Route de nuit - Non, Citroën n'a jamais produit de voiture révolutionnaire !
Grâce à leur haute technicité, certaines Citroën ont été qualifiées de révolutionnaires. Or, elles n’ont rien révolutionné du tout, ce qui n’enlève évidemment rien à leur qualités exceptionnelles…
Cela a commencé en 1934 avec la 7 CV, dite Traction. Avec sa carrosserie monocoque et ses roues avant motrices, elle a conféré à Citroën l’image d’un constructeur avant-gardiste. A raison, puisque ces solutions techniques ont ensuite été appliquées par nombre de constructeurs.
Mais révolutionnaire ? En fait, comme nous l’avons vu voici quelques semaines, Lancia a, le premier, produit en grande série de voitures monocoques, à commencer par la Lambda, en 1922. Celle-ci poussait très loin la modernité avec son moteur à arbre à cames en tête (technologie à laquelle Citroën ne viendra qu’en 1970).
Les innovations de la Lambda ont été reprises de façon quasi-universelle (à commencer par la Traction) et modifié en profondeur la façon dont on produit les voitures. Car une révolution, c’est ça : une avancée majeure qui remet en question la façon dont on considère les choses et entraîne des modifications profondes.
Or, la Traction n’a pas tellement incité les concurrents de Citroën à changer leur façon de faire. D’ailleurs, le double chevron lui-même n’est revenu à la structure monocoque qu’en 1970 !
Elle n’a même pas été la première auto de série à roues avant motrices : la Cord L-29 (1929), la DKW F1 (1931) et l’Audi Front (1932), notamment, l’ont devancée. Sans oublier la Tracta de 1927, mais elle n’a été produite qu’au compte-goutte. Cela dit, la Traction est la première à combiner… traction et monocoque en grande série.
La 2CV ? Même topo. Aussi brillante fut-elle, cette petite auto, apparue en 1948, n’a inspiré, et encore de loin, qu’un seul rival de Citroën : Renault, avec la 4L. Cette dernière recycle plus l’esprit de la 2CV qu’autre chose, car techniquement, elle ne lui doit rien. C’est plutôt la création de Billancourt qui a été copiée par à peu près par tout le monde, du moins un de ses éléments : le circuit de refroidissement scellé.
Là, je vais m’en prendre à une voiture que j’adore. Qui me fascine. Et dont j’ai toujours envie de m’offrir un exemplaire : la DS, lancée en 1955. Suspension hydropneumatique, freins assistés hydrauliquement comme la direction et le changement de rapport, carrosserie aérodynamique, quatre roues indépendantes…
Elle a certes bouleversé la notion de rapport confort/tenue de route, mais n’a pas du tout été suivie, à un détail près. Ses freins avant à disques, qu’elle a inaugurés en grande série (même si une obscure mini-voiture américaine, la Crossley Hotshot, en disposait déjà la fin des années 40) ont fait école.
On a tout de même retrouvé des éléments de sa suspension sur la Rolls-Royce Silver Shadow dès 1965 et chez Mercedes en 1975 (450 SEL 6.9). Mais ça s’arrête là.
On a aussi usé du qualificatif révolutionnaire pour la GS de 1970. Effectivement, elle surclassait totalement la concurrence par son rapport confort/tenue de route, ainsi que son aérodynamique. Mais sa carrosserie ressemble énormément au concept Pininfarina Berlina Aerodinamica 1100 de 1968. La GS, une auto remarquable précisons-le, n’inspirera que… la CX. La concurrence a, là encore, préféré s’en tenir à ses petites habitudes.
Pourquoi les solutions Citroën n’ont-elles pas été suivies ? Parce qu’elles étaient trop complexes à produire, donc peu rentables. Elles ont d’ailleurs valu au constructeur d’être racheté par Peugeot après avoir frôlé plusieurs fois la banqueroute totale.
Dante Giacosa, directeur des études de Fiat, a bien étudié la suspension hydropneumatique. Il en a conclu que son prix de revient était inacceptable. Car Giacosa raisonnait beaucoup en termes de coûts, pour offrir au client des modèles modernes mais aussi fiables et abordables.
Lui a réellement conçu une auto révolutionnaire, de celles qui ont inspiré toute la concurrence : l’Autobianchi Primula. En effet, elle a inauguré un principe encore en vigueur dans la quasi-totalité des tractions actuelles : le moteur transversal refroidi par eau au bout du vilebrequin duquel est fixée la boîte de vitesses. Une solution simple, peu encombrante, bon marché et fiable, à laquelle il réfléchissait depuis 1947. En outre, avec son hayon et sa banquette rabattable, la Primula posait les bases des compactes modernes. Dès 1964 ! La Simca 1100 a repris ces idées en les agrémentant d’une suspension arrière indépendante en 1967.
En 1969, la Fiat 128 raffinait la formule en l’associant à des jambes McPherson avant et un arbre à cames en tête. Enorme succès, elle a directement inspiré la VW Golf ! 53 ans plus tard, son ensemble technique équipe la totalité des autos thermiques des segments B et C (c’est dire aussi le conformisme de l’industrie automobile).
Mais Giacosa n’aurait pas été autorisé à développer ces autos sans la Mini de 1959, celle qui a décoincé les dirigeants de Fiat au sujet de la traction. Première au monde doté d’un moteur transversal refroidi par eau, l’anglaise est un jalon absolu dans la production auto car son architecture a fait école, même si elle était techniquement trop complexe.
Les autos révolutionnaires, on en trouve aussi aux Etats-Unis. La Ford T de 1907 par exemple, joue un rôle crucial dans l’Histoire. Pourquoi ? Par sa méthode de fabrication, en très grande série, qui a drastiquement abaissé les coûts de production, au point de faire de la voiture un objet courant. Inimaginable avant elle !
Dernièrement, c’est la Tesla Model S qui a totalement chamboulé l’industrie automobile. Elle a démontré qu’une berline électrique était non seulement très utilisable, grâce à son autonomie inédite, mais aussi ultra-performante et très agréable à conduire.
A tel point qu’elle a incité bien des pays à précipiter l’électrification des voitures par des législations contraignantes, en plus ringardiser et de dominer commercialement les références thermiques de son segment. Peut-être la plus importante révolution de l’Histoire automobile après la Ford T.
Toujours aux USA, la Jeep Wagoneer, en 1962, a montré qu’un 4x4 pouvait offrir suffisamment de confort, de luxe et de performances pour être utilisé de façon touristique. Le SUV était né ! Aujourd’hui, la clientèle ne jure pratiquement que par ces véhicules surélevés.
Et Citroën ? Malheureusement, la marque est totalement entrée dans le rang techniquement mais en plus, donc ne retient absolument rien de ses innovations passées, si ce n’est une vague inspiration marketing…
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