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Stellantis dans le piège du low cost

Dans Economie / Politique / Industrie

Jean Savary

Après le calamiteux moteur PureTech et sa courroie cuite à l’huile voici l’airbag meurtrier des Citroën et son rappel au rabais. Mais Carlos Tavares maintient le cap : low cost à tous les étages.

Stellantis dans le piège du low cost

Ce billet, je l’ai déjà écrit ici, et , à propos du Renault de Carlos Ghosn, ou comment son obsession de la réduction des coûts avait ravagé la réputation de la marque, comment de petites économies avaient failli ruiner l’entreprise.

Avant de devenir PDG de Renault en 2005, le plus célèbre des cost-killers avait bien travaillé : six mois de mise au point économisés avant le lancement de la Laguna 2, une forte pression à la baisse sur les achats aux fournisseurs, des conceptions au rabais comme la courroie en W des moteurs dCi, un SAV dressé à refuser les prises en garanties, bref d’innombrables économies de petits ruisseaux qui firent les grandes rivières de cash.

Le résultat de la politique de Carlos Ghosn chez Renault est bien documenté : d’abord le redressement spectaculaire des finances puis l’échec cuisant de la Laguna, la ruine de la réputation de fiabilité du Losange suivie de l’éclipse de son haut de gamme et pour conclure, une part de marché européenne sévèrement rabotée. Sans Dacia, Renault n’existerait probablement plus en tant que constructeur indépendant.

Avec l’affaire de l’air bag Takata des Citroën, j’ai l’impression de relire la même histoire, mais écrite à l’envers, avec quelques chapitres pas encore rédigés.

Stellantis dans le piège du low cost

Cent millions de voitures rappelées

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Le personnage principal s’appelle lui aussi Carlos (Tavares), a longuement travaillé avec l’autre (Ghosn), mais n’est en rien responsable des avaries des PureTech, ni des déboires des airbags Takata, pas encore en fonction en 2009, quand ils commencent à être montés sur les C3 et DS3. D’ailleurs, à la même époque de nombreux constructeurs les installent eux aussi.

Détail important et rarement mentionné, le premier rappel des airbags Takata par Toyota et Honda intervient en 2008, soit un an plus tôt. Dans l’intervalle, l’équipementier japonais est censé avoir modifié la chimie de son explosif et l’étanchéité de son contenant, mais apparemment, pas efficacement et il faut croire qu’aucun constructeur ne l’a vérifié.

En 2014, le scandale éclate, mais les airbags nippons continuent à garnir les volants et planche de bord des Citroën et d’autres marques jusqu’en juin 2017 où, suite logique, l’entreprise fait une faillite retentissante. Pourtant étrangement, des Citroën continuent à s’en équiper jusqu’en 2018 et 2019 à en croire les millésimes officiellement concernés par le rappel. Erreur de frappe de la date ou bien il y avait du stock sur l’étagère ?

Au bilan, cent millions de voitures ont été et sont rappelées dans le monde, plutôt discrètement, sans faire de vagues. Alors, pourquoi y a-t-il un scandale de l’airbag Citroën ?

Stellantis dans le piège du low cost

Une ligne pas très claire

D’abord parce que le constructeur est dans les derniers à rappeler ses voitures, semblant avoir attendu d’être acculé par les victimes des explosions et leurs familles et la menace d’une action de groupe. Et là, forcément, il faut aller vite.

Vite et bien ne sont pas synonymes. Tout commence par un courrier recommandé intimant de « cesser immédiatement de conduire votre véhicule », un impératif qu’aucun autre constructeur n’avait employé. Et qui est d’autant plus étonnant que les dates d’intervention proposées sont lointaines et les prêts de véhicules de courtoisie bien rares. Jusqu’au moment où l’affaire apparaît dans les JT des grandes chaînes : 60 000 voitures sont alors expédiées chez les concessionnaires.

Plus le détail intrigant : pas de rappel au nord d’une ligne Lyon/ Clermont-Ferrand. Pourquoi cette ligne ne s’étend – elle pas jusqu’à Bordeaux ou Royan ? Du côté de Périgueux est-on au Sud de cette ligne ? Ou complètement à l’Ouest ?

En s’interrogeant sur ce découpage géographique, on découvre que le nitrate d’ammonium se dégrade principalement dans les climats chauds et humides et l’on apprend que dès 2020, Citroën effectuait discrètement le rappel dans les DOM TOM. Sauf à St Pierre et Miquelon, je présume… Autres questions sans réponses : peut-on passer ses vacances à Biarritz ou à Nice si l’on habite les Ardennes ? Peut-on acheter une voiture à Perpignan et la rapatrier à Amiens ?

Au-delà de la radinerie que démontre ce rappel tardif et contraint et sa mise en œuvre au rabais, il y a le timing. Je lis qu’il est désastreux, en pleine campagne de lancement de la nouvelle C3 qui arrive dans les shows room, un vrai sabordage.

Pardon, je suis vilain, mais je ne peux pas m’empêcher de penser qu’au contraire, ce moment a été soigneusement choisi : rien de mieux qu’une campagne de rappel pour générer du trafic en concession et montrer les nouveautés. Et mieux, les faire essayer le temps de changer les coussins gonflables…

Stellantis dans le piège du low cost

Ce qu’il y a de français dans une Peugeot ou une Citroën ?

Toujours à propos de timing, ce qui m’étonne le plus, me stupéfie même, c’est qu’alors que les écrans répétaient en boucle l’affaire des airbags Citroën et le scandale de sa gestion low cost, Carlos Tavares a choisi ce moment pour revendiquer publiquement une politique résolument orientée… low cost. C’était à Détroit, mi-juin, lors d’une conférence de quatre heures devant ses investisseurs où par la voix de son directeur des achats, il a affirmé sa volonté de s’ « approvisionner dans les pays où les coûts sont les plus bas au monde », rappelant que les achats de composants – les airbags au hasard – représentent 85 % du coût d’une voiture contre 10 % pour les usines et 5 % pour la logistique.

Sachant que Stellantis a déjà délocalisé une bonne partie de sa R&D en Inde et au Brésil, pays où l’ingénieur coûte 50 à 70 % moins cher, on peut se demander ce qu’il y a encore de français dans une Peugeot ou une Citroën, ce qu’a d’allemand une Opel, d’italien une Fiat ou d’américain une Jeep.

Le design ?

Admettons que l’on s’en tamponne et que vive la mondialisation (fut-elle malheureuse à Vélisy), je pose dans ce cas deux questions :

1/ Puisque l’on se fiche de la provenance, pourquoi acheter Peugeot, Citroën, Fiat ou Jeep et pas chinois ?

2/ Quelle sécurité et quelle fiabilité peut-on attendre de voitures conçues par des ingénieurs mercenaires et fabriquées avec des composants sélectionnés comme les moins chers possibles ?

Stellantis, le futur Boeing ?

Comment Carlos Tavares peut-il tenir un tel discours « moins disant » alors que son entreprise, au-delà de cette farce d’airbag, est empêtrée dans l’affaire des moteurs pure tech dont la courroie – sans doute moins chère qu’une chaîne - se désintègre dans son bain d’huile ? Lui qui vient de Renault, ne sait-il pas ce qu’ont coûté à la marque les déboires des diesel de Scénic, les bugs électroniques des Laguna, Espace, Vel Satis sans parler du catalogue des autres misères qui ont durablement ruiné l’image et fait fuir le client ?

Quel résultat financier à long terme peut-il attendre de cette politique de conception et d’approvisionnement à bas coût sachant que la simple déficience d’encapsulage d’une capsule d’airbag est en train de lui coûter quasiment un milliard d’euros et des dizaines de milliers de clients furieux ?

Il y a peu, un éminent spécialiste du secteur automobile établissait un cruel parallèle entre les déboires de Boeing et ceux, possiblement à venir, de Stellantis. Les similitudes sont troublantes : obsession du dividende, de la capitalisation boursière, transfert du pouvoir des ingénieurs vers les financiers après une fusion, perte de la culture technique par dégraissage, pression toujours croissante sur les salariés et fournisseurs, raccourcissement des délais de conception, vassalisation des équipementiers…

Il y a peu, la directrice financière de Stellantis se vantait dans les colonnes du Monde d’investir trois fois moins d’argent que ses principaux concurrents pour développer un modèle et d’en dépenser deux fois moins en recherche et développement.

Est-ce de la candeur ou du cynisme ? Veut-elle nous vendre des voitures ou des actions ? Pour les premières, personnellement, je préfère acheter des autos qui coûtent cher à concevoir. Pour les secondes, je me souviens du plongeon de l’action Renault.

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