Citroën SM (1970 – 1975), le Concorde des autoroutes, dès 28 000 €
Hi-tech, spectaculaire, rapide et redoutablement efficace, la SM avait tout pour devenir un succès. N’était l’incompétence des dirigeants de Citroën pour vendre du haut de gamme, bien plus que la crise pétrolière…
Les collectionnables, c’est quoi ?
Ce sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Pourquoi la Citroën SM est-elle collectionnable ?
Collectionnée, la SM l'est depuis longtemps : quoi de plus normal ? En effet, voici une Citroën comme on les aime, audacieuse, très particulière et terriblement efficace dynamiquement. A ceci, la SM ajoute une ligne fascinante, un moteur griffé Maserati, garantissant des performances jamais vues chez Citroën, qui accède ainsi à niveau de gamme inédit pour lui. Enfin, ce coupé de haut de gamme incarne une époque optimiste, où on avait soif d'un avenir qui serait meilleur grâce à la technologie.
Les moteurs et Citroën, c’est une longue histoire de désamour. Le double chevron a été incapable de mener à terme le développement les mécaniques (ou les tournebroches, appellation teintée de mépris adoptée par André Lefebvre, directeur technique) prévues pour la DS. On pense au flat-six dont celle-ci devait initialement bénéficier, mais aussi au 4-cylindres double-arbre étudié dans les années 60 pour en animer le coupé de haut de gamme, vecteur d’image et de valeur ajoutée, qu'on cherchait à en dériver. Plusieurs prototypes de cette « DS Sport » sont réalisés, mais les résultats ne sont pas à la hauteur.
Plutôt que de débloquer les fonds pour finaliser la mise au point de son nouveau moteur, la firme de Javel préfère s'adresser à Maserati, en 1967, firme mal en point qu'elle rachètera en janvier 1968. A la demande des Français, le directeur technique du Trident, Giulio Alfieri, conçoit en un temps record un V6 des plus sophistiqués. On a souvent dit qu’il s’agit du V8 maison amputé de deux cylindres, mais la réalité est un peu différente.
Alfieri s’en est peut-être servi comme base, d’où l’ouverture à 90° du V6, plus typique des V8 (on retrouvera ce trait sur le PRV, lui vraiment extrapolé d’un V8), sa fabrication tout alliage, ses quatre arbres à cames en tête et son typage supercarré. Cela dit, l’ensemble est spécifique et limité à 2,7 l, pour éviter la supervignette… en France. Ne pesant que 140 kg, ce bloc très compact pourra ainsi équiper aisément la future DS Sport, dont les études reprennent de plus belle.
Techiquement, cette DS un peu spéciale conserve sa plateforme, mais ses bras superposés avant sont ici tirés et non plus poussés. Surtout, une extraordinaire direction à rappel asservi (ou DIRAVI) équipe le futur coupé, doté également d’un freinage à haute pression doté de disques arrière (la DS normale se contente de tambours). Naturellement, la suspension hydropneumatique chère à Citroën est de la partie, et le tout se drape d’une carrosserie extraordinaire de modernité, d’inspiration et d’aérodynamisme (Cx de 0.339) due à l’équipe de designers de Robert Opron.
Le résultat final, dénommé Sm (pour Sport Maserati) est présentée au salon de Genève le 11 mars 1970, et fait sensation. Cette voiture est en effet belle, puissante, sophistiquée, et noble mécaniquement. C’est le haut de gamme français qu’on attendait depuis longtemps ! Même si, comme pour le très attendu Concorde, la motorisation vient de l’étranger. Exceptionnelle, la SM est proposée à un prix qui l’est alors tout autant pour une auto née dans l'Hexagone : 46 000 F, soit 55 000 € actuels selon l’Insee. Cela dit, face à la concurrence, il demeure raisonnable, une BMW 2800 CS (170 ch également) revenant à 48 500 F, pour ne citer qu’elle.
La SM débute lentement sa carrière (moins de 900 unités construites en 1970) mais semble prendre son envol en 1971 avec 5 032 exemplaires fabriqués. Cette année-là, la beauté française débarque aux USA, nantie d’une boîte auto Borg-Warner et d’un bloc porté à 3,0 l (180 ch). Mais Citroën ne s’est pas départi de ses vieux démons : insuffisamment formé, le réseau renâcle à vendre ce coupé, car ça lui impose de reprendre des Jaguar Type E et des Porsche 911 par exemple. Et la clientèle de cette catégorie demande plus d’égards que celle achetant des 2CV.
Plus grave, le double chevron, insuffisamment intéressé par le moteur, comme toujours, n’a pas écouté Alfieri qui réclamait une modification sur la chaîne primaire de distribution avant le lancement. Résultat, les V6 commencent à casser et l’après-vente ne suit pas. Conséquence, la Citroën voit ses ventes chuter de 20 % en 1972, puis de 40 % en 1973 et ce, alors même qu’elle reçoit une injection électronique réduisant sa consommation et portant la cavalerie à 178 ch. On a souvent dit que la crise du pétrole avait tué la SM : elle n'a fait qu'accélérer une chute inéluctable.
Car un autre fléau s’abat sur le beau coupé : l’Oncle Sam a passé une loi interdisant de fait les voitures nanties d'une suspension à hauteur variable… comme la SM. Dommage, car elle y avait trouvé son public ! Si on ajoute à cela que le prix a crû continument, on comprend que les ventes s’effondrent littéralement en 1974 (294 unités), chose que l'instauration des limitations de vitesse sur autoroute aggrave encore. Citroën, exsangue, stoppe dès lors toute évolution de la SM, et en confie l'assemblage à Ligier.
Peugeot, qui prend le contrôle du constructeur de Javel en 1974, arrête les frais en 1975. La SM disparaît, produite à 12 920 unités, ce qui n’a strictement rien d’infâmant vu tout ce qu’elle a subi ! Citroën la destinait à une carrière tout autre, car il était envisagé de la décliner en cabriolet et en berline à quatre portes, afin de remplacer la DS 23, mais son irréalisme commercial en a décidé autrement.
Combien ça coûte ?
Depuis une dizaine d'années, la cote de la SM a connu une forte hausse, mais celle-ci semble stoppée. Ainsi, en juillet dernier, la maison Aguttes a vendu un exemplaire de 1971 très sain (mais pas parfait, évidemment) pour 27 600 €, frais compris. Un deuxième, doté des rarissimes jantes RR en résine apparues en 1971, est parti pour 30 000 €. Intéressant. Seulement, il faut savoir que plus la SM augmente en qualité, plus ses prix s’envolent de façon exponentielle. Une très belle auto réclamera 40 000 €, voire 50 000 € si elle ne présente aucun défaut.
Et si elle a été restaurée par un atelier reconnu (Régembeau, SM2A voire Crescia), son prix peut passer les 100 000 €. Les modèles à boîte auto coûtent quelques milliers d’euros de moins que les manuels, tandis qu’on ne relève pas de différence significative de valeur entre les SM à carburateurs et celles à injection.
Quelle version choisir ?
Les modèles à carburateur semblent plus fiables que ceux à injection mais aussi plus capricieux à l’usage : affaire de choix.
Les versions collector
Toute SM en bon état est un collector. Surtout si elle bénéficie d’une configuration rare, par ses coloris ou ses options (cuir, clim), voire d’un historique complet.
Que surveiller ?
A peu près tout… On l’a dit, le V6 souffre d’un problème de tendeur de chaîne primaire de distribution. On sait depuis longtemps le fiabiliser, une autre solution étant de vérifier tous les 5 000 km l’état des chaînes (il y en a trois, dont une par paire d’arbres à cames) ainsi que de leurs accessoires. On les changera tous les 60 000 km (c’est très cher : environ 4 000 €).
Chose étonnante, un V6 de SM respecté et soigneusement entretenu (vidange tous les 5 000 km) peut passer les 300 000 km sans modification. Mais c’est rarissime, surtout que les soupapes fourrées au sodium s’avèrent cassantes, et l’axe de la pompe à huile, trop petit. Autant d’éléments qui ont souvent été remplacés par d’autres, plus costauds, depuis longtemps.
Le circuit d’injection vieillit, ce qui occasionne des fuites avec risque d’incendie à la clé : surveillances des durits d’essence impérative ! Plus ennuyeux, les composants de ce système à gestion électronique fourni par Bosch deviennent difficiles à trouver, d’où l’intérêt des modèles à carbus.
Comme toutes les autos de son époque, la SM sait rouiller copieusement et de partout, alors que son dispositif hydraulique demande une maintenance régulière, sous peine de fuir. Cela dit, pas mal de professionnels savent s’occuper de cette auto très complexe qui, moyennant un usage régulier et un entretien annuel bien fait (1 000 € environ), sait se montrer étonnamment fiable. Quel dommage que Citroën n’ait pas fait le nécessaire à l’époque !
Au volant
J’ai pu prendre les commandes d’une superbe SM Injection de 1972. A bord, surprise, la finition se révèle de belle qualité et le cockpit plus valorisant que celui d’une BMW contemporaine. On dispose d’un volant réglable en hauteur et en profondeur, ainsi que d’un siège ajustable à peu près dans tous les sens, jusqu'à la cambrure du dossier ! Résultat, on jouit d’une position de conduite remarquable.
Au ralenti, le V6 Maserati produit une sonorité syncopée, mais, à mesure qu’il monte en régime, il s’éclaircit la voix et finit par produire une très belle mélodie. Peu vigoureux en bas de compte-tours, le moteur se réveille vraiment à 4 000 tr/min, et pousse alors de façon réjouissante : un vrai caractère italien ! La boîte, maniable et bien étagée, le complète à ravir. Pour sa part, la direction de la SM demande de l’habitude : légère, très directe et dotée d’un fort rappel, elle réclame des actions mesurées : le moindre mouvement sur le cerceau se solde par un mouvement de caisse.
Conséquence, dans le sinueux, la conduite s'avère initialement compliquée, car avec cette direction très rapide, on génère sans le vouloir un roulis important, alors que le siège en cuir n'a aucun maintien latéral. Puis, on modère ses gestes et on a tout loisir de s’extasier sur la tenue de route, vraiment remarquable et insensible tant aux aspérités qu’à la météo. C'est l'effet magique de l'hydropneumatique !
Mais c’est encore sur autoroute que la SM est le plus dans son élément : avec sa direction ultraprécise qui s’affermit en fonction du régime moteur, sa tenue de cap royale et ses belles réserves de puissance, la Citroën a encore de quoi étonner, d’autant qu’elle freine fort ! Sur mauvaise route, ou sous la pluie, je doute qu'une sportive de l'époque soit capable de suivre une SM bien conduite. Reste que son moteur se révèle trop sonore et gourmand : 14,5 l/100 km en moyenne.
L’alternative youngtimer
Citroën Xantia V6 Activa (1997 – 2001)
D’accord, ce n’est pas un coupé. Mais cette Xantia, dotée d’un V6, d’une ligne fine et d’une suspension exceptionnelle s’inscrit bien dans la lignée de la SM. Voici une pure Citroën dans l’âme, qui n’a pas peur de faire les choses à sa manière, ce qui produit de beaux résultats. A commencer par une tenue de route fantastique, permise par la suspension Activa supprimant tout roulis. Et ce, en préservant un confort remarquable. Une association des contraires typiquement Citroën ! Le tout se complète de belles performances (plus de 230 km/h en pointe), grâce aux 194 ch du 2,9 l. A partir de 10 000 € (et jusqu’à plus de 30 000 € pour un exemplaire exceptionnel).
Citroën SM (1971) : la fiche technique
- Moteur : 6 cylindres en V, 2 675 cm3
- Alimentation : 3 carburateurs double corps Weber
- Suspension : bras surperposés en L, ressorts hydropneumatiques, barre antiroulis (AV), bras tirés, ressorts hydropneumatiques, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 170 ch à 5 500 tr/min
- Couple : 230 Nm à 4 000 tr/min
- Poids : 1 450 kg
- Vitesse maxi : 220 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 8,9 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Citroën SM, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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