Citroën CX 2400 GTI vs Mercedes-Benz 230 E : technologie française ou conservatisme allemand ?
Au début des années 80, les françaises occupaient encore une bonne place sur le marché des grandes routières. Surtout grâce à la sophistiquée Citroën CX, qui affronte sans gêne la référence allemande de la catégorie, la Mercedes W123. La première développe 128 ch en GTI, la seconde 136 ch en 230 E. Aujourd’hui, on les trouve dans la même gamme de prix, entre 4 000 et 6 000 €. Alors, laquelle choisir ?
Les forces en présence
Présentation : deux idées opposées de la grande routière
Au moment de remplacer la mythique DS, Citroën envisage deux modèles. L’un, une berline dérivant de la SM, prendra le relais des 20, 23 et 23ie, tandis que pour succéder aux DSpécial et DSuper d’entrée de gamme, on conçoit une voiture plus petite, le projet L. Malheureusement, l’argent manque, et finalement, on ne retient que ce dernier. Il devient la CX, présentée en 1974, et si elle apparaît comme très moderne, elle se voit vilipendée pour sa ressemblance avec la GS. Des critiques fondées tant ces deux autos s’inspirent toutes les deux de prototypes réalisés par Pininfarina en 1967 et 1968, les Berlina Aerodinamica 1800 et 1100.
Néanmoins, la CX séduit par son haut niveau technologique. Outre une aérodynamique soignée (Cx de 0,37), elle bénéfice d’une excellente étude contre les chocs et profite de trains roulants fort sophistiqués. Si elle reprend la suspension hydropneumatique inaugurée par la Traction 15-6 H, elle l’associe à des bras superposés à l’avant dessinés pour contrer les effets de cabrage et de plongée, combinés avec un pivot dans l’axe, et à l’arrière à des bras tirés. Ces éléments se fixent sur un cadre d’essieux, recevant aussi la mécanique, et sur cet ensemble, on visse la coque, via des silentblocs. Une fabrication complexe mais efficace, la Citroën devenant dès sa sortie la référence en matière de confort et de tenue de route.
Elle rencontre d’emblée un très grand succès. Il lui manque toutefois un bloc un peu puissant. Il arrive en 1977 sur la version GTI. Celle-ci récupère en effet le 2,3 l de la DS 23ie mais lui offre une injection électronique plus moderne. Avec ses 128 ch, la CX GTI flirte avec les 190 km/h. Elle bénéficie de petites retouches régulières (meilleur traitement anticorrosion pour 1980), puis passe à 2,5 l et 138 ch en 1983. Restylée en 1985 (gros boucliers à l’extérieur, habitacle entièrement redessiné), la CX GTI tire sa révérence en 1989.
Chez Mercedes, le développement de la W123 a été plus tranquille. Grâce à un budget important, on prend son temps pour renouveler la classe moyenne incarnée par la W114-115, et on utilise les enseignements tirés de la Classe S W116 lancée en 1972. Comme elle, la W123 bénéficie d’une sérieuse étude contre les chocs et dispose aussi d’une colonne de direction à absorption d’énergie, tandis que sa suspension à quatre roues indépendantes se compose à l’avant de triangles superposés à effet antiplongée, et à l’arrière de bras obliques, le tout étant monté sur ressorts hélicoïdaux. Classique et de bonne facture, même si la direction conserve un boîtier à billes.
Le style s’inscrit dans la droite ligne de la W116 : grands feux horizontaux à l’avant et à l’arrière, profil à 3 volumes traditionnel, sans recherche aérodynamique particulière (Cx de 0,43…), alors que sous le capot, on retient les blocs de la W114, que la W123 remplace dès 1976.
Elle débute une brillante carrière commerciale. En milieu de tableau, la 230 reçoit un 2,3 l de 109 ch, alimenté par carburateur. Elle le conservera jusqu’en 1980, où elle reçoit un nouveau bloc, codé M102. Désormais pourvu d’une injection, il grimpe à 136 ch, tout en abaissant sa consommation dans la 230 E.
Par la suite, la Mercedes bénéficiera toutefois d’options interdites à la française : airbag et prétensionneurs de ceintures de sécurité en 1982. En 1983, elle adopte des projecteurs rectangulaires, des sièges modifiés et des parements en bois sur le tableau de bord, avant de terminer sa carrière fin 1984.
Fiabilité/entretien : une Mercedes beaucoup plus robuste
La W123 a énormément contribué à l’aura d’indestructibilité de Mercedes. Surtout en 240 D. Mais la 230 E ne démérite pas, et ne pâtit d’aucun point faible en particulier, si ce n’est une chaîne de distribution à vérifier régulièrement. Tout est solide, mécanique, carrosserie, habitacle, équipement électrique. Si elle est bien entretenue, l’allemande accumule sans souci les centaines de milliers de kilomètres.
Cela dit, elle demeure sensible à la corrosion qui, si elle n’est apparue que tard, fait parfois de gros dégâts. Problème, ils ne sont pas toujours visibles… Ensuite, le tableau de bord a tendance à se fendre sous l’effet du soleil. Pour sa part, le train avant prend souvent du jeu, surtout avec l’âge : à inspecter également, car les remises en état peuvent revenir extrêmement cher, Mercedes commercialisant toujours les pièces détachées, mais au prix fort. Embêtant quand l’injection mécanique K-Jetronic commence à connaître des avaries, certains de ses éléments coûtant 2 000 €… Heureusement, la maintenance courante est très simple.
Ceci est beaucoup moins vrai pour la CX, qui exige une purge périodique de son système hydraulique de suspension, tous les 30 000 – 40 000 km. Si cela n’est pas effectué, la corrosion peut attaquer les durits et engendrer des fuites : le début de la galère, certains éléments étant très chers. Néanmoins, avec une bonne maintenance, un circuit dure longtemps sans ennui. Les silentblocs de suspension avant s’usent normalement, et les roulements de bras de suspension arrière également (400 € pour les changer, environ). Sous le capot, le moteur n’a pas grand-chose à envier à celui de la Mercedes côté longévité, ni la boîte. Mais le calculateur d’injection électronique peut flancher avec à la clé une grosse facture. Et l’accès aux divers organes n’a rien d’aisé ! Surtout, la CX souffre de la rouille, qui se niche malicieusement entre la caisse et le cadre d’essieu. Dans ce cas, la réfection est si onéreuse qu’il vaut parfois mieux acheter une autre voiture. L’habitacle s’avère redoutablement mal fini : plastiques friables, ciels de toit qui s’effondrent, sièges avachis. Sur ce point, la domination de la Mercedes est totale ! Enfin, la disponibilité de certaines pièces s’avère bien plus compliquée sur la CX, mais l’Aventure Peugeot Citroën DS se met à en commercialiser. Ouf !
Avantage : Mercedes. Parfaitement conçue et réalisée, la Mercedes, si bien entretenue, peut encore présenter l’aspect du neuf sans avoir jamais été refaite ni posé de gros souci. C’est presque impossible pour la Citroën, dont la qualité d’assemblage et de matériaux ne peut rivaliser. Sa plus grande complexité rend sa maintenance moins aisée.
Vie à bord : la douceur française prime
Quoique plus longue que la CX (4,72 m contre 4,64 m), la Mercedes présente une habitabilité arrière très en retrait, carrément médiocre pour les jambes. La largeur et la hauteur disponibles sont en revanche appréciables. Les sièges aux assises dures montées sur des ressorts souples ne conviendront pas à tous, tandis que l’équipement demeure basique. À l’avant, le grand volant frotte sur les genoux, mais la position de conduite demeure convenable, et le tableau de bord remarquable par son ergonomie, si on parvient à se faire au commodo unique. Et cet habitacle semble taillé dans le granit, y compris les accessoires. Mais quelle austérité !
Dans la CX, ces derniers semblent bien fragiles, mais pour le reste… Les passagers arrière bénéficient de beaucoup plus d’espace pour les jambes, de pare-soleil et d’appuie-tête. Royal ! La sellerie, moelleuse, procure une sacrée sensation de bien-être, alors qu’à l’avant, la position de conduite semble mieux étudiée, du moins avec la sellerie en tissu dans laquelle le corps s’enfonce. Le tableau de bord déconcerte initialement, puis quand on s’est fait aux commandes (les fameux satellites), on en apprécie la rapidité d’exécution qu’elles permettent. Cela dit, la position des commandes de chauffage, entre les sièges, est aberrante…
Avantage : Citroën. Nettement plus spacieuse et confortable, la CX choie ses passagers bien plus que la Mercedes. Celle-ci contre-attaque avec une finition impressionnante, ce qui ne suffit toutefois pas.
Sur la route : la CX survole les aspérités… et la Mercedes !
Conçue avec soin, la Mercedes 230 E se signale par un comportement routier sain et rassurant, sans vice aucun. La précision de la direction assistée est convenable, les trains roulants fidèles, le freinage efficace, alors que la suspension procure un bon confort. Mais l’auto n’est absolument pas dynamique, et il n’y a aucun agrément à retirer du moteur, qui se contente de faire le job, dans une sonorité quelconque quoique bien étouffée. Il se révèle d’une puissance et d’une souplesse suffisantes, mais pas plus. Pour sa part, la boîte 4 apparaît facile à manier, mais lente. Globalement, la conduite de la Mercedes surprend. Par sa banalité ! Elle est heureusement très silencieuse.
Rien de tout ça dans la CX 2400 GTI. Ultra-directe et très précise, la direction est un pur plaisir quand on s’y est fait, et révèle la qualité des trains roulants. Elle agit sur un train avant rigoureux et insensible aux effets de couple. L’adhérence atteint un niveau étonnant, surtout sur le mouillé, de sorte que même selon les critères d’aujourd’hui, la Citroën offre une sécurité active excellente. Le freinage très puissant y contribue.
La suspension ? Elle refait la route, comme dit le slogan. Sa capacité à effacer les aspérités fait rougir 99,99 % de la production actuelle, au prix, cela dit, de mouvements de caisse particuliers, qui donneront mal au cœur à certains. En outre, la CX supporte moins que la Mercedes d’être brusquée. Pas spécialement agréable à l’oreille et parfois bruyant, le moteur se montre nettement plus volontaire que celui de la Mercedes, certainement bien aidé par une boîte 5, car la Citroën est plus lourde que la Mercedes. Il procure des performances supérieures sur tous les plans, faisant de la CX une remarquable autoroutière.
Avantage : Citroën. La CX domine la 230 E sur quasiment tous les plans, et de loin : tenue de route, précision, agrément, dynamisme, confort, agrément, performances, freinage… Elle creuse encore l’écart sur le mouillé, où elle se révèle bien plus sécurisante. La Mercedes réplique par une meilleure insonorisation et une suspension qui, au moins, ne donnera le mal de mer à personne.
Budget : au coude à coude
À partir de 1980, Mercedes a revu à la baisse ses prétentions tarifaires. Neuve, la 230 E était donc raisonnablement plus chère que la CX GTI : 87 780 F en 1981 (soit 33 740 € actuels selon l’Insee), contre 81 600 F (31 370 €). Évidemment, la française était nettement mieux équipée (vitres teintées, direction assistée, jantes alu, compte-tours, boîte 5…), même si l’allemande offrait de série les vitres avant électriques. Surtout, elle décotait beaucoup moins, tout en profitant d’un entretien plus simple, ce qui lui donnait l’avantage en coût total de possession !
Aujourd’hui, tout ceci a bien changé, sauf sur un point : la maintenance plus aisée de l’allemande. Les deux autos se trouvent à des prix très similaires (entre 4 000 et 6 500 € suivant l’état) et profitent toutes deux d’une cote orientée à la hausse. Le prix des pièces de la Mercedes peut faire peur (hors consommables), tout comme la complexité de la Citroën, surtout l’hydraulique et l’accès au moteur, mais la 230 E demeure moins chère en maintenance. La Citroën compense en consommant moins, d’après les essais d’époque, 9 l/100 km contre 10 l/100 km à sa rivale.
Avantage : aucun. La Mercedes est plus économe à l’entretien, la CX consomme un peu moins et les deux ont des cotes sensiblement équivalentes.
Verdict : la CX l’emporte grâce à son châssis exceptionnel
C’est fou de se dire que voici 40 ans, une française pouvait tenir la dragée haute à une allemande renommée dans la catégorie des grandes routières. C’est ce à quoi parvient la CX GTI, d’ailleurs très appréciée outre-Rhin pour sa technologie de très haut niveau, que ne peut égaler la 230 E. La Citroën la domine par ses qualités routières, ses performances, son confort, son agrément de conduite, son habitabilité voire son équipement. La 230 E, nettement plus conventionnelle, peut compter sur sa qualité de fabrication et sa fiabilité, exceptionnelles, pour séduire.
Mais après 4 décennies, ces deux derniers points deviennent largement fonction des soins prodigués à une voiture. À état équivalent, ils deviennent actuellement théoriques, car on n’utilisera aucune de ces deux autos comme si elle était neuve. Dans le cadre d’un usage collection, la CX procurera des sensations vraiment hors du commun, celles d’une époque où Citroën osait encore concevoir ses autos de façon très particulière.
De son côté, la 230 E demeure banale à conduire, si ce n’est qu’elle a vieilli dans tous les compartiments de jeu. Elle n’en demeure pas moins confortable et silencieuse, donc très plaisante sur longs parcours tranquilles.
Bilan final : avantage CX
Thème | Avantage |
Fiabilité/entretien | Mercedes 230 E |
Vie à bord | Citroën CX 2400 GTI |
Sur la route | Citroën CX 2400 GTI |
Budget | Égalité |
VERDICT | Citroën CX 2400 GTI |
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