Tintin était-il un danger public?
Amateurs de Tintin, rendez-vous à partir du 5 avril prochain au Musée National de l'Automobile - Collection Schlumpf pour une exposition consacrée aux voitures utilisées par le célèbre reporter au fil de ses aventures. En attendant, Caradisiac revient sur les exploits au volant du héros, qui "ne descend que rarement d’une voiture ou d’une moto qu’il pilote sans avoir eu, au préalable, un accident."
Elément-clé des aventures de Tintin, l’automobile apparaît dès 1930 quand le reporter part au pays des Soviets. D’Alfa Romeo à Zil, elle reviendra très régulièrement au fil des 22 albums qui suivront. Au cœur de l’intrigue ou simple élément de décor, généralement très fidèle à des modèles de série existants, et bien souvent porteuse d’un clin d’œil à la réalité qui mérite parfois un décryptage, lequel avait été fourni à votre serviteur par Michel Demarets, décédé à l’automne 2014, qui fut dessinateur au studio Hergé. Il avait notamment à son actif la plupart des véhicules de L’île noire et de Tintin et les Picaros : "Je suis entré au studio en 1954, après des études de dessin industriel, et j’y ai passé toute ma carrière. Hergé aimait les voitures. Quand j’ai commencé à travailler avec lui, il avait même deux grosses Rover. Il a aussi possédé une Porsche 356, laquelle apparaît dans l’image du rallye à la dernière case de Coke en stock. Hergé se réservait le dessin des personnages, et tout particulièrement Tintin et Milou, mais pour le reste nous étions une équipe, notamment composée de Jacques Martin (Alix), Bob De Moor (Barelli) ou Roger Leloup (Yoko Tsuno) et nous nous répartissions le travail selon nos goûts et nos disponibilités. Pour les véhicules, j’ai surtout œuvré dans la version retravaillée de L’Ile noire, avec notamment la Jaguar, la Triumph Herald et la Morris, ainsi que dans les Picaros. Il n’y avait pas de règle préétablie pour le choix des véhicules, nous choisissions souvent au gré de nos envies, en fonction des documents et dépliants dont nous disposions. Mais il y avait quelques exceptions: la Lancia Aprilia de l’Or noir, c’est Hergé qui l’a voulue car il était parti en vacances en Italie au volant de son Opel Olympia, qui apparaît dans le Sceptre d’Ottokar, et il n’avait cessé de se faire doubler par des Lancia ! "
A la lecture des albums, se pose tout de même une question importante : Tintin est-il un danger public ? Sur la route, le héros s’affranchit bien souvent de la réglementation en vigueur pour parvenir à ses fins. Ainsi, comme le précisent les auteurs de la monographie Tintin, Hergé et les autos* (éd. Moulinsart), "Tintin ne descend que rarement d’une voiture ou d’une moto qu’il pilote sans avoir eu, au préalable, un accident." Il échappe ainsi au pire, comme conducteur ou passager, dans L’Oreille cassée, Le Sceptre d’Ottokar (à moto), L’affaire Tournesol, Tintin en Amérique, Les cigares du Pharaon ou Tintin au pays de l’or noir (!). On pense aussi à la fameuse poursuite de L’Affaire Tournesol, où Tintin et Haddock sont pris en charge par il signore Cartofolli, Arturo Benedetto Giovanni Giuseppe Pietro Archangelo Alfredo de son prénom (en référence au grand pianiste italien Arturo Benedetti Michelangeli, également amateur d’automobile), qui va les emmener pour une folle course poursuite au volant de sa Lancia Aurelia B20, semant la terreur dans un village, sans conséquence heureusement. Sacré palmarès, mille sabords !
Mais intéressons-nous de plus près aà quelques autos-stars de la série.
Ford T - Tintin au Congo
La Ford T est sans doute la plus connue des voitures de Tintin, puisqu’elle a même les honneurs de la couverture d’un album. Elle est également la dernière voiture que le héros achètera et paiera de sa poche, après la sportive inspirée d’une Amilcar vue dans Tintin au pays des Soviets : un modèle "qui en palier fait du 150 à l’heure", pour reprendre l’argumentaire du vendeur. Dans les 21 albums suivants, notre héros se contentera d’utiliser des voitures appartenant à ses amis ou ennemis.
Jeep - Tintin au pays de l’or noir, Objectif lune
Archétype de la voiture d’aventurier et véritable mythe roulant, la Jeep ne pouvait rater le rendez-vous avec le reporter…qui n’en prendra pourtant pas le volant, sauf pour illustrer la couverture de Tintin au pays de l’or noir. La couverture d’un album (qu’elle occupe à deux reprises) est un privilège que la Jeep est la seule à partager avec la Ford T. A noter aussi, l’apparition d’une rare version Station Wagon dans L’affaire Tournesol.
2CV - L’Affaire Tournesol, Les bijoux de la Castafiore
Michel Demarets : "La 2CV des Dupondt dans l’Affaire Tournesol est verte, et beaucoup de gens ont cru à une fantaisie de notre part car les 2CV de l’époque étaient exclusivement grises. Mais ça n’était pas le cas en Belgique, où l’importateur Citroën proposait des versions "luxe" vertes ou blanches. Quant à l’immatriculation 0589F, c’était celle de la 2CV de Roger Leloup, l’un de mes collègues du studio."
Limousine - Tintin et les Picaros
Michel Demarets : "Pour la limousine officielle dans les Picaros, la base était la Mercedes 600, que j’ai mâtinée de ZIL soviétique. Quant aux quatre feux avant, ils s’inspirent de ceux de la Fiat 130. Et j’ai bien sûr rajouté la calandre à moustache de Plekszy-Gladz."
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