DESIGNbyBELLU : Ferrari prend un virage : "On est passé de la Galerie des Glaces à l’abbaye de Sénanque. La caisse de la Roma est polie comme une sculpture de Henry Moore".
La nouvelle Ferrari qui se positionne au bas de la gamme joue sur la discrétion. Oui, la discrétion ; une notion que l’on avait oubliée depuis des lustres à Maranello.
Le statut de designer chez Ferrari, ça n’est pas un job de tout repos. Depuis le début de l’année, dans les petits studios de Maranello, les projets se sont succédés à une cadence infernale. On a vu apparaître pas moins de six nouveautés : F8 Tributo et F8 Spider, P80 C, SF 90 Stradale, 812 GTS et Roma. Six nouveaux modèles ; c’est deux trois fois plus que chez Renault où l’on duplique les succès existants et… six fois plus que chez Fiat où l’on attend de savoir qui fera quoi dans le cadre de l’alliance avec PSA si elle se confirme.
On ne travaille pas dans tous les studios avec la même exigence. Chez Renault, la direction est très cool. Au moment de lancer l’étude d’un nouveau modèle, le patron du design, Laurens van den Acker, interpelle un styliste et lui résume rapidement le cahier des charges : « Pour la future Clio, Kevin, tu t’embêtes pas : tu reprends la génération V qui marche depuis 2011 et tu la plaques sur la nouvelle plate-forme CMF-B sans rien changer ». « Dans la foulée, tu pourras refaire la Captur », ajoute le designer néerlandais réputé pour le choix de ses sneakers.
Chez Ferrari, ce n’est pas la même musique. Quand Flavio Manzoni réunit ses troupes, ce n’est pas pour leur demander de sortir leur bloc de papier calque, mais pour leurs intimer l’ordre d’avoir des idées. Pour les premiers dossiers de l’année, F8 Tributo et SF90 Stradale, ils se sont laissés aller à une débauche d’excès décoratifs, de bouches béantes, de gestes torturés, d’appendices saillants.
Après ça, ils sont changé de registre, ils ont tout gommé, tout lissé, tout modelé, tout intégré. On est passé de la Galerie des Glaces à l’abbaye de Sénanque. La caisse de la Roma est polie comme une sculpture de Henry Moore. Le coupé à moteur avant renoue avec le long capot et les rondeurs comme l’avait ébauché la Monza l’an dernier. Mais que reste-t-il de de l’esprit Ferrari qui nous avait habitué à des surfaces complexes, percées de gouffres profonds, de couloirs secrets vers l’insondables mécanique. Subitement il n’y a plus rien de tout. Les surfaces de la Ferrari Roma sont potelées comme une celles d’une Jaguar F-Type ou si on regarde plus loin en arrière d’une Aston Martin DB7. La Roma est magnifique, mais elle coupe les ponts avec un discours officiel qui justifiait un design agressif par les contraintes aérodynamiques. Allez comprendre.
En outre, les premières images diffusées par la direction de la communication montrent un voiture gris argent. On nous a pour une fois épargné le qui devrait être réservé aux vraies machines de sport et qui ne sied pas aux formes subtilement complexes. Ces douceurs impriment un esprit rétro. comme on a pu le voir sur le projet de Piëch. Pour la Roma qui devrait être le modèle le plus « populaire » de sa gamme, Ferrari joue la carte de la domestication.
Sous cette carapace édulcorée, vibre quand même une mécanique rugissante : la Roma possède un V8 turbo qui développe 620 ch et qui est accouplé à une nouvelle boîte de vitesses à huit rapports au lieu de sept.
L’efficience n’a pas été remise en question. On est rassuré.
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