Koenigsegg : noblesse oblige (les voitures les plus rapides du monde)
Le petit constructeur suédois, descendant d'une longue lignée d'aristocrates, fabrique de nobles supercars qui affolent les compteurs et les porte-monnaies, même si l'on ne sait pas toujours ce dont elles sont réellement capables
Il aurait pu se contenter d’entretenir le lustre familial et de préserver une lignée qui remonte au Moyen Âge. Mais le saint empire romain germanique n’est plus et les comtes, archevêques et maréchaux von Koenigsegg non plus. L’aristocratie d’antan est devenue entrepreneuse et c’est en Suède, à Stockholm, dans les années 70 que Jesko von Koenigsegg fait fortune. Son fils Christian Erland Harald va perpétuer le blason. Mais ce dernier ne flotte pas sur le drapeau d’un donjon, mais sur le capot de supercars, les Koenigsegg.
L’automobile, chez le petit Christian, c’est une idée fixe qui germe lorsqu’il a 5 ans et que son père l’emmène au cinéma. Sur l’écran il découvre Flaklypa Grand Prix, un film norvégien en stop motion façon Wallace et Gromit. Le film raconte l’histoire d’un inventeur qui crée une voiture de course. L’inventeur ce sera lui et de ce jour, il ne pense plus qu’à ça.
Des années plus tard, son bac en poche, et avec les fonds paternels, il se lance dans l’élevage et le commerce de poulets. On est loin de Flaklypa, mais Von Koenigsegg fait ses armes et gagne de l’argent. En trois ans il amasse de quoi fonder son entreprise et réaliser son rêve de gamin. Il a 22 ans, et la marque Koenisgegg autos est née, au pays de Saab et de Volvo.
Mais les couronnes suédoises viennent à manquer. L’argent des poulets ne suffit pas à créer une supercar. Alors papa Jesko entre à nouveau dans la danse et dans le capital de l’entreprise. Surtout, son entregent permet de lever des fonds auprès d’un banquier américain et d’un milliardaire russe.
C’est parti. Avec 45 salariés dont quelques ingénieurs débauchés chez Saab et Bentley, et le designer David Crafoord, Koenigsegg se lance. Son idée est simple : créer la supercar des supercars. Son modèle n’est pas Ferrari ou Aston Martin, mais plutôt Horacio Pagani. Le business model du Suédois est similaire à celui de l’Argentin : vendre très cher des autos surpuissantes et presque sur mesure, à un nombre d’exemplaires qu’il estime à 25 par an, de manière à faire tourner la petite boutique presque artisanale.
Nous sommes en 1994, l’équipe se lance dans la folle aventure mais rien n’est simple. Au bout de deux ans, un premier prototype voit le jour. Il est baptisé Koenigsegg CC. Mais il faudra attendre l’an 2000 pour que la version de (petite) série soit développée. Elle s’appelle CC8S et d’emblée elle se fait remarquer. Pas sa puissance, évidemment, puisque la marque a réussi à tirer 665 ch et 750 Nm d’un V8 Ford. La profusion de carbone, d’alu et de kevlar permet de ne pas dépasser 1 170 kg sur la balance. Un ratio poids/puissance explosif qui laisse le chrono pantois : 390 km/h en pointe, dûment homologué au Guiness des records. Ce sera la seule vitesse maximale réellement répertoriée par la marque, les suivantes restant plutôt floues.
Les tarifs de l’engin, entre 1 et 2 millions d’euros, selon le degré de personnalisation, permettent à Koenigsegg d’être rentable, même si la première année est compliquée et que 6 voitures seulement trouvent preneurs. Qu'importe : tous ceux qui se moquaient de ce fils à papa qui tente de s’immiscer dans le cercle ultra-fermé des créateurs de supercars s’inclinent.
La CC8S continue son bonhomme de chemin, mais en 2009, dans la petite ville d’Angelhölm ou se situe le siège de l’entreprise, le patron de Koenigsegg est pris de la folie des grandeurs. General Motors vient de jeter le gant et Saab est à vendre. Koenigsegg est candidat au rachat.
Le boss cherche de l’argent et réussit même à convaincre le Chinois Baic de le suivre dans l’aventure. Mais rapidement l’affaire tourne mal. Koenigsegg s’aperçoit que la seule chose qui intéresse la puissante Beijing Automotive Group, c’est la marque elle-même et pas l’outil industriel. Le créateur de supercars renonce, et c’est le néerlandais Spyker qui rachètera Saab, avant de tout perdre à peine un an plus tard, et de se faire racheter à son tour. L’ex constructeur suédois qui a crée la 900 semble porter malheur à celui qui s’en approche. Koenigsegg se félicite d’avoir lâché l’affaire à temps.
Dès lors il retourne à ses bolides et va en accélérer la conception et la production. En 2010, l’Agera est présentée, suivie de la Regera en 2015. En 2019, la Jesko est dévoilée (en hommage au père de Christian). La petite entreprise grossit, et même si elle reste une petite PME, elle emploie dorénavant 80 personnes.
Tu bluffes Koenigsegg ?
En parallèle, la Gemera est née. Mais en plein Covid, son lancement est repoussé. C’est l’an passé que la version extrème de ce coupé 2+2 est dévoilée, dans une nouvelle configuration et un incroyable générique : 2 300 ch obtenus grâce à un moteur électrique et un V8 thermique. Quels sont sa vitesse maximum et son 0/100 km /h ? Personne ne le sait vraiment et les premiers clients qui ont passé commande de l’un des 300 exemplaires prévus semblent s’en moquer. Les journalistes auto qui veulent essayer les autos sont éconduits, ou doivent se contenter d'un petit tour en ligne droite, si ce n'est pas en tant que passager.
Il en va ainsi à Angelhölm. La petite entreprise et son fondateur se sont toujours entourés de mystères. Christian Von Keonisgegg n’a jamais mis en avant sa généalogie qui remonte aux croisades, préférant entretenir une légende de self-made-man. Une légende et un mystère qui entoure aussi les autos qu’il fabrique. Mais lorsque l’on s’offre une supercar, on s’offre aussi, et peut-être surtout, une part de rêve.
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