Avec un tel patronyme, l'envie de prendre la route est encore plus forte que le désir de rester autour de l'auto pour la contempler. Comme toutes les autres Aston, la portière s'ouvre vers le haut histoire d'en rajouter encore un peu sur le plan du look. La position de conduite est celle d'une vraie sportive, mais elle étonne par son manque d'espace à cause de la grosse console centrale et surtout, de la garde au toit plutôt réduite qui rendra les choses difficiles pour les très grands gabarits. Pas d'inquiétude en revanche si vous avez la corpulence standard d'un agent secret anglais. La position du frein à main surprend et son fonctionnement impose un petit briefing technique : situé à gauche du siège conducteur sur les versions à conduite à gauche, il demande d'être remonté jusqu'en haut avant d'être complétement abaissé dans un mouvement assez mou pour être enlevé. Ce frein à main est une délicieuse exception à la classe avant-gardiste de la voiture, même si d'autres détails comme les quelques aérateurs et boutons en provenance de Ford et de Volvo agaceront probablement certains puristes, qui grogneront aussi sur la qualité relative de certaines parties de la console centrale. Rien de bien méchant, l'ensemble reste magnifique. Le hand-built est toujours de mise et l'habitacle nécessite 70 heures de travail par les spécialistes de l'atelier de fabrication.

Essai - Aston Martin Virage : fausse jumelle et vraie réussite


Quelques millièmes de secondes après avoir appuyé sur la clé de démarrage, le moteur s'ébroue. Tout comme les DB9 et DBS entre lesquelles cette Virage veut s'intercaler, la nouvelle Aston reprend le V12 de 5,9 litres de cylindrée qui sert aux gros modèles de la marque, conçu sous l'ère Ford. La puissance qu'il développe sous le capot de la Virage est à mi-chemin entre la DB9 ( 477 chevaux ) et la DBS ( 517 chevaux ) en restant un chouilla sous la barre des 500 chevaux, avec 497 chevaux à 6 500 tours / minute pour un couple maximum de 570 Nm à 5 750 tours / minute. Les ingénieurs ont tenté de donner un caractère plus sportif au moteur par rapport au set-up de la DB9, à noter que ce choix lui fait perdre 30 Nm comparé à cette dernière, avec un pic plus haut dans les tours.


Une fois le moteur animé donc, la sonorité du V12 reste relativement discrète. N'oublions pas que nous sommes dans une Aston Martin et que cela implique de rester smart lorsqu'il faut se rendre au casino ou à l'opéra, il n'est donc pas question de choquer des tympans comme avec sa 599 GTO ou sa Lamborghini fluo. Que les amateurs d'envolées lyriques se rassurent, l'organe placé devant le tableau de bord reste capable de flatter l'audition des passagers comme des passants, dans une tonalité parfois métallique qui le différencie d'un V12 italien. A noter que l'expérience auditive est encore meilleure à bord de la Virage Volante lorsque le soleil est également au rendez-vous. Point de Manettino compliqué dans la Virage qui se contente d'une console centrale pourvue de quatre boutons sur sa partie inférieure. Le premier en partant de la gauche permet de rendre la suspension plus ferme pour la conduite dynamique. Le second active le mode sport de la boîte de vitesses ( une nouvelle transmission automatique Sportshift avec un mode manuel à palettes ), le troisième permet de déconnecter l'ESP pour les plus joueurs et le quatrième cache en fait un stylo ( si, si ), autre gadget sans doute présent ici afin de faciliter la signature des PV pour excès de vitesse après s'être fait intercepter par la police. Bref, les choses sont simples à bord de la Virage : on ne touche à rien pour rouler tranquille et on appuie sur trois boutons pour rouler sport. Il n'y a rien d'autre à faire.


La Virage tient les courbes


Tout comme le moteur, le set-up châssis & liaisons au sol est lui aussi défini à mi-chemin entre la DB9 et la DBS. Plus lourde qu'une DBS avec un poids qui flirte avec les 1800 kilos, elle se dote tout de même de freins carbone-céramique en série et de suspensions plus sportives que sur la DB9. Le résultat est une GT qui parvient à cumuler polyvalence et efficacité suffisante, selon l'humeur de son conducteur. Coté ville, la Virage se manie avec une facilité déconcertante et même les dos d'ânes ne lui font pas peur grâce à un splitter avant semble-t-il moins bas que sur la plupart des GT contemporaines. La transmission en mode automatique remplit tranquillement son office, le nouveau système GPS qui se déploie automatiquement est simple d'utilisation et le coffre se montre suffisant pour une utilisation de la vie quotidienne. Quant au système sonore Bang & Olufsen, il comblera les rares passagers qui ne se contentent pas déjà de la musique du V12. Pas de doute, la Virage est clairement au top des sportives vivables tous les jours.


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Coté route ( sinueuse ) ensuite, la Virage surprend par ses aptitudes tout sauf ridicules : son poids et sa philosophie de GT luxueuse et confortable pouvaient laisser croire à un engin trop pataud pour être amusant en conduite dynamique mais l'Anglaise met à profit ses longues heures passées à se faire secouer sur la Nordschleife par le chef essayeur de la marque, un Ring Meister féru de Porsche GT3 RS : une assurance imparable pour garantir un comportement décemment sportif. Mode sport enclenché pour les suspensions et la boîte, la Virage ne rechigne pas à jouer les ballerines sur les routes du sud de l'Espagne. Autre bonne surprise, la transmission Sportshift disposant d'un vrai mode manuel où les vitesses se descendent avec une rapidité acceptable et où jamais la boîte ne choisit de passer elle-même un rapport lorsque la zone rouge est tutoyée de trop près. En terme d'efficacité et de plaisir, la boite me paraît meilleure que celle d'une Mercedes SLS AMG et au même niveau qu'une S-Tronic d'Audi R8 V10 même si les doubles embrayages façon GT-R restent loin devant. Seul reproche, les palettes fixes dont les oreilles mériteraient d'être un peu plus grosses. Peu importe, le lourd châssis encaisse tout lorsque le rythme s'accélère, y compris les maladresses de son conducteur tant que le bouton ESP OFF n'est pas pressé. Le feeling n'est clairement pas celui d'un gros coupé seulement confortable et cette Virage fait montre d'une agilité enthousiasmante. Comme dans une Nissan GT-R mais à un niveau bien moindre, le poids se fait oublier et les sensations au volant incitent à l'arsouille campagnarde. Les vocalises du V12 sont un autre facteur stimulant et le freinage carbone-céramique permet d'enchainer les lacets aussi longtemps que le permet la contenance du réservoir, fatalement siphonné assez rapidement en conduite rapide ( nous avons mesuré un peu moins de 12 litres / 100 km à rythme légal sur autoroute mais près de 30 litres / 100 km en conduite sportive sur les routes montagnardes au tour de Ronda ). Bref, la Virage n'usurpe pas son patronyme même si elle ne pourra jamais rivaliser en terme de performances – lois de la physique obligent – avec des berlinettes à moteur central arrière comme la Ferrari 458 Italia ou la Lamborghini Gallardo ou des extraterrestres comme la Nissan GT-R. Qu'importe, l'intérêt de la Virage n'est pas là.