Scoop : à la Sécurité routière, ils ont aussi parfois de bonnes idées !
La mise en place des 80 km/h occupe une telle surface médiatique que d’autres mesures intéressantes annoncées récemment par les autorités passent totalement inaperçues. Il en va ainsi de la conduite sans assurance ou de l’interminable période probatoire imposée aux jeunes permis. Et ce n’est pas tout…
Hôtel de Matignon, 9 janvier 2018. Edouard Philippe, Premier ministre, officialise la mise en place de la limitation à 80 km/h sur les routes du réseau secondaire à partir du 1er juillet. Et dans la foulée, annonce une série de mesures destinées à améliorer la sécurité routière…qui passeront toutes inaperçues, à la fois parce que leur mise en œuvre n’est alors pas datée avec précision et parce que la levée de boucliers autour des 80 km/h occupera d’emblée tout le terrain médiatique, et continue de le faire.
C’est ainsi que la plupart d’entre nous passera à côté de deux annonces faites par la sécurité routière les 26 juillet et le 23 août, lesquelles vont clairement dans le bon sens sans avoir besoin de frapper les Français au portefeuille.
La première concerne la conduite sans assurance, fléau qui selon les estimations du Fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO), organisme de droit privé fonctionnant sous la tutelle du Ministère des finances, concerne entre 370 000 et 750 000 voitures qui circuleraient sans la couverture obligatoire, soit 1 à 2% du parc total. « La fourchette que nous donnons est large, mais elle est certaine », assurait il y a quelques mois à Caradisiac un représentant du FGAO.
En 2015 (derniers chiffres connus), l'organisme avait traité 28 435 dossiers d’accidents sans assurance routière, soit une moyenne de 78 sinistres quotidiens. Ce chiffre traduisait une augmentation de 40,2% depuis 2009. De son côté, l’Intérieur précise que 235 personnes ont trouvé la mort dans un accident impliquant un véhicule non assuré en 2016, ce qui représente 7% de la mortalité routière.
La conduite sans assurance, c’est bientôt fini (ou presque)
Il y a donc urgence à agir, ce que s’apprêtent à faire les pouvoirs publics avec la création du fichier des véhicules assurés (FVA) destiné à lutter contre la conduite sans assurance. Concrètement, il s’agit de faciliter le travail des forces de l’ordre en regroupant l’immatriculation, le nom de l'assureur et le numéro de contrat d’assurance correspondant, avec bien sûr ses dates de validité. Ces données seront accessibles aux représentants de la loi à partir du 1 janvier 2019, et il sera alors nettement plus facile de vérifier que tel ou tel véhicule contrôlé au bord de la route est bien assuré. De plus, on se dirige à terme vers une automatisation de ces contrôles via les systèmes de lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI).
Les contrevenants doivent avoir à l’esprit qu’ils s’exposent à des risques financiers et judiciaires. En effet, si le FGAO règle aux victimes les conséquences judiciaires d’un accident, il se retourne ensuite vers le conducteur fautif non assuré, avec à la clé des remboursements au montant élevé qui pourront durer des années, voire une vie entière.
On note au passage que la conduite sans assurance concerne aussi bien des automobilistes qui omettent tout simplement de souscrire un contrat que des automobilistes circulant sans permis (600 000 personnes en France, d’après la Sécurité routière qui estime que la tendance est plutôt à la hausse). « La conduite sans permis concerne des automobilistes comme vous et moi », plaide Me Caroline Tichit, avocate spécialiste en droit routier bien connue des lecteurs de Caradisiac, et qui a défendu plusieurs cas de ce type. « Ce ne sont pas forcément des délinquants au départ, il peut s'agir de gens qui ont perdu leur permis pour diverses raisons ou de gens qui ne l’ont jamais eu mais choisissent de rouler quand même.»
Pour mémoire, si le fait de circuler sans assurance est passible d’une amende forfaitaire de 500 € lors de la première constatation de l’infraction, la sanction peut grimper à 3 750 euros. Un juge peut aussi demander l’immobilisation ou la confiscation du véhicule, la suspension ou l’annulation du permis de conduite, et une condamnation à une peine d’intérêt général. On peut certes regretter que les autorités aient tant tardé pour s'attaquer au phénomène, mais aussi se réjouir qu’elles utilisent enfin des moyens de dissuasion dignes de ce nom.
Jeunes permis : une période probatoire raccourcie
La Sécurité routière a aussi créé la surprise en annonçant fin août la possibilité pour les titulaires d’un premier permis (auto ou moto) de réduire le délai probatoire de 3 à 2 ans (et de 2 à 1 an pour ceux qui ont suivi un cursus de conduite accompagnée).
Pour ce faire, il suffit de se porter volontaire pour une journée de formation collective d’une durée de 7 heures, effectuée entre le 6 et le 12 mois suivant l’obtention de son permis (A1, A2, B1 ou B). « Ni avant, ni après », précisent les autorités, qui s’inspirent ici de l’expérience d’autres pays de l’Union européenne, comme le Luxembourg, la Finlande et l’Autriche, où les formules de ce type ont prouvé leur efficacité. Précision utile : ne seront acceptés que les jeunes n’ayant commis aucune infraction durant leurs six premiers mois de conduite, l’objectif étant de susciter chez eux, d’après les termes employés par les pouvoirs publics, « un processus de réflexion sur leurs comportements au volant et leur perception des risques au moment où ils acquièrent davantage d’assurance. » Retenez au passage qu’un quart des accidents ayant entraîné des blessures ou la mort impliquent des jeunes permis.
Au terme de cette journée de stage organisée dans une auto-école agréée, les conducteurs novices verront leur période probatoire réduite de 3 à 2 ans (permis B traditionnel), ou de 2 à 1 an pour ceux qui auront suivi le cursus de conduite accompagnée.
Si la démarche est globalement bien accueillie, certains professionnels la jugent incomplète, à l’image de Karl Auzou, patron de la société Good Angel, start-up qui commercialise un éthylotest connecté permettant une prise en charge des automobilistes ayant trop bu 24h/24 : « aussi louable soit-elle, une simple réunion basée sur des discours et des échanges ne saurait être perçue que comme un moyen de réduire sa période probatoire et en limite ainsi son efficacité. Un réel dispositif de post-formation doit aller plus loin et permettre à l’usager de gagner davantage qu’une simple réduction de permis probatoire. » Patrice Bessonne, Président de la branche auto-écoles du CNPA (Conseil National des Professions de l’automobile), se veut rassurant sur ce point : « Pour nous, ce serait une erreur si cette formation n’était que théorique. On attend encore les décrets d’application, mais il est effectivement question qu’il y ait une partie pratique, dans une voiture ou sur simulateur. Un bon comportement se mesure et se crée par rapport à la pratique, donc il faut que la mesure aille dans ce sens. » Cette formation sera mise en place à compter du 1 janvier 2019, et les professionnels s’attendent à ce qu’elle rencontre un succès important, malgré un prix qui tournerait autour d’une centaine d’euros.
Vers un « super-permis » ?
Puisque l’heure est à la « pensée positive », revenons enfin sur d’autres bonnes idées contenues dans les mesures présentées en janvier par l’exécutif, mais dont les modalités d’application restent toutefois imprécises On citera par exemple cette intention de valoriser les bons comportements en octroyant une bonification de points ou de retrait avec sursis en cas d’infraction légère pour les conducteurs disposant de 12 points de permis depuis « un certain temps » (là encore, une notion qui reste floue hélas). Même si, par définition, les conducteurs concernés sont aussi ceux qui ont le moins besoin de cette mesure, un peu de « calinothérapie » ne fait pas de mal…
Dans un autre registre, les conducteurs frappés par une suspension de permis après un gros excès de vitesse pourraient continuer à conduire s’ils dotaient - à leurs frais - leur véhicule d'un « mouchard » électronique de vitesse. Cette tolérance prendrait toutefois fin au moindre écart, même pour 5 km/h… L’application de cette mesure est prévue pour 2021.
Figure aussi au programme une transparence améliorée sur l’état des véhicules d’occasion, avec la mise à disposition gratuite d’un historique des réparations importantes effectuées sur ceux-ci, afin d’éviter que soient remis en circulation des modèles gravement accidentés. Restent encore à connaître les modalités d’application de cette mesure - qui fournit les infos, et par quel moyen ? - qui devait pourtant entrer en vigueur dès cette année…
L’alcool aussi
Les autorités s’attaquent aussi à l’alcool au volant, avec la possibilité d’installer un éthylotest anti-démarrage sur son véhicule : les automobilistes contrôlés à plus de 0,8 g/l et dont le permis aura été suspendu pourront continuer à conduire à la condition qu'ils dotent leur véhicule d'un EAD. Cette mesure suscite toutefois la polémique auprès de nombreux professionnels, qui souhaitent au contraire que les conducteurs circulant au-delà du seuil délictuel soient frappés d’une sanction exemplaire, à commencer par la mise en fourrière immédiate de leur véhicule (d’ailleurs envisagée par les autorités). Toujours à ce chapitre, les pouvoirs publics réfléchissent à la possibilité que les applications communautaires type Waze cessent de répercuter la présence de forces de l’ordre procédant à des contrôles d’alcoolémie ou d'usage de stupéfiants au volant.
Parmi les fléaux de la conduite, on citera enfin le téléphone. Dès 2019, il est ainsi question de retenir le permis d’un conducteur ayant commis une infraction grave alors qu'il tenait un combiné en main. Si cette faute reste difficile à caractériser car basée sur la seule interprétation des forces de l'ordre, tout ce qui peut contribuer à calmer les « téléphonistes » va dans le bon sens.
Après le bâton des 80 km/h, la carotte des mesures évoquées plus haut suffira-t-elle à tempérer la grogne des automobilistes? Il est bien sûr permis d'en douter, alors même que se multiplient les actes de vandalisme de radars, conséquence directe du nombre de flashs qui a triplé dans certaines régions au mois de juillet. Mais en cette période de rentrée, Caradisiac voulait démarrer du bon pied en considérant la politique de sécurité routière sous un jour plus positif. Au moins, personne ne pourra nous accuser de mettre de l'huile sur le flash...
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération