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Chute du Mur de Berlin - Les Trabant en première ligne 

Dans Rétro / Saga des marques

Louis-cyril Tharaux

13 août 1961. Berlin prend un K.O dès le réveil, séparée en deux du nord au sud par des barbelés, puis très vite par un mur infranchissable et des gardes-frontières lourdement armés. 28 ans de privation de liberté s’en suivent, jusqu’à ce soir de novembre 1989 où des milliers d’habitants de l’Est de la ville, au volant de leurs Trabant, font basculer le cours de l’histoire. 

Chute du Mur de Berlin - Les Trabant en première ligne 

Pour la République démocratique allemande (RDA), qui n’avait de démocratique que l’appellation donnée 40 ans plus tôt, le chant du cygne sonna définitivement le 9 novembre 1989. Cela faisait en fait des semaines que cette dictature communiste, satellite d’une URSS de plus en plus favorable à la fin de la Guerre froide, connaissait de sérieux signes de tangage.

La dernière illustration majeure datait du 18 octobre. A la suite des mouvements de protestation pacifiques qui s’étaient propagés dans tout le pays depuis Leipzig, le chef de l’Etat, Erich Honecker, avait été débarqué par le bureau politique du SED après 18 années à cornaquer son pays d’une main de fer. C’est néanmoins l’un de ses anciens bras droit, Egon Krenz, qui avait été désigné pour le remplacer au pied levé. Pour tenter de calmer la colère de la rue, ce dernier avait exprimé d’emblée son intention de lâcher du lest sur les formalités de circulation vers l’étranger. La plupart des Allemands de l’Est, néanmoins, n’en croyaient pas un mot…

Annonce prise à la lettre

Puis vint cette soirée improbable du 9 novembre, tout juste trois semaines plus tard. C’était un jeudi. Ce jour-là, à 18h53 précises, tandis que la conférence de presse du parti, suivie par des médias nationaux mais aussi internationaux, touche à sa fin, Günter Schabowski, porte-parole du parti unique définitivement aux abois, se perd dans ses documents, bafouille, puis lâche involontairement un scoop... Contre toute attente en effet, il déclare aux journalistes que ses compatriotes peuvent dorénavant circuler librement vers l’étranger, et ce, sans délai !

La nouvelle provoque un électro-choc. Elle laisse l’assistance incrédule et va totalement prendre de court les hauts dirigeants du régime. D’autant que quelques instants plus tard, le célèbre « Tageschau » de la TV publique ouest-allemande Das Erste s’en fait l’écho en ouverture du journal : « La RDA ouvre ses frontières », relaie la chaîne. Pour Egon Krenz et ses camarades du SED, il est alors déjà trop tard pour faire marche arrière. L’annonce, de fait, s’est répandue dans la population comme une traînée de poudre. Entre incrédulité et opportunisme, nombre de Berlinois de l’Est saisissent cette opportunité tant attendue. Ils préparent des valises à la hâte et décident de prendre la route sur le champ.

Le bon sens d’Harald Jäger

C'est au poste frontière établi sur la Bornholmerstrasse, par l'action du lieutenant-colonel Harald Jäger, que s'opéra officiellement la première brèche dans le Mur de Berlin - Crédit DR
C'est au poste frontière établi sur la Bornholmerstrasse, par l'action du lieutenant-colonel Harald Jäger, que s'opéra officiellement la première brèche dans le Mur de Berlin - Crédit DR

Peu après 20 heures, la foule commence ainsi à affluer de toutes parts. Par premières grappes, puis massivement, dans la Bornholmerstrasse notamment, au pied du Bösebrücke, un pont en arc de 138 mètres de long au milieu duquel est établi l’un des principaux postes-frontières entre Berlin-Est et Berlin-Ouest. Plus la soirée avance et plus ce point de passage cristallise l’attention et une certaine tension... Les habitants sont venus par milliers, soit à pied, soit en voiture, principalement au volant de leurs Trabant 601, l’une des rares voitures fabriquées et commercialisées dans leur pays.

Ces citoyens sur le départ, étrangement, ne semblent plus craindre la surveillance des miradors et la répression des Vopos (abréviation, de Volkspolizei, « Policiers du peuple »). Prenant au mot la parole de Schabowski, ils se rassemblent simplement, avec autorité mais sans violence, comptant sur leur surnombre pour faire pression. Galvanisés par l’espoir d’une vie meilleure, ils scandent en chœur et sans relâche : « Ouvrez la porte, ouvrez la porte ! » (« Tor auf, Tor auf ! » en allemand).

Face à cette marée humaine et à cette détermination jamais vues, le lieutenant-colonel de la Stasi, Harald Jäger, va prendre une décision sage et courageuse, sans l’accord de ses supérieurs et encore moins du gouvernement. Commandant de ce poste-frontière nord qui ne compte que seize fonctionnaires de service, il choisit en effet, à partir de 23h30, de laisser passer sans aucune résistance ces Berlinois de l’Est et leur enfilade de Trabant de l’autre côté du pont.

La Trabant 601, modèle culte

La Trabant 601 était par excellence la voiture culte made in RDA, à la fois austère, spartiate mais néanmoins vaillante – Crédit DR
La Trabant 601 était par excellence la voiture culte made in RDA, à la fois austère, spartiate mais néanmoins vaillante – Crédit DR

Assemblées depuis 1964 sur les chaînes de montage du constructeur automobile VEB Sachsenring Automobilwerk, à Zwickau, dans le land de Saxe, les Trabant incarnaient la fierté des dirigeants de la RDA. Elles étaient des icônes de la propagande. En ce 9 novembre pourtant, elles entonnaient soudain un son de cloche volontairement dissonant et rebelle, un hymne à la liberté cette fois. Un hymne du genre bruyant, aux sons de leurs klaxons stridents et de leurs moteurs à deux-temps semblables à celui de vieilles pétoires.

La Trabant 601, la voiture culte immortalisée au cinéma dans « Goodbye Lenin », de Wolfgang Becker, tenait dans un format de poche. Bien qu’ayant connu certaines évolutions au fil des décennies, elle restait un poids plume (environ 620 kilos à vide) et se cantonnait à 3,55 mètres de long pour 1,50 mètre de large et 1,43 mètre de haut. Son habitacle spartiate et tout sauf volumineux était conçu pour embarquer deux à quatre occupants tout au plus, étant donné l’exiguïté des places arrière.

Sous le capot, guère plus de folie, avec seulement 26 chevaux disponible en motorisation essence. Quant à l’esthétique, il s’agissait clairement d’une voiture au look désuet, incarnée par un coup de crayon basique et une carrosserie à l’apparence fragile, atypique cela dit (innovante même), dans la mesure où elle était réalisée en partie à base de coton recyclé racheté au grand frère russe…

Austère mais vaillante

La Trabant 601 était dessinée tout en angles, à l’exception de ses  phares, ronds comme des billes, qui lui donnaient un soupçon de joie de vivre et un côté attachant. Elle déployait également une palette de coloris. Rien de très fun cependant… Du sobre essentiellement, du beige majoritairement, mais parfois aussi du bleu ciel, du kaki, du vert bouteille, voire du rouge dans le meilleur des cas. Un rouge que l’on pouvait percevoir tantôt comme « bien-pensant », raccord avec l’idéal communiste, tantôt comme ostentatoire et émancipatoire dans cette RDA où il ne faisait jamais bon se démarquer, ni dans la circulation, ni en bas de son immeuble.

Alors certes, on était loin des rutilantes berlines ouest-allemandes siglées BMW, Mercedes ou Audi, mais qu’importe, ce 9 novembre, il n’y avait pas de place pour le paraître. L’importance était bel et bien dans ce mouvement populaire, au cœur de cette action coordonnée, de cette noria de Trabant qui se sentait tout à coup pousser des ailes et capable de franchir le plus hostile des obstacles.

Après la première percée dans le Mur sur la Bornholmerstrasse, des cohortes de « Trabis » continuèrent de déferler au cœur de Berlin, de façon ininterrompue, accueillies par les clameurs des frères de l’Ouest. Les autres postes-frontières cédèrent l’un après l’autre, y compris l’emblématique et central Checkpoint Charlie.

Voiture de mémoire

Sous l’œil des caméras du monde entier, les habitants de Berlin-Est franchirent en pleine nuit les points de passage de la capitale qui les avaient si longtemps séparés de l’ouest – Crédit DR
Sous l’œil des caméras du monde entier, les habitants de Berlin-Est franchirent en pleine nuit les points de passage de la capitale qui les avaient si longtemps séparés de l’ouest – Crédit DR

En quelques heures, les taiseux citoyens de l’Est s’étaient métamorphosés, plus expressifs que jamais, plus forts que tout, inarrêtables ! Sourire aux lèvres et devant les caméras du monde entier, ils convergèrent entre autres vers la Porte de Brandebourg, le monument iconique de la métropole. C’est notamment à cet endroit qu’ils commencèrent à donner de premiers coups de pioche vigoureux dans la muraille de béton qui leur bouchait l’horizon vers l’ouest depuis si longtemps.

Cette nuit du 9 au 10 novembre 1989 marqua l’histoire contemporaine de son empreinte pacifique. Le Mur s’écroula, entraînant dans sa chute le funeste régime de la RDA. Un an plus tard, l’Allemagne ne faisait de nouveau plus qu’une seule nation. Depuis, 35 ans ont passé. Les Trabant sont devenues de précieuses voitures de collection. Les exemplaires en circulation dans la capitale allemande sont désormais largement alloués au transport des touristes.

Ainsi, il n’est pas rare d’en apercevoir du côté de la Potsdamerplatz ou de la Friedrichstrasse, roulant en file indienne, faisant ronfler leurs moteurs et leurs pots d’échappement dans ce centre-ville moderne du Berlin réunifié. Les circuits organisés conduisent fatalement jusqu’aux pans conservés du Mur (le long de la East Side Gallery ou dans la Bernauerstrasse par exemple), dans le sillage d’un morceau mémoriel unique en son genre, une histoire dramatique à la conclusion heureuse, un dénouement que chaque visiteur se plaît à présent à revivre symboliquement, dans une ambiance festive, au volant de ces fameuses 601.

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