Dans l'Aveyron, 15 personnes ont été entendues mardi devant le tribunal correctionnel pour une page Facebook indiquant – entre autres - les lieux de contrôle radars des forces de l'ordre. Le procès est inédit.

Interpellant les membres avec « Tu vois une camionnette bleue, un radar, des motards... viens le signaler », la page Facebook compte plus de 10.000 membres, avertis en temps et en heure du moindre radar ou képi présent sur le bord de la route en Aveyron (12).

Mais la page est loin d'être au goût du procureur de la République de Rodez : Yves Delpérié a décidé de s'attaquer au « groupe qui te dit où est la police en Aveyron », qui ne travaille pas selon lui à renforcer la sécurité de ses concitoyens au volant ou au guidon.


Inédit : 15 membres d'une page Facebook anti-radar attaqués en justice


Procureur Delpérié : « Il est lamentable que certains préviennent de l'installation des radars »

Créé en 2012, le groupe clame « ne nuire en aucun cas aux forces de l'ordre », même si ces derniers font souvent l'objet de désignations peu élogieuses, comme « attention, poulets à tel rond-point ». Les messages comportant l'emplacement des radars et tests d'alcoolémie, qui semblent tant irriter le procureur, côtoient aussi des indications d'embouteillages, de présence d'animal sauvage et des zones d'accident... comme le suggèrerait n'importe quel avertisseur radar selon la défense, mais à la différence que ce dernier indiquera - avec une retenue très politiquement correcte – des « zones de danger ».

Le procès est inédit, et pourrait bien faire jurisprudence. 15 personnes de la communauté ont donc été entendues pour s'être « soustraites à la constatation des infractions routières », dont 8 pour « outrage à agent », après lecture de termes peu élogieux désignant les forces de l'ordre.

Le procureur Delpérié a alors « décidé de réprimer les gens qui cherchent à échapper à la loi », dans « une blogosphère où tout est permis ». Interrogé par la presse locale, il se dit las d'être « réveillé toutes les nuits, car des gens se tuent sur la route. » Selon lui, les contrôles sont destinés à renforcer la sécurité des usagers, il est donc « lamentable que certains préviennent de l'installation des radars.»


Inédit : 15 membres d'une page Facebook anti-radar attaqués en justice

L'avocat Rémy Josseaume avec les prévenus.


Les arguments de la ligne de défense

Selon l'avocat de neuf des prévenus (ou des prévenants ?!) Rémy Josseaume, spécialisé dans le droit automobile, aucune loi n'a été violée puisque le groupe n'a pas à être assimilé à un quelconque système type « détecteur de radars ». L'article R 413-15 en interdit la possession et l'usage, et prévoit un retrait de 6 points sur le permis de conduire et une amende de 1500 euros.

Le co-fondateur de la page, Mathieu Chané, a déclaré à l'AFP que ce procès est « une grosse hypocrisie car il existe des tas d'entreprises privées qui utilisent les mêmes systèmes permettant de savoir où sont les radars.» Selon un autre prévenu David Allègre, on compte entre 600.000 et 800.000 pages du même type, dont « certaines sont mêmes gérées par les forces de l'ordre ».

A la barre, Maître Josseaume a comparé les internautes qu'il défend aux constructeurs de boîtiers comme Coyote, qui compte en Europe plus de 2,8 millions d'utilisateurs-contributeurs signalant les « zones d'accident connues comprenant ou non un radar fixe ». L'avocat a rappelé également que la justice avait renoncé dans le passé à « interdire les appels de phares signalant la présence des gendarmes. » L'avocat a même suggéré dans ce cas d'attaquer nos confrères Auto Plus pour leur carte des radars !




Sécurité routière : les associations montent au créneau

Le procès est l'occasion pour les associations de Sécurité routière de s'exprimer sur le sujet. Selon le directeur de l'Association Prévention routière dans l'Aveyron Bernard Stasiowski, « la vitesse tue et le fait qu'on essaie de déjouer les systèmes de contrôle, c'est se mettre en danger et mettre en danger la vie d'autrui. (…) Il faut arrêter ces réseaux sociaux et que tout le monde respecte la vitesse. »

Pour appuyer ses dires, Bernard Stasiowski cite l'explosion du nombre de tués sur la route dans son département en 2013 : +126% (34 tués contre 15 en 2012), alors que les chiffres à l'échelle de la France ont connu un recul de plus de 10%.


Des suspensions de permis et des amendes requises

Pour l'heure, des suspensions de permis de 15 jours à 4 mois ont été requises contre les quinze prévenus, et huit d'entres eux risquent en plus une amende de 300 à 500 euros pour « outrages ».


RDV le 3 décembre prochain 14h pour le dénouement de ce procès.



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