tout donne un 4x4 huppé, présenté fin 1984 sous forme quasi-définitive : le Magnum. Sous le capot, l’offre de moteurs est large : 2,0 l Fiat à compresseur Volumex donné pour 138 ch, et un turbo-diesel 2.4 VM (également utilisé chez Alfa Romeo… et Range Rover) de 110 ch. Le bloc Sofim utilisé chez Fiat rejoindra l'offre peu après. La transmission intégrale permanente comporte un différentiel central autobloquant et une gamme courte, ce qui confère à l’italien de vraies compétences en hors-piste.
Seulement, si elle travestit bien l’encombrement de l’engin (4,57 m de long), la ligne évoque une Fiat Uno géante. Pas exactement glamour… Surtout, le public n’est peut-être pas prêt pour un 4x4 dessiné comme une voiture de tourisme, fluide, discrète et intégrant ses pare-chocs. La clientèle adore montrer qu'elle roule en 4x4, plébiscitant alors les pare-buffles, les marchepieds et les élargisseurs d’aile ! A contrario, le Magnum donne l'impression d'avoir honte d'être un tout-terrain.
Conséquence, même si, à l’époque, grâce au rallye Paris-Dakar, il y a en Europe un fort engouement pour les 4x4, synonymes d’évasion et de loisirs, l’étrange Magnum est fraichement accueilli. Ses dessous rustres alliés à des prix colossaux n’arrangent pas l’affaire : en France, il est commercialisé par Auverland, à partir de 283 254 F en 1987, soit 83 000 € actuels, en turbo-diesel. Enfin, à bord, on retrouve trop d’éléments issus de l’Iveco Daily (levier de vitesses, pédales), et l’assemblage demeure approximatif.
Pourtant, atteignant 150 km/h sans être un gouffre à gasoil, le Magnum a des arguments. Par ailleurs, en haut de gamme, il reçoit finalement le V6 2,5 l à injection (160 ch) de l’Alfetta GTV6, une mécanique belle et noble, sinon économique. Toutefois, les ventes stagnent. Par bonheur, l’état italien en commande 1 500 notamment pour les Carabinieri, équipés du turbo-diesel VM. Sauvé ! En 1988, des 6-en-ligne BMW s’installent sous le capot du Magnum, en vain. L’importation cesse en France en 1989, mais Malvino a un autre objectif : les USA.
Restylé puis adapté dans l’usine de Pininfarina, le Magnum débarque chez l’Oncle Sam sous la marque Laforza, qui y importe déjà les Lamborghini. Mécaniquement, il reçoit de gros V8 Ford (dont un développant 320 ch grâce à un compresseur), et se voit réaménagé sur place. Plaisant à une petite clientèle fortunée détestant avoir la même voiture que le voisin, il parviendra à vivoter ainsi outre-Atlantique jusqu’en 2003, non sans avoir été modernisé en 1998 !
En Europe, Rayton-Fissore connaît bien des vicissitudes (faillite, rachat final par l’importateur américain en 2000), Malvino est impliqué dans des scandales financiers, non sans avoir essayé de relancer Isotta-Fraschini... Le Magnum s'arrête en 1998 en Italie.
En tout, le Magnum a été produit à près de 6 000 unités, ce qui reste peu en près de vingt ans, mais assez estimable pour une firme artisanale. L'idée était intéressante mais prématurée. Il faudra attendre 2005 pour voir revenir un 4x4 dessiné comme une voiture de tourisme, qui rencontrera, lui, un grand succès : l’Audi Q7. Le Nissan Qashqai le suivra, dans une gamme inférieure, en 2007, puis fera un tabac. Ajourd'hui les SUV sont devenus incontournables...
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