Talbot-Matra Murena (1980 – 1983), belle gueule mais peu de muscles, dès 8 000 €
Reprenant la formule de la Bagheera, avec son moteur central et ses trois places de front, la Murena n’a pas connu le même succès malgré ses moteurs plus puissants et sa qualité améliorée. Mais elle ne fait pas payer cher son originalité !
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Talbot-Matra Murena est-elle collectionnable ?
Ce coupé incarne à merveille un certain esprit français, débrouillard et original, où l'on fait beaucoup avec peu. Cela donne une sportive différente et novatrice, réunissant des qualités qu'on a peu l'habitude de voir réunies sur ce type d'auto : confort, praticité, mais aussi fiabilité et longévité, sans pour autant coûter très cher. Dernière voiture badgée Matra, la Murena aura, comme la Bagheera, toujours manqué d'un moteur digne de son châssis, mais dans la circulation actuelle, elle procure bien du plaisir.
On a souvent reproché à la Matra Bagheera son manque de puissance, même si cela ne l’a pas empêchée de très bien se vendre. Une excellente sportive de temps de crise ! Aussi, pour sa remplaçante, le constructeur de Romorantin ne change-t-il pas de formule générale. Il conserve la position centrale du moteur, les trois places de front, la carrosserie en plastique et la suspension avant à bras superposés avant alliés à des barres de torsion.
Cela dit, si le châssis reste proche de celui de la Bagheera (malgré un empattement étiré de 6 cm), il profite d’une avancée considérable en se composant d’acier galvanisé. Non seulement, cela permet d’en accroître la rigidité de 45 %, mais en plus, cela le rend quasi insensible à la corrosion, le gros défaut de la Bagheera. En sus, des jambes de force sont installées à l'arrière.
Proche de Peugeot, qui a repris Simca en 1978, Matra compte sur le sochalien pour lui fournir un bloc à la hauteur de ses ambitions. On lorgne en effet sur le 2,2 l Douvrin tout alliage. Seulement, Renault, partenaire du sochalien sur ce 4-cylindres, compte l’installer dans son coupé Fuego et refuse de le voir chez Matra. Ce dernier se rabat donc sur le moteur de la Chrysler 180, moins moderne que le Douvrin mais très solide (il sera utilisé dans la Peugeot 505 Turbo) en le gonflant à 2,2 l. Il utilisera aussi, en entrée de gamme, le 1,6 l culbuté apparu dans la Simca 1309 SX, une évolution du 1,4 l de la Bagheera, tandis que la boîte compte enfin 5 rapports.
Le tout s’emballe d’une carrosserie ultramoderne dessinée notamment par Antoine Volanis (qui travaillera aussi sur l’Espace), nantie d’un excellent Cx de 0.329. La voiture, dénommée Murena, est présentée au salon de Paris 1980. Son look séduit, mais son moteur Simca à arbre à cames latéral moins, surtout qu’il se contente de 92 ch. Problème, le 2,2 l de 118 ch équipant la version supérieure n’est pas commercialisé immédiatement, la faute à des problèmes de louvoiement à haute vitesse. Il faut dire que la Murena 2.2 frôle les 200 km/h !
La 1.6 se contente, si l’on peut dire, de 182 km/h. Elle est facturée 65 900 F en 1981 (27 100 € actuels selon l’Insee), contre 77 500 F (31 900 € actuels selon l’Insee) à la 2.2, qui bénéficie d’un équipement plus complet : vitres électriques, repose-pied pour le passager, très belles jantes en alliage…
Autant d’éléments optionnels sur la 1.6. A titre de comparaison, une Renault Fuego GTX coûte 66 500 F, et une Porsche 924 (125 ch)… 95 000 F ! Correctement placée par ses prix, la Talbot-Matra ne trouve pourtant pas son public. La mode des coupés est en train de passer, sous les coups de boutoirs des compactes sportives, et le manque de puissance demeure sensible. Une telle ligne aurait mérité un moteur réellement affûté ! Le constructeur va partiellement répondre à cette demande, d’abord un étudiant une version 4S dotée d’un double arbre à cames en tête actionnant 16 soupapes. La puissance bondit à 180 ch et la vitesse maxi à 220 km/h, mais Peugeot, pas plus que Matra, n’a les fonds pour mettre au point ce bloc.
Il faudra se contenter du kit proposé en 1982 qui, grâce à un arbre à cames affûté et deux carbus double corps, porte la cavalerie à 142 ch. Malheureusement, il coûte cher (19 500 F) à cause des 25 h de main d’œuvre en concession qu’il exige, et ne séduira qu’une centaine de clients. Pour autant, en avril 1983, la Murena S en reprend l’essentiel, mais c’est trop tard. Les relations entre Matra et Peugeot, qui vient de refuser définitivement son projet de minivan (le futur Espace) sont exécrables et la production de la Murena cesse en juillet.
10 680 autos ont été fabriquées, dont 480 S, ce qui n’est pas ridicule mais insuffisant pour assurer la pérennité du modèle. Ce sera la dernière auto à arborer le badge Matra. La Murena est sortie trop tard dans une Europe délaissant les coupés, et n'a pas eu, comme d'autres, la possibilité de se refaire aux USA.
Combien ça coûte ?
Une belle 1.6 se négocie dès 8 000 €, contre 12 000 € à 2.2. Produite à 480 unités, la S est bien plus onéreuse, ne tombant pas sous les 20 000 €… A condition d’en trouver une. On en a vues dépasser les 30 000 €, et il doit en aller de même pour les véritables « kit 142 ». La cote semble grimper encore.
Quelle version choisir ?
Une belle 2.2 représente un compromis intéressant, grâce à ses performances assez élevées et son prix encore raisonnable.
Les versions collector
Toute Murena en parfait état d’origine est collector. Mais les « kit 142 » et S, de par leur puissance et leur rareté, bien plus encore !
Que surveiller ?
Côté mécanique, la Murena, c’est du costaud. Ni le 1.6 ni le 2.2 ne souffrent de problèmes particuliers, pour peu qu’ils aient été correctement entretenus. Il en va de même pour la boîte de vitesses, bien plus solide que celle de la Bagheera, même s’il faut en surveiller de près la tringlerie. En revanche, la Murena connaît un point faible : les bras de suspension arrière qui pourrissent, surtout ceux de la 1.6. Spécifiques, ceux-ci sont fabriqués d’une façon particulière qui rend leur réparation difficile. Comme ils ne sont plus disponibles en neuf, on peut les remplacer par des éléments de 2.2 en échange standard.
Galvanisé, le châssis ne rouille pas (sauf s’il a été accidenté et mal réparé) au contraire de certains éléments, comme les conduites de liquide de refroidissement. Pour sa part, la peinture vieillit mal, tout comme les revêtements d’habitacle, surtout ceux des sièges, alors que les pépins électriques ne sont pas rares (mais rarement graves). Les pièces spécifiques ne se trouvent pas facilement, mais les clubs s’activent pour faciliter la vie des propriétaires.
Sur la route
Etrangement, le tableau de la Murena respire la banalité. On retrouve des éléments des toutes dernières Bagheera, comme les cadrans, mais le côté ultra-design des premières Bagheera a bel et bien disparu. Dommage ! Heureusement, les sièges prodiguent un grand confort et la position de conduite apparaît convenable, malgré la garde au toit limitée. Le moteur 1,6 l « Poissy » n’a rien de mélodieux, surtout avec cette distribution qui claque (sans gravité), mais souple et bien rempli, il fait le job même si les hauts régimes ne lui plaisent pas. La boîte, agréable à manier et bien étagée, le seconde idéalement, et l’ensemble procure des accélérations relativement vives.
Etonnamment souple, la suspension filtre fort bien les inégalités, mais nuit à la netteté des mises en appui. Qu’on se rassure, la Murena profite d’un comportement routier remarquable d’équilibre, et il faut vraiment faire l’andouille pour sentir la poupe commencer à survirer. Surtout que la direction, légère et précise, autorise un contrôle précis de l’ensemble. Mais on se dit tout de même que ce châssis, affûté et allié à un bloc de 200 ch, donnerait lieu à une auto formidable ! On se console avec les bons freins et l’insonorisation soignée : la Murena 1.6 constitue une voyageuse inattendue, bourrée de caractère et frugale, tant à l’achat qu’à l’entretien et à la consommation, celle-ci s’établissant à 8 l/100 km environ.
L’alternative newtimer
Toyota MR Mk 3 (1999 – 2006)*
Pour sa troisième génération, la Toyota MR change un peu de formule. Si, comme la Matra Murena, elle demeure une sportive à moteur central de grande série, elle se mue en spider (d’où son surnom de MR Spyder, ou MR S), sans négliger le confort. Derrière les passagers trône l’excellent bloc 1ZZ-FE, un 1,8 l à double déphaseur développant quelque 143 ch, qui emmène la japonaise à 220 km/h.
Mieux, pour plus d’efficacité sportive, un différentiel à glissement limité Torsen est même monté en série ! Fin 2002, elle bénéficie d’une mise à jour, touchant aux projecteurs, aux parechocs, à la finition, à la suspension et à la boîte de vitesses, comptant désormais 6 rapports contre 5 précédemment. Une transmission robotisée SMT est même proposée. La MR S est retirée en 2006, sans être remplacée. A partir de 8 000 € en bon état.
Matra Murena 1.6 (1981), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 592 cm3
- Alimentation : carburateur double corps
- Suspension : bras superposés, barres de torsion, barre antiroulis (AV) ; bras obliques, jambes de force, ressorts hélicoïdaux (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, roues arrière motrices
- Puissance : 92 ch à 5 400 tr/min
- Couple : 132 Nm à 3 400 tr/min
- Poids : 1 000 kg
- Vitesse maxi : 182 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 11,8 s (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Talbot-Matra Murena, rendez-vous sur le site de La Centrale.
*Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques.
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