Seul pilote à cumuler les titres mondiaux sur deux et quatre roues, John Surtees a toujours préféré l'indépendance à la facilité. Son palmarès aurait sans doute été plus étoffé s'il était contenté de piloter. Mais Surtees est un perfectionniste, un loup solitaire égaré dans la jungle des grands prix. Lassé de faire des concessions, il n'a plus le choix : il doit créer sa propre écurie.
Condamné par l'évolution des temps, Surtees y perdra ses dernières illusions sur les hommes et sur la course. "Pour réussir en Formule 1, il faut savoir se taire et ne pas exprimer trop fort ses opinions. Cela n'est pas dans ma nature". Ce goût pour l'indépendance et ce refus de la diplomatie, John Surtees va les payer cher tout au long de sa carrière. Lorsqu'il troque le cuir après sept titres mondiaux, pour la combinaison de toile bleu azur, à l'aube des années soixante, il décide de gérer au mieux ses intérêts. Après son exploit au Portugal, où il manque de peu la victoire pour sa troisième sortie en Grand Prix, il décline les offres des écuries de premier plan. Il préfère apprendre son métier dans des équipes plus modestes et déjà, il ne mache pas ses mots : "Clark et Surtees, c'est une étoile de trop chez Lotus". Surtees s'en va.
Avec la Lola Mk4, Surtees se hisse non seulement à la quatrième place du championnat du monde, mais s'impose aussi comme le véritable chef de l'écurie. Baodley et Surtees se complètent admirablement et tissent dès cette époque des liens durables. Considérant sa période d'apprentissage terminée, Surtees accepte l'offre de Ferrari en 1963. Cette année là, il enlève sa première victoire en Grand Prix au Nurburgring puis, en 1964, il est champion du Monde. Mais chez Ferrari, cet éternel insatisfait trouve fatalement matière â redire. S'il voue une réelle admiration pour le "dieu" de Maranello, il va, en revanche, se heurter de plein fouet avec les "ministres du culte". Sa rigueur britannique et son rythme de travail heurtent la fierté latine des hommes et bouscule les mauvaises habitudes de la maison. Les opposants, dont Dragoni, le directeur sportif, l'attendent au tournant. Tant que Surtees gagne, ils se tiennent cois mais lorsqu'il est victime d'un grave accident fin 1965, ils sortent de l'ombre et abattent leurs cartes. Dragoni persuadé que le Britannique ne recouvrira jamais l'intégralité de ses moyens, pousse Lorenzo Bandini sur le devant de la scène. Pourtant lors de son retour, Surtees triomphe aux 1000 km de Spa, puis au GP de Belgique mais Dragoni multiplie les brimades. Au Mans, en juin 1968 il va même jusqu'à le rayer de la liste des pilotes prétextant hypocritement éviter à un convalescent les affres d'une course de 24 heures. C'en est trop pour Surtees qui quitte la Scuderia sur le champ. II ne retrouvera jamais une monoplace capable de le conduire à nouveau vers le titre mondial. Intérimaire de luxe chez Cooper, il termine second du championnat du Monde 1966 avant de fonder de gros espoirs en passant chez Honda.
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