« Il serait certainement peu équitable de borner aux échelons supérieurs les observations qui précèdent. Les exécutants n’ont pas, à l’ordinaire, beaucoup mieux réussi à accorder leurs prévisions ni leurs gestes à la vitesse allemande. Les deux carences étaient, d’ailleurs, étroitement liées. Non seulement la transmission des renseignements s’opérait fort mal, tant de bas en haut que de haut en bas ; les officiers de troupe avec, pour la plupart, moins de subtilité de doctrine, avaient été formés à la même école, en somme, que leurs camarades des états-majors. Tout le long de la campagne, les Allemands conservèrent la fâcheuse habitude d’apparaître là où ils n’auraient pas dû être. Ils ne jouaient pas le jeu. Nous avions entrepris, à Landrecies, vers les débuts du printemps, l’établissement d’un dépôts d’essence « semi-fixe » : grande pensée du G.Q.G, conçue à l’échelle d’un type de guerre qui ne se réalisa jamais que sur le papier. Un beau jour du mois de mai, l’officier, qui avait la charge de l’installation, rencontra dans la rue un détachement de chars. Il les jugea d’une couleur singulière. Mais quoi ! connaissait-il tous les modèles en usage dans l’armée française ? Surtout, la colonne lui parut bizarrement engagée : elle filait vers Cambrai, alors que la direction « du front » était, de toute évidence, à l’opposé. Dans une petite ville, aux voies un peu tournantes, n’arrive-t-il pas que les guides s’orientent de travers ? Notre homme s’apprêtait à courir après le chef du convoi, pour le remettre dans le droit chemin, quand un quidam, mieux avisé, le héla : « Attention ! ce sont les Allemands ».
Les guillemets refermés, est-il utile de préciser qu’il s’agit de la deuxième guerre mondiale et de l’année 1940 ? Et que nous aurons l'occasion de revenir très prochainement sur ce livre passionnant.
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