Sables-d'Or-Les-Pins : une utopie des vacances automobiles
C'est une station balnéaire bretonne construite de toutes pièces dans les années vingt par deux entrepreneurs utopistes qui misaient sur le développement de l'automobile et son importance au moment des vacances. Mais la crise de 1929 aura eu raison de leur vision. Aujourd'hui, elle a le charme des lieux désuets.
Les avenues sont larges. Elles mènent à des rues tracées à l’américaine. Partout, de somptueuses villas entourées de pelouses bordent ces travées rectilignes. Mais quelque chose cloche dans ce paysage idyllique, comme si le temps s’était arrêté dans ce coin des Côtes d’Armor, à Sables-d’or-Les-Pins. Un temps figé depuis longtemps, depuis 1929, exactement. Évidemment, la station balnéaire continue d’exister, visitée par quelques touristes en été, quelques familles le dimanche, quelques enfants qui font la queue devant le glacier. Mais le faste s’en est allé.
La station balnéaire de l'automobile
Pourtant, Sables d’Or était née sous cette étoile, et dans l’imagination de ses créateurs, elle devait devenir la nouvelle Deauville, la Biarritz du futur, grâce à une machine dans l’air du temps qui avait su séduire les riches des années 20 : l’automobile. Leur concevoir une station balnéaire rien que pour eux, voilà l’idée de deux entrepreneurs de la région : Roland Brouard et Bernard Launay.
Ils sont promoteurs immobiliers à Saint Malo et recherchent des terres en bord de mer pour y construire leur utopie. C’est le comte de Courville qui va faire jaillir leur idée du sable. L’aristocrate est propriétaire de 100 hectares de dunes, dont il ne sait que faire, du côté de Fréhel et d’Erquy. L’affaire est faite. Mais il n’y a pas la moindre route pour s’y rendre.
Pas grave. Brouard et Launay vont la tracer à travers la corniche. C’est une simple piste caillouteuse ? Pas grave non plus. Derrière les dunes, un magnifique goudron attend les premiers touristes motorisés. Et ils peuvent garer leurs torpédos devant le Camping House. C’est un motel à l’américaine comme la France n’en connaît pas.
Rapidement, le succès vient combler les fondateurs. Cinq hôtels sont construits, puis 10 et vingt villas sont mises en chantier puis 100, en suivant toujours la même philosophie : la voiture doit pouvoir se garer au pied des constructions. En 1926, un salon de l’auto est même organisé dans la station et, clou du spectacle, l’autochenille Citroën, qui vient d’achever son périple africain effectue une démonstration dans les dunes de Sable d’Or.
La station balnéaire dédiée à l’automobile fait une concession au rail et une gare va être construite pour tous ceux qui ne roulent pas carrosse. Mais les années fastes vont connaître un arrêt brutal : la crise de 1929 stoppe net les ambitions de la station. Les rues se vident de leurs autos, certaines villas ne sont même pas achevées et parfois ne le seront jamais. La société foncière de Bretagne et de Normandie, promotrice de l’ensemble, est mise en faillite. Roland Brouard, ruiné, meurt quelques années après. Et quand les Allemands occupent la France, ils transforment Sables d’Or en camp retranché, interdite aux civils.
Dans les années 50, la station est reconstruite et les hôtels réouvrent leurs portes. Mais l’automobile s’est démocratisée et Sables d’Or a perdu sa spécificité. Au moment ou des villes se construisent selon la même idée, de Port Grimaud qui permet d’amarrer son bateau devant chez soi, à Vendée Air Park ou l’on peut garer son avion près de son pavillon, Sables d’Or s’endort et devient une station balnéaire comme les autres, et un peu plus désuète que les autres.
C’est peut-être ce charme suranné qui a intrigué, et intéressé, Étienne Daho, qui s’y est établi. Avec ses premiers gros cachets, le chanteur s’est offert l’une de ces villas des années 20, près de la mer et accessible en voiture. Le week-end venu, non loin de là, les enfants font toujours la queue chez le glacier, même s’ils sont moins nombreux qu’avant.
Peut-être qu’en empruntant la route de la corniche, aujourd’hui goudronnée, ont-ils écouté dans la voiture de leurs parents, la chanson de Daho Tombé pour la France, ou le chanteur fredonne « Je crois bien que je ferais n'importe quoi, pour te voir, cinq minutes encore à Sables d'or près des dunes. »
Photos (7)
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération