Non, il ne s'agit pas de ressortir la 2 CV de son moule en la modernisant. Ni de contrer Dacia ou Tata avec un minimum automobile ultra-dépouillé et à prix plancher. Encore moins de déguiser en Deuche la future C3 comme la première s'y était timidement essayée.
Mon propos est au contraire de faire renaître la 2 CV comme Fiat a recréé sa 500, Mini sa Mini et Volkswagen sa Beetle. Trois voitures qui furent des modèles populaires, et qui sont devenues des icônes du chic automobile et des jackpots pour leurs constructeurs.
L'idée n'est pas nouvelle, elle court les magazines et les sites automobiles depuis vingt ans au moins, mais ce que j'appelle de mes vœux n'est pas seulement affaire de design. Il s'agirait bien sûr de retrouver la bouille et l'allure de la Deuche, mais aussi son esprit et ses vertus adaptés à l'époque.
Il s'agirait aussi et peut-être surtout de créer une voiture désirable et sans véritables concurrentes, à l'image des Mini et 500, donc une voiture qui échappe à la mortifère guerre des prix et permettrait à Citroën de renouer avec les marges.
2 CV, l'autre pilier symbolique de Citroën
Ma Deuche du XXIe siècle serait une voiture à la fois innovante et dépouillée, extrêmement frugale mais raffinée, guère performante mais agréable à mener, sûre et confortable grâce à de nouvelles solutions techniques. Elle serait aussi, à sa manière, un petit SUV, en revendiquant les aptitudes tout-chemin et la praticité de la 2 CV originelle.
Cette voiture ne serait pas spécialement bon marché - la 2 CV ne l'était pas - et elle serait chère à concevoir, mais plutôt économique à fabriquer. En clair, comme la 500 et la Mini, elle autoriserait de fortes marges, ce qui manque précisément à PSA.
Au passage, cette Deuche bis redonnerait aussi à Citroën sa légitimité amputée par la sécession de DS, l'autre pilier symbolique de la marque.
Quitte à faire (encore) ricaner les commentateurs, voici ce que serait la 2 CV de mes rêves et, au passage, la première voiture "2 l/100 km" du marché. Bien sûr, ces idées ne sont pas toutes techniquement, industriellement ou économiquement possibles, certaines sont sans doute farfelues, mais l'idée générale n'est pas utopique. L'utopie serait plutôt de croire que la recette Cactus ou qu'une troisième C5 puisse sortir Citroën de l'ornière.
- Une silhouette basse et haute sur pattes. Vingt centimètres de garde au sol à la mode SUV, mais comme le concept Revolte de 2009, un profil affiné pour une aérodynamique correcte grâce à une implantation abaissée des assises. Poids, 700 kg, longueur 4 mètres.
- Caisse monocoque en acier THLE, mais ailes et ouvrants en polymère à mémoire de forme, sur structure en acier pour les portes. Plancher plat avec structure rigidifiée par des longerons latéraux en caisson faisant fonction de tunnels pour les servitudes et l'échappement. Renforcés pour les chocs latéraux, ils formeraient des seuils de porte surélevés. Une solution moins radicale consisterait à reprendre le soubassement de la légère 208 qui ne pèse que 975 kg dans sa version de base trois cylindres.
- Bicylindre parallèle à essence, positionné à plat à la manière du moteur du scooter Yamaha T-Max, pour abaisser le centre de gravité et passer sous l'habitacle en choc frontal. Le trois cylindres PSA amputé d'un cylindre et doté d'un balancier d'équilibrage cuberait 800 cm3 pour 60 (moteur atmo) ou 80 chevaux (avec compresseur électrique) pour une vitesse maxi de 160 à 180 km/h. Peu d'insonorisant : du bruit mais du joli bruit avec une étude poussée de la sonorité mécanique. Option boîte robotisée à simple embrayage pour ne pas passer les vitesses trop vite.
- Freins alternateurs pour une hybridation light mais efficace. Ces freins remplaceraient le classique alternateur et assureraient l'essentiel des décélérations, associés à des disques à l'avant pour les freinages plus appuyés. Pour une récupération optimale de l'énergie, ces freins alternateurs seraient reliés à des super-condensateurs se déchargeant ensuite, plus lentement, dans une petite batterie Lithium-ion. Celle-ci alimenterait tous les consommateurs électriques, la clim, les périphériques moteur (démarreur, pompe à eau et à huile, compresseur électrique comme celui de Valeo) et, sur les versions haut de gamme et au prix d'une batterie plus grosse, un petit moteur électrique d'assistance au démarrage et à l'accélération placé entre moteur et embrayage. Au besoin, sur autoroute essentiellement, ces "tambours-alternateurs" pourraient s'activer automatiquement, avec compensation automatique par le moteur... et l'autoradio.
- Pneus étroits à flancs hauts, 135/80/17, une taille peu bruyante et peu énergivore, adaptée aux performances et au poids de l'auto. Jantes acier peintes à la couleur de la capote. Pas d'enjoliveurs.
- Suspension à grand débattement par amortisseurs oléopneumatiques, type Fournales. Pour un meilleur confort, pas de barre antiroulis, grâce à un centre de gravité bas.
- Version tout chemin avec le système de transmission hydraulique aux roues arrière présenté à Equip'auto par Poclain. Léger, fiable, peu gourmand et facilement adaptable à toute structure existante pour un coût client d'environ 1 000 €. Il équipe déjà de nombreux petits utilitaires de chantier.
- Intérieur avec peu de plastiques, laissant beaucoup de tôle apparente. En position centrale, un unique grand écran tactile vertical en deux parties pour, en haut l'instrumentation de bord, les voyants et en bas GPS, téléphone et sono, mais ni le chauffage ni la clim, assurées par des commandes à curseur. Pas de moquette mais un unique tapis insonorisant amovible, depuis les pédales jusqu'au coffre, avec de nombreux motifs - du moderne au persan - possibles en option ou en accessoire. Grande boîte à gants à droite, petite à gauche ou grand fourre-tout sur toute la largeur.
- Cinq sièges indépendants à armature périmétrique encadrant une toile élastique et aérée, comme ceux de la première Smart. Ni articulés ni réglables, ils seraient très légers. Particulièrement fins, ils feraient gagner 20 cm de longueur habitable. En option, assise et dossier recouverts de véritable peau de mouton ou de lin, le tout amovible et lavable. Trois sièges arrière non rabattables mais amovibles séparément, comme celui du passager avant pour une modularité optimale. Siège conducteur réglable en hauteur mais non coulissant, associé à un pédalier et un volant réglables en profondeur. Volant monobranche et levier de vitesses à la planche de bord. Pas de console centrale, mais un vide-poches clipsable au plancher. Boucles de ceintures au plancher avec ancrage et prétensionneur unique à l'avant. Un tel aménagement intérieur ferait à lui seul gagner une bonne centaine de kilos.
- Vitres latérales en Altuglas-Shieldup, plus résistant aux chocs et aux rayures que le polycarbonate, deux fois plus léger que le verre. Vitres avant battantes, comme sur la 2 CV. Idem ou par compas à l'arrière. Les vitres non coulissantes permettraient de garnir toutes les portes d'un épais padding amortissant pour la sécurité en choc latéral. Airbags rideaux sur toute la longueur habitable.
- Toit en toile double épaisseur. Ouvrant en option avec un système accordéon, comme sur la C3 Pluriel ou avec enrouleur électrique. Plusieurs coloris possibles.
- Coloris de lancement : gris souris vernis avec capote bordeaux ou bleu marine, bleu roi avec capote beige ou grise, bordeaux avec capote grise ou beige, beige avec capote blanche ou grise, vert gazon avec capote blanche ou vert foncé, bleu horizon avec capote rouge, noir mat avec capote gris clair.
La marge, c'est le style
Concevoir une telle voiture, sur une plate-forme originale, partageant peu d'organes avec le reste de la gamme et des solutions techniques innovantes, reviendrait très cher. Mais fort peu à fabriquer du fait de sa simplicité d'assemblage et de son économie d'équipements, de mobilier et de matériaux. Et comme la 500, une telle voiture pourrait envisager une carrière bien plus longue que les sept ans habituels, ce qui permettrait d'amortir ses coûts de conception.
Surtout, si son style est réussi, elle pourrait se vendre cher. La Fiat 500 dérivée de la modeste ancienne Panda se vend 30 % plus cher que cette dernière ou que sa demi-sœur, la Ford Ka, qui sortait de la même usine polonaise et quasi du même moule technique. Le plus impressionnant est que huit ans après son lancement, la 500 se vend toujours bien et se contente d'un gros restylage pour se relancer. C'est grâce aux énormes marges permises par le style et la cote d'amour de cette petite voiture que Fiat a pu se payer Chrysler-Jeep…
Qu'il s'appuie sur l'émotion, l'esthétique ou la sympathie (la 2 CV coche les trois cases), le style est la plus grosse plus-value, la meilleure source de marge que peut espérer l'industrie automobile.
Si cette New Deuche plaît, si son design parvient à faire pétiller la nostalgie et éveiller le désir, elle pourrait se vendre 12 000 € en tarif de base, soit 4 000 € de plus qu'une Dacia Sandero, et 2 000 de moins qu'une C4 Cactus. 12 000 €, c'est le prix de la plus basique des Fiat 500… Et comme celle-ci, et à l'inverse de la Cactus, la New Deuche pourrait viser une carrière internationale.
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