Salmson 2300S, celle qui aurait pu devenir l’Alfa Romeo française
Nanti d’un performant moteur double arbre et de belles performances, ce coupé made in France avait tout pour défier les productions milanaises, très à la mode au creux des années 50. Mais les fées ont eu un tour de rein avant de pouvoir se pencher sur son berceau…
Au firmament dans les années 30, l’industrie française des voitures de sport n’a absolument pas su se relancer en après-guerre. Pourtant, les efforts ont été louables, à commencer par ceux de Salmson. Cette firme française a d’abord produit des avions avant de venir à l’automobile en 1919. Par le biais du sport, en proposant dès 1921 des moteurs à double arbre à cames en tête, à une époque où les soupapes latérales étaient la norme. Au tournant des années 30, la marque se tourne vers des modèles plus bourgeois, sans tellement de succès, à cause de prix trop élevés.
En 1951, Salmson dépose le bilan mais heureusement, elle est reprise par Bernard Moteurs en 1952. Là, on comprend que la voiture de sport est en vogue, surtout à l’export, et on lance la conception d’un coupé qui sort au salon de Paris 1953 : la 2300S. D’une cylindrée de 2,3 l, comme le suggère l’appellation, son 4-cylindres tout en alliage, ultramoderne, se coiffe d’une culasse à deux arbres à cames en tête, et développe 105 ch. A l’époque, c’est une puissance très respectable et un rendement qui l’est encore plus !
Doté par ailleurs d’une boîte semi-automatique Cotal, le coupé 2300S frôle les 180 km/h, ce qui le place largement au niveau des Jaguar et Maserati par exemple. André Costa, de l’Auto-Journal, loue aussi ses qualités dynamiques. Logiquement, la Salmson est engagée en compétition, où elle remporte la coupe des Alpes 1954. Là, on se demande ce qui va empêcher cette auto à la mécanique brillante de connaître le succès commercial.
Plusieurs choses en réalité. Outre une esthétique pas totalement réussie en raison d’un pavillon bulbeux (ce qui n’est en soi pas irrémédiable), la Salmson 2300S souffre de méthodes de conception et de production dépassées. Elle reprend le châssis séparé de la berline Randonnée, en le raccourcissant, et se contente d’une suspension arrière à lames alliée à un essieu rigide. Si la direction recourt à une moderne crémaillère, l’ensemble apparaît hétérogène, et le volant continue de s’implanter à droite, selon la tradition des constructeurs français de haut de gamme… avant-guerre !
Par comparaison, l’Alfa Romeo 1900, sortie en 1950, disposait déjà d’une structure monocoque. De surcroit, la position de conduite de la française est mal étudiée, la finition un peu légère et surtout, le prix franchement excessif : 1 950 000 F, soit 47 500 € actuels. La faute à des méthodes de production archaïques. Manquant de séduction à l’export et trop chère pour une France pas encore remise de la guerre, la Salmson ne se vend pas.
Le constructeur modifie la carrosserie (produite par Esclassan puis Chapron), développe même un cabriolet – encore plus onéreux –, mais rien n’y fait. Le prix grimpe encore, atteignant 2 320 000 F (trois fois celui de la Peugeot 403) en 1957, année où la 2300S est retirée, produite à 227 unités à peine. Il aura manqué à la marque, déjà exsangue au lancement de sa sportive, un outil industriel moderne.
Salmson, comme bien d’autres, a payé dans les années 50 son relatif immobilisme des années 30 et un manque d’investissements que le gouvernement français, plus soucieux de voir les constructeurs faire du volume que de l’exception, n’a pas aidé à compenser une fois les hostilités terminées.
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