Bernard Boyer, héros de l'épopée Matra, s'est éteint
Disparu le 18 mars dernier, Bernard Boyer reste indissociable de l'épopée Matra. Titulaire d'un simple CAP de mécanicien automobile, mais travailleur infatigable, aussi intuitif que rigoureux, il réalisa avec les Matra MS 80 puis MS 670 deux authentiques chefs d'œuvre, qui replacèrent les voitures bleues sur les chemins de la gloire après une très longue disette.
Natif d'Orléans, Bernard Boyer vivait dans le midi depuis 1972, date à laquelle il avait pris la direction de l'unité Matra Sport de Signes (Var), à quelques encablures du circuit Paul Ricard. En plus de quatre décennies, il en avait adopté la faconde et malgré sa discrétion teintée de modestie, il savait raconter de belles histoires, rendant simple et accessible à tous le langage souvent hermétique des technologies de pointe. Rendre facile ce qui est complexe pour mieux faire aboutir ses théories sera de tout temps le style de cet autodidacte passionné de mécanique, constamment soucieux d'apprendre et de comprendre pour éliminer les défauts un à un afin d'arriver au meilleur.
A défaut de diplômes, sa curiosité, son sens de l'observation et son expérience du terrain acquise dès l'aube des années cinquante au guidon de motos, puis au volant de petites monoplaces en feront l'homme qui tombe à pic au moment où le sport automobile français semble enfin vouloir sortir de sa léthargie. En dépit d'un titre de Champion de France de Formule Junior en 1961 au volant d'une Lotus, Bernard Boyer, lucide sur ses talents de pilote face aux ténors de l'époque, décide de se cantonner aux bureaux d'études.
Dès 1962, il est en charge de construire dans un délai très bref trois prototypes CD-Panhard pour les 24 Heures du Mans auxquelles il s'aligne pour la première fois. S'il est contraint à l'abandon, l'une des rescapées enlève le très prisé Indice de Performance et la victoire dans sa classe de cylindrée. Un succès qui ne passe pas inaperçu auprès de Jean Rédélé, le fondateur d'Alpine, lequel veut s'aligner au Mans dès l'année suivante. Suivront deux ans chez la marque de Dieppe ponctués de relations difficiles entre le ''Patron'' et Boyer, comme c'est souvent le cas entre des fortes personnalités trop semblables.
Attiré par l'ambition affichée de Matra d'accéder au sommet, il rejoint la toute jeune marque à l'automne 1965 comme chef de fabrication. Après des premiers succès en monoplace, Matra, qui voit en grand avec un programme ''Le Mans'' et surtout une arrivée en Formule 1 dès 1968 ne peut que titiller la soif de création de Boyer, rapidement promu responsable des structures. Développés sous sa direction, les châssis et les liaisons aux sol seront le point fort des Matra. Sur les monoplaces, la fameuse coque rivetée conjuguant rigidité, légèreté et équilibre avec ses réservoirs structuraux sera la clef de tous les succès. Le point d'orgue sera la MS 80 de 1969, qui avec Jackie Stewart remporte six courses sur onze et le Championnat du monde de F1. Le changement de réglementation interdisant ce type de structure ainsi que le choix du V12 Matra à la place du V8 Ford Cosworth ne permettront plus à Matra de triompher en F1.
Lassé de ces échecs, Jean-Luc Lagardère - grand patron de Matra - décide de donner la priorité au programme endurance. Le prototype MS 670 sera le deuxième monument de la carrière de Bernard Boyer, même si celui-ci n'hésitera jamais à rappeler le travail de toute une équipe.
Propulsée par un V12 arrivé à maturité, la Matra rafle tout : trois victoires consécutives au Mans de 1972 à 1974 et deux titres mondiaux des constructeurs. Avec sa capacité de s'adapter à tous les terrains, d'être aussi performante dans les sprints de 1000 km qu'aux 24 Heures du Mans, la Matra 670 par la rigueur de sa construction et surtout sa facilité d'exploitation porte peut être plus que toute autre la ''griffe Boyer'' : l'instinct de ce qui marche ou ne marche pas d'emblée, mais aussi la rigueur et le travail d'équipe où il ne cessera jamais de jouer un rôle majeur en particulier entre pilotes et ingénieurs.
Après ces fantastiques feux d'artifice, Matra se retire de la compétition en 1974, mais plutôt que courir la cachet à l'étranger, Bernard Boyer décide de s'ancrer dans le midi où l'unité Matra Sport est reconvertie dans de plus classiques activités d'armement. Logiquement discret sur cette nouvelle carrière, il reviendra en 1997 sous des projecteurs en battant cinq records mondiaux avec un Racer 500 construit avec son ami Henri Julien (le fondateur de la marque AGS) puis une dizaine d'années plus tard en se laissant enfin convaincre de raconter ses souvenirs dans un ouvrage autobiographique ("Autodidacte et pragmatique du CAP au Championnat du monde" , Editions du Palmier). Depuis, il vivait paisiblement dans le midi où il s'est éteint à l'âge de 84 ans.
BERNARD BOYER EN QUELQUES DATES
1934 : naissance le 25 mars, à Orléans
1952 : débuts en compétition (motocross)
1956 : débuts en compétition automobile (monomill)
1961 : Champion de France de Formule Junior
1962 : construit les CD-Panhard pour les 24 Heures du Mans
1963 : Entrée chez Alpine
1965 : Entrée chez Matra
1969 : conception de la Matra MS 80, championne du Monde de F1
1972 : conception de la Matra MS 670, trois fois victorieuse des 24 Heures du Mans
1974 : entrée à la division armement de Matra, à la suite des activités sport auto de la firme
1997 : bat 5 records mondiaux de vitesse avec un Racer 500 de sa conception
18 mars 2018 : décès à Beausset, dans le Var.
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